ANNEE 2023
Vous découvrirez ci-dessous les paroles d'une de mes chansons. J'en suis l'auteur et le compositeur.
Je l'offre à cet homme Haïtien, mon frère en humanité, croisé il y a peu par le plus grand des hasards à Angoulême. Nous avions commencé à échanger, et cet échange m'enrichit beaucoup, bien que fort court. Puis, après ce croisement totalement hasardeux de nos routes chacun reprit son chemin, pour suivre sa destinée.
Je lui ai promis de lui faire découvrir ma chanson. La voici, les paroles, tout du moins.
Je tiens la musique à sa disposition.
Je dédie cette chanson à tous les peuples massacrés au nom de toutes les stupidités imaginables qui ont servi ou servent encore de prétextes pour faire le mal à ses propres frères et sœurs en humanité. Je ne pense pas, hélas ! qu'un jour notre engeance soit aussi mature que la société première de cette île, et je crains même qu'elle ne courre à sa perte, à vrai dire. Quoi de plus triste que de détruire stupidement le paradis terrestre qui est à notre portée. Il suffirait de presque rien, d'un peu d'amour, de respect, d'attention à la beauté qui nous est offerte gratuitement dans notre bocal si fragile...
18/05/23
La princesse Anacaona
Ô princesse Anacaona
Sur ton île de Quizqueya
Belle princesse Taïno
Tu règnes sur ton cacicazo
Ta peau est couleur chocolat
Ton époux c’est Caonabo
Ton royaume c’est Xaragua
Paradis au milieu des eaux
Par la mer arrivent trois vaisseaux
Jettent l’ancre, les chaloupes à l’eau
Sont des hommes d’aspect peu banal
Ont pour chef Colon Cristobal
« Étrangers, soyez bienvenus ! »
À l’égal de nos dieux Zémis
Des corbeilles de beaux fruits charnus
Colliers de nacre leur sont remis
La belle île de Quizqueya
L’ont appelée Hispañola
Sage peuple des Taïnos
Est la proie des soldats brutaux
Par le glaive et le crucifix
Belle et douce Anacaona
Ces hommes blancs vous ont asservis
Perpétrant mille assassinats
Pacifique peuple Taïno
De poisson, d’igname et de fruits
Vous viviez sages et loyaux
Bienheureux dans ce paradis
Les richesses de l’île ont pillé
Toutes les femmes ont été violées
Tous les hommes au fil de l’épée
Leurs maladies vous ont achevés
Ô mon frère de Haïti
Souviens-toi d’Anacaona
Sage et pleine de poésie
Belle reine de Xaragua
Songe à tes ancêtres Taïnos
À ta si belle île Quizqueya
Et à la traîtrise d’Ovando
Qui fit pendre Anacaona
Ô princesse Anacaona
Sur ton île de Quizqueya
Belle princesse Taïno
Tu règnais sur ton cacicazo
Pacifique peuple Taïno
De poisson, d’igname et de fruits
Vous viviez sages et loyaux
Bienheureux dans ce paradis
Songe à tes ancêtres Taïnos
À ta si belle île Quizqueya
Et à la traîtrise d’Ovando
Qui fit pendre Anacaona
Francis BELLIARD, le 05/09/18
Lexique :
Anacaona : poétesse, elle fut à la tête d’un territoire primitif de l’île d’Haïti ;
Quizqueya (ou Hispañola) : ancien nom de Haïti ;
Taïno : ethnie dominante alors sur l’île ;
Cacicazo : un des caciquats d’Hispañola ;
Xaragua : le cacicazo de Xaragua s’étendait sur la partie sud-ouest de l’île ;
Zémis : idoles, divinités ancestrales locales ;
Nicolas de Ovando : gouverneur d’Hispañola de 1502 à 1509.
NB : Cette histoire vraie est celle de la conquête de l’île par les Espagnols autour de 1500
ANNEE 2022
Voici un cadeau rare : la voix exceptionnelle d'Amarante, ma petite-fille.
https://drive.google.com/drive/folders/1EfkFfYKc2NMZ5UxyrWP5nyaQthUllr0O
Ci-dessous : elle sera en concert à Courcôme (16) en septembre prochain...
Musique de Francis BELLIARD sur un poème de Bernard LORRAINE (1978)
02 Piste 2.mp3
Fichier audio MP3 [2.1 MB]
Dans la nuit
Entendez-vous geindre
Comme une rumeur
Un arbre qui meurt
De soif sans se plaindre.
L'enfant qui a peur
Ou un animal
Blessé qui a mal
Une femme pleure.
Ah ! Je m'évertue
A ne pas entendre
Ce cri à cœur fendre
De quelqu'un qu'on tue.
Mais vous êtes sourds !
Ecoutez enfin
Celui qui a faim,
Celle sans amour,
Celui qui a froid,
Celle qu'on offense
Et la faible enfance
Pour hommes de proie.
Est-il donc possible
Que rien ne déchire
Ce silence pire
Qu'un bourreau paisible ?
Sentez-vous frémir
Le fiévreux circuit
Du pouls de la nuit ?
Comment m'endormir ?
Paroles : Bernard LORRAINE
Musique : Francis BELLIARD
Lundi 27 juin 2022
Voilà qui ne me rajeunit pas. Un enregistrement de 1978.
Ces enregistrements sont disponibles chez l'auteur.
2 albums disponibles à la vente :
- "Chants libres" (1978 - vinyle/CD) ;
- "Il te parle d'amour" (2013 - CD : poèmes dits par l'auteur/chansons)
Également en vente auprès de l'auteur :
"Toute une vie de création : Mes 150 chansons" : recueil de mes chansons
3 versions :
- paroles seules ;
- paroles & musique, format broché (2 tomes) ;
- paroles & musique, format relié spirale (2 tomes).
Littérature : tous mes ouvrages écrits :
3 recueils de poèmes / des nouvelles / des romans
Sur commande.
Musique de Francis Belliard sur un poème de Jean-Louis Vallas
03 Piste 3.mp3
Fichier audio MP3 [3.1 MB]
Ne dites pas la pluie
Xylophone des bois,
C'est le chant de la pluie
Sur le clavier des feuilles
C'est le vent qui s'écueille
En secret se marie
Au silence des mousses
Et devient cette voix
Et cette confidence
De la pluie et des bois
Blanches des longues gouttes
Et croches des plus courtes
C'est le chant de la pluie.
C'est le chant de la pluie
Sur le clavier des toits
Allegro sur les tuiles
Gouttes gouttes dactyles
Pizzicati des gouttes
Sur les tuiles des toits.
C'est le chant de la pluie
Sur le clavier des pierres
Ô l'écho de sabot
Des pas de la fermière
C'est le chant de la pluie
Qui fait chanter la terre.
C'est le chant de la pluie
Sur les feuilles des arbres
Où se sont rassemblés
Les oiseaux de soleil
Qui font chanter le ciel.
C'est le chant de la pluie
Que le vent mêle aux voiles
De nos petites barques
Qui s'en vont des levants
Vers les mêmes ponants.
C'est le chant de la pluie
Ô cordes de ses harpes
Entre le ciel et l'eau
Poème de Jean-Louis VALLAS
Mercredi 22 juin 2022
Paroles d'une de mes chansons :
C'n'est qu'un enfant
Est-ce un bateau cette bulle de lumière ?
C’n’est qu’un berceau sous la gaze légère
Un battement de paupières
C’n’est qu’un enfant à l’aube de la vie
Fragile esquif au destin indécis
Un petit d’homme qui sourit
C’n’est qu’un enfant qui grandit
Contre sa mère blotti
Choyez-le, ce petit
Ne lui donnez jamais de fusil
C’n’est qu’un enfant dans les bras de sa mère
Un enfant mort de faim et de misère
Ne verra plus la lumière
C’n’est qu’une enfant abîmée par la guerre
Que les soldats ont traînée en enfer
Son corps gît dans la poussière
Tous ces enfants en souffrance
De par le monde ou en France
Oh ! Mon Dieu ! Faites silence !...
Faites que cesse la violence !
Est-ce un vaisseau cette bulle de lumière ?
C’n’est qu’un berceau perdu dans l’univers
Portant la vie en bannière
Fragile esquif au destin indécis
Une humanité à l’aube de sa vie
Une graine qui se détruit…
Une graine qui se détruit…
Francis BELLIARD
Tes mains : deux merveilleux papillons
qui, soyeuses,
telles des phalènes,
m'effleurent
et me butinent
s'accrochent aux déchirures
de ma nuit
et font battre mon sang
comme du plomb fondu
Tes mains sont deux bêtes vivantes
et douces et chaudes
deux magiciennes
deux ailes musiciennes
qui, de leurs effleurements,
légère respiration,
vont et viennent
sur les courants de mes frissons
Sous elles je sonne et je résonne et je vibre
comme la peau trop tendue d'un tambour noir
Et tout mon corps explose
en autant de cymbales !
Oh ! ...Tes mains ! ...
Tes mains si riches
de douceur et si
pleines
d'amour ...
Francis BELLIARD
Mon ami disparu,
Je pense à toi ce soir
En voyant cet objet
Sur un coin de mon bar :
Et ce n'est qu'un maillet…
Je le tiens dans mes mains.
Il n'a jamais servi
Depuis qu'un beau matin
Cet outil tu m'offris.
Tu avais rigolé
Me voyant dans mon mur
Aussi mal emmanché,
Tapant dans la pierre dure…
En simple menuisier,
Tu fabriquas pour moi,
En orme ou merisier,
Ce bel outil de bois.
Je n'ai jamais voulu
Abîmer ce marteau,
Car tu m'avais ému
Par ce simple cadeau.
Nous connaissant à peine,
Tu vins avec ton cœur
Quand grande était ma peine
Et que coulaient mes pleurs.
À peine reconnu,
Camarade, mon copain,
Tu avais disparu
Aux croisées des chemins.
Tu laissais sur la route
Deux petits orphelins
En pendant sous la poutre
En ce soir incertain.
Pourquoi t'es-tu hâté,
Ne laissant pas le temps
Pour notre amitié,
Et pour les bons moments ? …
Je pense à toi souvent,
Mon frère, mon ami.
Mon cœur saigne en songeant
À toi trop tôt parti.
Il me reste ce bois
Par tes mains façonné
Tout en pensant à moi,
Et que tu m'as donné.
Il est un triste vide
Qui m'arrache le cœur.
Depuis, j'ai pris des rides,
Mais toujours je te pleure,
Mon ami disparu…
Francis BELLIARD
Ferraille aux docks
L'eau du port a des reflets rosés,
Tout enhuilée, tout emmazoutée,
tout encombrée de tous les déchets,
de bois noircis, de plastiques usés,
de chiffons et de cambouis bleuté (bis)
L'eau du port clapote contre les coques
rouillées des chalutiers streptocoques
ayant jadis pêché le haddock
au gré de tous les vents du Médoc,
ferraille en stock au cloaque des docks (bis)
L'eau du port, du port de La Rochelle
s'endort derrière deux tours très belles
du sommeil juste et fier des poubelles ;
sous les quilles l'eau des égouts ruisselle,
des tas d'immondices s'amoncellent (bis)
L'eau des ports de tous les océans,
le vieux marin du navire géant
ne l'aperçoit que quand il descend…
Mais où sont les navires d'antan,
de bois et voiles et cordages au vent ?… (bis)
Francis BELLIARD
Maumusson
Comme tu sais, je dérive sur la barque du rêve.
J'avais glané pour toi des coquilles à la grève
Et je ramais tout seul avec mon cœur en feu.
Oui, je n'ai plus seize ans et ce n'est plus du jeu...
J'ai ramené pour toi ces quelques paysages.
N'est-on pas ridicule quand on a passé l'âge ?
N'empêche. Je marchais, tout seul, en te rêvant :
« As-tu vu ces oiseaux ?...Sens-tu pas trop le vent ?...
Entends ce grondement. Vois-tu, c'est Maumusson.
C'est dimanche. Il fait bon marcher en Oléron... »
Mais ta main n'est pas là...Trois tout petits galets
Roulent au fond de ma poche entre mes doigts mouillés...
Je te montre là-bas un vol d'oiseaux de mer...
Le vent est un peu froid, et c'est encore l'hiver...
Il est tant d'arbres morts et tout un bric-à-brac
Sur la grève, regarde, laissés par le ressac...»
De mes rêves ma barque a ses planches disjointes,
Et, pour la calfater, je n'ai plus que des pointes...
Je rapporte pour toi de la côte sauvage
Trois petits galets ronds et quelques coquillages...
Francis BELLIARD
Poème de Francis BELLIARD, dit par son auteur, de même que pour la chanson "Le Forrez"
01 Piste 1.mp3
Fichier audio MP3 [1.2 MB]
Sème des passeroses
Si un beau soir je meurs,
toi qui aimes les roses,
ô femme aimée, demeure
en la beauté des choses.
Quelque part dans l'ailleurs,
le souvenir des roses,
celui de ta douceur,
me rendront moins morose.
Quelque soir de douceur,
en cueillant une rose,
sentiras la chaleur
de ma main qui se pose.
Pour que les fleurs éclosent,
il leur faut la chaleur :
sème des passeroses,
j'en aime les couleurs,
sous mes fenêtres closes,
quand je serai ailleurs.
Que les pluies douces arrosent
ces graines de bonheur.
De ma dernière demeure,
en contemplant ces roses,
saurai que tu demeures
en la beauté des choses…
Francis BELLIARD
Lundi 30 mai 2022
Ben voilà, c'est fait. Je suis parvenu assez rapidement à trouver la bonne voie.
Je vais essayer de vous offrir un de mes poèmes, puisque j'ai réussi à vous faire entendre ma chanson Le Forez. Voici "Sème des passeroses"...
Lundi 30 mai 2022
Je ne sais plus si je vous ai déjà déposé les paroles de cette chanson. Elle est ancienne (2006). Elle se trouve sur mon CD. SI je parviens à transférer le fichier son, vous pourrez l'entendre. Mais ce n'est pas gagné. Je ne suis pas très habile avec les manipulations informatiques...
Le Forez
Le vent souffle au toit de ma maison
Vent glacé des monts bleus du Forez
Il accourt du fond de l’horizon
Et il tord et brise les mélèzes
Et il hurle aux loups dans mon jardin
Et roule de sombres nuées grises
Par bourrasques l’averse soudain
Aux lauzes aux roses aux choses se brise
Le front à la croisée qui ruisselle
J’écoute la tourmente démente
Nulle voix aucun cri ne m’appelle
Je suis seul dans ma chapelle ardente
A quoi bon entrebâiller ma porte ?
Voix anciennes mes enfants et vos rires
Sont enfuis comme les feuilles mortes…
Je suis seul avec mes souvenirs…
La pluie tombe toujours et encore
Sur les mousses et mes fleurs en jupon
De la terre monte une odeur de mort
Nul ne vient pousser mon portillon…
Francis BELLIARD
Jeudi 12 mai 2022
L’hiver crucifié
Novembre.
C’est la nuit le jour.
Par la vitre du nord,
les grands lauriers, lugubres sentinelles,
se secouent, frénétiques,
sous les rafales maléfiques
défilant à tire d’aile
qui les cinglent de leurs fouets mouillés
et ronflent sur mon toit de vieilles tuiles moussues.
Par la vitre de l’est,
pansu,
le tapis moutonneux
des nuages,
mené par quelque monstrueux
attelage,
est de tous les gris sales
et défile en cavale,
se déchirant sans vergogne
aux toits tassés du village,
où le vent sauvage
aux volets clos cogne et besogne.
Le peuple des arbres de rage
se courbe
sous la violence du vent d’ouest.
Les peupliers squelettiques,
énigmatiques,
gardent encor
l’or
d’une poignée de leurs feuilles mortes.
Je regarde, de derrière ma porte :
les gouttes tombent en filets d’argent
des tuiles de mon auvent
branlant.
La pluie fait rage,
mais le feu sage
ronfle en mon âtre de pierres vieilles.
Ma chienne en boule sur le tapis,
La truffe entre les pattes somnole et veille.
Le jour décidément ne se décide pas à venir aujourd’hui
et baigne toute chose d’une clarté quasi-crépusculaire.
Qu’il fait sombre dans ma cuisine !
In-
utile pendule !…
Heures déraisonnées !…
Il n’est que le temps d’égrener,
comme les grains d’un chapelet,
ou pétales d’un capitule,
en les roulant tes gouttes, ô pluie,
chacune entre mes doigts imaginaires,
de ma retraite, solitaire.
Et je te nomme, en mon langage vernaculaire,
hiver
aux vêtures de suie,
de tous les mots les plus gris,
pris
comme aux plus tristes jours de fêtes,
à la palette
de mes mélancolies…
Francis BELLIARD
Vendredi 29 avril 2022
Les vallons de ton corps
Juste au creux de tes reins la feuille de mes lèvres
Effeuille des chemins qui t'affolent et t'enfièvrent.
Ta bouche me lutine en baisers polissons,
Affolant ma boussole : ô, délicieux frissons !
Incendiaires bêtes, tes doigts qui me parcourent
Me font tourner la tête, mon cœur bat le tambour.
Elfe, telle une fée, tu m'emportes en un monde
Magique, où mille étoiles fusent en folles rondes...
Ondine, tu me mènes vers des rives lointaines :
Nulle autre auparavant, n'en avait pris la peine.
Et tes lèvres très douces sont un onguent sauvage.
Longtemps je t'ai rêvée au bout de mon voyage.
Fée, ô ma fée si belle ! Laisse ma bouche encore
Effleurer doucement les vallons de ton corps !
Francis BELLIARD
Lundi 18 avril 2022
Mon île
Dans le lagon de tes yeux
J'y contemple les camaïeux
De ton âme polynésienne
Comme à l'eau pure d'une fontaine
Tels quelque tiède brise marine
Tes doigts m'effleurent, bêtes lutines,
Allumant des feux au passage
Et je rêve à tes paysages
Sur la plage de tes paupières
Ma bouche sage est en prière
Tes cils ont le goût des oyats
Du sel du sable et de l'orgeat
Ton cou est sables coralliens
Où volent mes baisers éoliens
Et le flot d'une mer immense
Nous roule l'un à l'autre en silence
Après le flux vient le jusant :
Ainsi qu'épaves sur l'estran
Deux oiseaux blancs sur le rivage
Echoués parmi les coquillages…
Lundi 4 avril 2022
Les giboulées de l'âme
Comme de grands oiseaux
Les ailes des moulins
Battent l'air et les eaux
Sur le bord des chemins
Retenues par le pied
Leur essor circulaire
À vouloir s'envoler
Les condamne aux prières
Aux hameaux improbables
Je passe ridicule
Tel une ombre impalpable
Seul avec mes scrupules
Les oiseaux des remords
Aux grandes ailes noires
Tournoient aux ciels de mort
Aux vents des désespoirs
Balayant les colombes
Comme une blanche écharpe …
Au silence des tombes
La note d'une harpe…
S'envolent les corneilles
Du clocher des églises
Leur glas dans mon sommeil
Réveille mes hantises
Les giboulées de l'âme
Malmènent notre amour
Comme pluies sur les flammes
Sous le grand vent qui court
Et me vois au lointain
Au dos d'une colline
Te tenant par la main
Dans la brise marine
Francis BELLIARD
Vendredi 1er avril 2022
Je rêve
Elfe
Je rêve d'une eau qui sourd
en de verts lits de mousses
et d'herbes qui ondulent,
avec des libellules
et des grenouilles rousses…
Je rêve d'eaux qui courent…
Je rêve de fontaines
à l'onde fraîche et pure
jaillissant de la terre
aux vallons solitaires,
de papillons d'azur
aux ombrages des chênes…
Parmi la marjolaine,
le thym, le serpolet,
les blanches parnassies,
tous deux serions assis
à l'ombre de l'été
près des fraîches verveines…
Aux cimes des montagnes
passeraient les nuages
et, au-dessus de nous,
là-haut, dans le ciel doux,
les oiseaux de passage
transhumant vers l'Espagne…
Dans l'herbe de l'alpage
tu reposes, alanguie ;
je contemple tes yeux,
le vent dans tes cheveux,
et je brûle d'envie
de tes baisers sauvages…
Et nous passons nos nuits
en un gîte lointain
l'un à l'autre enlacés,
sans jamais nous lasser
de nous aimer sans fin,
dans un bonheur inouï…
Francis BELLIARD
Mardi 29 mars 2022
Les deux enfants de roi
Emile Verhaeren :
Il était deux enfants de roi
Que séparaient les eaux profondes
Et rien, là-bas, qu'un pont de bois,
Là-bas, très loin, au bout du monde.
Ils s'aimèrent, sait-on pourquoi ?
Parce que l'eau coulait profonde
Et qu'il était, le pont de bois,
Si loin, là-bas, au bout du monde...
Suite de Francis Belliard :
Je n'aurai pas d'enfants de toi.
Ne puis t'emporter dans ma ronde.
Se nouent et se dénouent nos doigts...
Je veux de tes yeux boire l'onde.
Ne sommes point enfants de rois,
Mais t'aime de passion profonde...
Reprendrai mon chemin de croix,
Mon âme toujours vagabonde...
Émile VERHAEREN/Francis BELLIARD
Vendredi 25 mars 2022
La neige de ton corps
La neige de ton corps
je m'y fonds
et je la couvre doucement
d'une lente pluie de pétales de cerisiers et de roses et de pêchers
et d'amandiers
et d'églantines...
J'y fais pleuvoir
comme du duvet des oies de passage
qui crient en fuyant vers le nord...
La neige de ton corps
je m'y fonds
et la découvre doucement
du bout de mes doigts gourds
et de mes lèvres gercées...
La neige...
...immaculée...
mais ton corps est chaud
et vivant
et je te dévore de
mes caresses
et de mes baisers...
Oh! L'infinie douceur de ta peau !...
Et ces deux petites fleurs de pêcher
qui sont restées là, accrochées
à la neige de tes seins ! ...
Francis BELLIARD
Mardi 22 mars 2022
Fin d'automne
Qu’importent les amis, les amours, les enfants ?...
La barque t’en éloigne…
À peine, de loin en loin,
se retournent-ils vers toi
et t’adressent-ils un geste de la main…
Déjà la brume de l’oubli
a commencé de t’ensevelir…
et tu glisses dans l’ombre en silence…
Francis BELLIARD
Jeudi 17 mars 2022
La sorcière
Ton thé d'akènes,
Akhénaton,
et de troènes
était-il bon ?
J'ai en rayons
dans ma boutique
bien des potions
diaboliques
Rien que des plantes
et du cresson
un peu de menthe
et de poivron
Dans ma marmite
mille bouillons
de marguerite
et de houblon
Une pincée
d'herbe aux sorcières
un brin d'aillet
une épervière
Quelques marjolaines
sauce alliaire
quelques silènes
quelques bruyères
Trois capsules
de douce-amère
la campanule
et la ficaire
Avec le fuchsia
l'hellébore
le tubercule du dahlia
et c'est la mort
Pilons violette
et tussilage
et linaigrette
et saxifrage
J'ajouterai la chélidoine
à la si tendre parnassie
et les eupatoires aigremoines
aux rameaux de millepertuis
Dix stolons de la potentille
des carpelles de cardamine
une poignée de myrtilles
et une bouillie de sagine
Six capitules des scabieuses
et deux rhizomes des iris
la racine des tubéreuses
et les gentils myosotis
Un philtre à base de jacinthe
ou bien de rouges digitales
des ombelles de grande absinthe
des pétales de mercuriales
Sont-ce pas là sûres recettes
plus puissantes que narcotiques ?…
il me reste un pied de sarriette
mignonne plante aromatique
L'herbe de feu
et l'herbe au diable
et le lin bleu
et puis l'érable
Dans ton infusion de thym
Je rajouterai de l'armoise
et cinq gouttes d'essence de pin
de la jusquiame et des framboises
Un pied d'âne
et huit scolopendres
En tisane
un peu de coriandre
Quant à la pâte de guimauve
j'y mêlerai de la gentiane
et des corolles de la mauve
des corymbes de valériane
À la verveine citronnelle
j'ajouterai la camomille
et l'émolliente trigonelle
la cannelle et la doradille
À l'élégante salicaire
la salicorne et la joubarbe
les fragons et les matricaires
la bardane ou bien la rhubarbe
J'ai en rayons bien des potions
des plus acides aux plus amères
des élixirs, des courts-bouillons
aux asphodèles délétères
Mais n'étant pas apothicaire
ni médecin ni guérisseur
n'étant qu'une méchante sorcière
je suis aimée du fossoyeur
Francis BELLIARD
Samedi 12 mars 2022
Ivresse
J'ai le profond désir
De m'approcher de vous,
Avec des gestes doux
Retenir le plaisir…
Je lirai l'avenir
En plongeant dans vos yeux :
Brumes en camaïeux,
Improbables délires…
Poserai doucement
Mes paumes à vos tempes,
Comme dans les estampes
On y voit les amants…
Ainsi qu'aux quais des gares
On oublie son bagage,
Nous ne serons plus sages,
Pris aux rets des regards…
Comme statues de pierre…
Hors du temps… hors la loi…
Immobiles, et sans voix…
Baiserai tes paupières,
Ton front, et puis tes lèvres,
Et tes lèvres encore,
Comme on voit aux amphores
Et aux vases de Sèvres…
Mes doigts courent en caresses,
Parcourant tes rivages,
Tes dunes et tes plages,
Et tu cèdes à l'ivresse…
J'ai le profond désir
De vous
Mais je n'ose le dire.
Avoue :
De quel philtre enchanteur
M'avez-vous su séduire ?…
Non assouvi désir
Devient plus tentateur…
Vous êtes si sérieuse
Et moi si téméraire…
Laissez-moi solitaire,
Restez mystérieuse…
Vous êtes si jolie…
Or, demeurons ainsi :
Amis et sages aussi.
Oubliez ma folie.
Ne soyez plus qu'un rêve :
Une elfe que j'enlace
Et que la vague efface
À la brume des grèves…
Francis BELLIARD
Mercredi 9 mars 2022
Ce moment suspendu hors du temps
Je suis la pierre tombée dans ton jardin
cet OVNI venu d'ailleurs
j'ai remué ton cœur
de façon insensée je suis ce baladin
sur un fil
qui a rompu ton fragile
équilibre
mais tellement libre
mais voici que ce jour
je trébuche au seuil
de ce nouveau temps
si bel amour
mais tant d'écueils
mon beau printemps
dans mes bras t'avoir tenue
et ta joue sous mes lèvres amoureuses
nos âmes à nu
si malheureuses…
ô les merveilleux instants,
ces minutes volées au temps !…
Francis BELLIARD
Dimanche 6 mars 2022
Au bout d'un quai
Mon bel amour, ma fée, mon elfe, mon lutin, mon épaule, ma consolation...ma vie...
Comme il est vrai que l'ennui s'installe au long de tes absences !
Les heures vides et la cloche a l'angélus comme un glas...
Les nuits sont vides et amères et me remontent des idées d'outre-tombe, les enfants perdus aux quatre chemins des vents qui les emportent...
Qui suis-je au bord de cette falaise ?
J'ai suivi des chemins d'égarement au long de nuits terribles, pour me trouver assis là, comme une borne.
Tu es les herbes folles des étés si doux et la flamme de mon âtre quand je reviens de mes chemins de boue l'automne, tu es l'or cuivré qui m'éblouit, pauvre orpailleur minable...
Enfin te voici, ma souveraine, toi que j'ai cherchée si longtemps par les peupleraies perdues au fond des prairies lointaines,
eau vive de ma fontaine idéale,...toi, mon elfe, visage de mon bonheur
rien de plus précieux de plus pressé que toi pour moi...
Je n'avais que ma vanité à t'offrir, pauvre baladin paumé, voyageur égaré, et tu m'as souri, et tes doigts sur le bois de la table ont glissé vers ma main, et s'y sont posés doucement...et ne m'ont plus lâché...
Nos corps sont des coquilles creuses comme des nids d'oiseaux...et je n'ai que toi dans l'esprit.
Depuis nous sommes en une barque en dérive du temps, en route pour nulle part ou peut-être pour les rives de cette île lointaine...
Je te veux habiller d'une écharpe de lune et de brume et d'étoiles, t'emmener en mes chemins creux et de traverse et t'offrir les envols des ramiers, les cris des courlis des marais et les roseaux frissonnant dans la brise...
Au bout des mondes nous irions main dans la main ou enlacés, ou emmêlés comme lianes vivantes...
Ô, ma caressante, ma compagne interdite, mon amoureuse...pour toi, je recrée la vie bonne et douce...
Je suis si peu de chose, en somme...Mais sans toi, alors ?...si dérisoire pantin au bout d'un quai...
Je t'offre ces quelques mots désarticulés qu'on n'oserait même pas qualifier de poème.
C'est pour que tu comprennes à quel point ma folie est douce et profonde de toi.
Je t'aime
Francis BELLIARD
Mardi 1er mars 2022
Paroles d'une de mes premières chansons...
Autrefois
Autrefois
Enfant, j'allais courir à travers les champs.
C'était pas loin : la cour, la rue, et puis
C'était l'herbe grasse et les pissenlits,
Comme des soleils d'or et les compagnons blancs…
Autrefois
Blanche aubépine à nos vertes pallis,
Des timides coucous dans la rosée,
Le ruisseau emmenant la paille posée,
Fleurs au jardin et parfum des grands lys….
Autrefois
Odeur âcre du brûlot du cantonnier,
L'automne, le soir ; le village est tranquille ;
Des voix de chiens et d'hommes ; rumeurs subtiles ;
La cloche tinte sur les toits embrumés…
Autrefois
L'école, le plancher vieux, les cartes, la craie,
Et, sur le vieux tableau noir, la dictée
Et les leçons qu'un vieil homme a marquées ;
La fenêtre ouverte, les abeilles entraient…
Autrefois
Un gamin à la cime d'un ormeau ;
Un arc, une fronde, un ballon, un palet ;
La cabane dans les bois est un palais.
Les envols, les cris, les champs des oiseaux…
Autrefois
Mais je n'en finirais pas de radoter.
J'aime parfois faire revivre ces images ;
Tant dorment au creux de mon tiroir, bien sages :
Confitures, tilleul, soleil, pluies d'été…
Maintenant
Je fais des kilomètres de bitume,
Je fais des kilogrammes de béton,
Avant de retrouver quelques moutons,
Ou d'un crépuscule sans maisons la brume…
Maintenant
Je ne vois plus d'enfants aux chemins creux
Ou dans les branches centenaires des ormeaux,
Ni ne surprends ou n'entends le loriot…
Nos bois ont l'odeur d'essence, et c'est affreux !
Alors
Refermons le vieux livre, cuir jauni ;
Oublions ces relents d'ancienne moisson.
Mais sachez bien, qu'à tort ou à raison,
J'ai peur, et c'est d'air pur dont j'ai envie…
Francis BELLIARD, 1978
Lundi 14 février 2022
L'ibis
Sur l'étang de jade vert
le reflet des myosotis
sur ce miroir à l'envers
et celui des tamaris
les carpes royales glissent
aux tiges des papyrus
telles l'ombre d'Anubis
parmi les eucalyptus
- est-ce la demeure d'Horus
ou de l'incestueuse Isis ? –
son eau est laque d'ébène
dans la pénombre du soir
et peints sur cette obsidienne
des blancs nymphéas l'ivoire
les taches bleues des lotus
et la pâleur d'un ibis
Francis BELLIARD
Vendredi 4 février 2022
Paroles d'une de mes chansons :
Ça n'avait pas marché
Il était un bateau, oh ! oh !
Qu'était plein d'animaux, oh ! oh !
Et qui partit sur l'eau, oh ! oh !
Il navigua longtemps (bis)
Un beau jour le bateau, oh ! oh !
Qu'était plein d'animaux, oh ! oh !
S'échoua sur un îlot, oh! oh !
Tout le monde descend (bis)
Il était un bon gars, ah ! ah !
Qui un jour embarqua, ah ! ah !
Mais son bateau coula, ah ! ah !
Coula dans le gros temps (bis)
Quand il se réveilla, ah ! ah !
Noyé non n'était pas, ah ! ah !
L'était dans l'estomac, ah ! ah !
D'une baleine dit-on (bis)
Moi, Pierre, de Saint-Malo, oh ! oh !
Moi qui n'y croyais pas, ah ! ah !
J'ai vu marcher sur l'eau, oh ! oh !
Un soir un matelot (bis)
J'ai voulu essayer, eh !eh !
Le bateau j'ai quitté, eh ! eh!
Et on m'a repêché, eh !eh !
Ça n'avait pas marché (bis)
Francis BELLIARD
Jeudi 3 février 2022
Paroles d'une de mes chansons :
Suivez-moi !...
Moi je suis un très bon soldat
Je marche dans la poussière
Oui je suis un très bon soldat
J'traîn'jamais en arrière.
En avant, les gars !
En avant, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
À Poitiers déjà j'étais là
Crevant ventres et tripailles
Cassant les crânes pour mon bon roi
Méritant la ripaille
En avant, les gars !
En avant, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
Au pied des châteaux, des murailles,
Me battant vaillamment,
Violant les femmes et la marmaille
Toujours sanguinolent
En avant, les gars !
En avant, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
Incendiant récoltes et villages
Sans peur et sans reproches
Vivant de meurtre et de pillage
Tout fuit à mon approche
En avant, les gars !
En avant, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
J'étais aussi d'la Grande Armée
Soldat d'Napoléon
Partout partant toujours premier
Baïonnette au canon
En avant, les gars !
En avant, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
Bleu horizon, fusil Lebel,
dans la boue des tranchées
la der des der on joue la Belle
la mitraille au plancher
En avant, les gars !
En avant, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
Toujours que'que part, v'là qu'on m'appelle
J'accours comme un sauveur
Sûr que j'fais pas dans la dentelle
Famille Patrie Honneur
En avant, les gars !
En avant, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
Moi je suis un très vieux soldat
Le cœur en bandoulière
Rompu, brisé de vos combats,
Ne veux plus de vos guerres.
En arrière, les gars !
En arrière, les gars !
Suivez-moi !
Suivez-moi !
Francis BELLIARD
Mardi 25 janvier 2022
Paroles d'une de mes chansons :
Villanelle
Ne suis point dame châtelaine
À tisser tapisserie,
Mais je file et file ma laine
Pour habiller mon mari.
Ne porte point de hennin, de dentelles,
Mais ma coiffe et mes sabots ;
Ne danse pas comme une damoiselle,
Car toujours suis en travaux.
Je cours aux champs, cours au puits, vole à tout comme arondelle,
Et ma beauté, ma jeunesse sont enfuies à tire d'aile.
Ne suis point dame châtelaine
Aux doigts fins sur l'épinette
Moi, j'use mes mains et je peine
Soir et matin comme une bête.
Mon homme a point de chevaux, de bannières,
Mais sa houe et son surcot ;
Ne mourra point au tournoi, à la guerre,
Mais sous le poids du fardeau.
Enterrez-moi sous un saule, tout auprès de la rivière ;
Faites, pour moi, en passant, au Bon Dieu une prière.
Francis BELLIARD
Vendredi 21 janvier 2022
C'est un soir d'été
C'est un soir d'été, un soir de pénombre :
c'est la volupté des senteurs dans l'ombre,
c'est un chèvrefeuille qui embaume,
c'est ta voix, caresse, comme un baume…
La fraîcheur qui monte du jet d'eau :
Oh ! La chaleur revêt son manteau…
Ta main timide qui m'effleure,
ton souffle enfiévré, ta langueur…
un frisson soudain me parcourt,
des voix murmurent dans la cour,
la maison ouvre ses persiennes sous le lierre,
des airs au piano nous parviennent, un éclair
a furtivement nimbé les buis…
Par bouffées l’air du soir sent la pluie.
Allons! Il est l'heure. Gagnons la chambre.
Nos draps ont le doux parfum de l'ambre,
et, par la fenêtre, quelques bruits
montent, comme jaillis de la nuit :
un homme au loin fredonne sa peine…
des rires étouffés…un phalène
s'est pris les ailes aux rideaux…
le cri nocturne d'un oiseau…
S'emmitouflant dans son halo,
la lune en blanc, telle un falot…
Le vent d'orage qui nous vient, le tilleul
exhale à plein tous ses parfums et les feuilles
s'agitent à grand bruit dans le jardin…
Tu dors et ton corps sent le jasmin…
C’est un soir de paix dans la pénombre
C’est la volupté des amants dans l’ombre
La sérénité gagne la chambre
Les draps ont le frais parfum de l’ambre
Francis BELLIARD
Dimanche 16 janvier 2022
Tardoire
Au travers des troncs noirs
Le reflet pâle et sombre
Tout argent en miroir
Des eaux de la Tardoire
Que les rameaux encombrent
L’ouate de la nuit
Commence à envahir
La rivière qui luit
En fins paquets de suie
Les champs ensevelir
C’est le soir qui s’accroche
Aux terres en labours
Aux prairies s’effiloche
Et qui sans anicroche
Baigne tout de velours
Tout au fond des prairies
Au bord de la Tardoire
Tel un œil dans la nuit
Orange dans le gris
Un grand feu troue le soir
Les lointains s’encotonnent
D’une écharpe de brume
Les bois s’encapuchonnent
Aux toits la cloche sonne
Une étoile s’allume
Sur les hameaux frileux
Une chouette hulule
Tombe aux champs silencieux
Vaste manteau laineux
La paix du crépuscule
Francis BELLIARD
Jeudi 6 janvier 2022
Que de rides à mon âme ce soir !
Voici que, rendu à ma solitude,
Je roule dans le soir qui tombe
Ton parfum de femme aimée s’accroche encore
À mes narines
À l’instant, tu étais là, près de moi, clandestine
Je n’ai plus pour compagne que ton absence
Qui me renvoie, vieille habitude,
À ma noire solitude
À goût de fiel
La foreuse des phares creuse son tunnel
Dans la nuit hostile
Où je m’enfile
Les sombres masses des nuages en marmelade
Épargnent encore quelques éclaboussures
De la clarté crépusculaire
Ronde des vieilles blessures
Qui sourdent et saignent et me rendent malade
Je me sculpte dans ma solitude amère
Toi tu vis ta vie, celle qui m’est étrangère
Moi je vis la mienne jusqu’au prochain pont
Fragile passerelle
Je t’attends toujours au ponton
Prochaine escale où tu accosteras à mon port
Belle arondelle
Une fois encore
Pour partager avec moi quelques heures précieuses
De vrai bonheur
Et rien d’autre…
C’est l’heure du jazz à la radio doucereuse
Un piano triste
Un violoncelle déchirant
Me tordent le cœur en pluie
Je roule dans l’habitacle vide de toi
Et j’emporte ton souvenir
Vers cette incertaine demeure
Ancienne
Qui est la mienne
Et où m’attend ma chienne vieille
Ma coque se fissure ce soir
Et prend l’eau
Comme les vieux bateaux
Qui s’échouent sur la vase
Laissant entrevoir une âme lasse
Mon amour je suis brisé ce soir
Dieu ! Que de rides a mon âme
Soudain !...
Francis BELLIARD
Lundi 3 janvier 2022
Les grilles sont rouillées
On se prend… on se laisse…
comme les vagues aux grèves les galets…
carcasse décharnée d'une vieille pinasse jaillissant à moitié
de la vase,
derniers vestiges de ton squelette rongé,
tes côtes hérissées vers le ciel bas
hurlent aux vents de noroît sur les rives désertes d'un océan mugissant…
Qui se souvient de ton histoire ? Qu'a-t-on fait de ta mémoire ?
Patrons et matelots qui te menaient roulant sur les vagues de nos pertuis, où êtes-vous passés ?…
Qui se souvient de vos vaillants combats dans la houle, sur des mers déchaînées, tantôt roulant vers les abîmes, tantôt pirouettant sur les crêtes écumeuses ?…
Ou bien cherchant des amers incertains au beaupré des tempêtes et des brumes de nos estuaires ?…
Toujours, fidèle et docile comme une épouse de marin, belle comme leurs maîtresses, vivante comme une bête, tu les as menés de marée en marée, de la cale au large et du jusant au corps mort, les flancs emplis de leurs butins…
On se prend… on se laisse…
avec l'indifférence souveraine de clowns rejoignant leur roulotte quand les projecteurs se sont éteints…
mais sais-tu mes combats ?… mes déchirures, mes joies, mes peines,
mes égratignures aux ronces des chemins creux ?…mes bonheurs de gamin?…
mes désespoirs de guerrier ?…l'amertume d'une grève mouillée ?…
sais-tu mes souvenirs, me sais-tu seulement un peu, amie qui part ?…
que sait-on du bateau de papier que la main enfantine abandonne aux flots des errances inconnues ?…
Que sais-tu de ma désespérance, compagne de ma misère ?…
Mes souvenirs ne sont pas que ces feuillets jaunis de clichés incertains…
Sais-tu ces rudes paysans aux mains calleuses et crevassées, autour de la table un matin de battage, debout en cercle et le verre d'eau-de-vie à la main ?…
et le soleil d'été et les orges et les blés dorés qui les attendent ?…
ces dos courbés cassés sous le fardeau de plomb des sacs qui montent lentement à l'échelle vers le grenier où vole la poussière du froment ?…
l'odeur de la bale et de la sueur ?…le remugle de cette étable ?…
ces chevaux attelés aux charrois du désespoir ?…
ces longs soirs d'été à l'infinie tiédeur après l'accablante fatigue du jour ?…
sur les éteules et les bois lointains la fraîche brise nocturne qui emporte le cri d'une orfraie en chasse ?…
ces sainfoins odorants et ces luzernes grasses,
et ces vaches trop pleines, saoûles, le souffle court et le pis gonflé ?…
ces orages d'été sur les faïences vernissées derrière la vitre orangée des crépuscules d'antan ?…
ces vieux brisés et silencieux à la croisée des noirs calvaires ?…
les pierres moussues aux murs verdâtres des chapelles abandonnées ?…
le cœur battant le tambour fou de l'amour,
le sang qui fuse rouge écarlate aux veines des poignets ?…
les visages blafards derrière les barreaux rouillés et les grillages de fer des prisons ?…
les hurlements des prisonniers, les soirs d'été, par-delà les hauts murs de béton ?…
les désespoirs profonds de ces gibiers désailés ?…
ces cris à la potence des silences où meurent de tendresse inutile des poètes crucifiés par l'indifférence des hommes…
le tapage bruyant des canards sauvages troublant la paix des étangs l'automne ?…
la brise odorante qui frémit un peu aux feuillées des soirs vains
l'odeur des peupliers après l'ondée
le parfum lourd des seringas et des chèvrefeuilles de l'enfance mouillée de pluies et de pleurs
le parfum de la résine des grands pins mêlé à celui des immortelles des dunes ?…
la caresse iodée des brises marines en Oléron ?…
et puis ce cœur serré dans l'étau de fer de ma poitrine…
sais-tu le désespoir des quais de gare après le départ du dernier rapide vers nulle part ?…
sais-tu la violence de l'injure faite au misérable,
de l'injuste bafouant le pauvre, la détresse d'un regard ?…
des indicibles désespoirs d'enfants qui n'y comprennent rien ?…
les déchirures des amants ?…
le désespoir des disgrâces, soudain ?…
la colère du malheureux,
l'impuissance, aux quolibets des riches ?…
le terrible regard de fer
des gens comme-il-faut,
pires qu'un Robespierre,
sur leurs frères déchus ?…
la solitude létale du paria aux marges d'une société paranoïaque ?…
sais-tu l'odeur du pain chaud flottant par les rues du village ?…
sais-tu les vols des mouettes aux refluences des estuaires ?…
Le passé n'est qu'une barque errante sans amarres abandonnée aux flux et aux reflux désordonnés des passions…
…tu te souviens…
d'un nuage sombre dans le ciel d'un vagabond qui posa un temps son sac au coin de ton oreiller,
mais que sais-tu de son passé ?…
mais sais-tu tous ces soleils de feu offerts à l'aube de ses matins de printemps, au cours de son long chemin de pèlerin?…
…il n'est pas d'ombre sans lumière : le sais-tu ?…
Qu'est le charme du vallon perdu sans les incendiaires rayons crépusculaires à ses adrets pour s'opposer aux ombres froides et inquiétantes du manteau des sapinières de ses ubacs ?…
La longue chevelure des femmes se prend aux fils du temps ainsi que ceux de la vierge aux soirs d'automne, ou serpentuaires
herbes aquatiques au courant des ruisseaux…
saules et frênes ont leur écorce grise plantée dans cette eau passante ou dans les bleus ciels froids des hivers gelés…
aux berges sauvages du marais ondule le rideau mouvant des mornes roseaux en quenouilles :
y chantent, y fusent, y nichent alouettes et butors et mignons chardonnerets affairés…
ainsi vont passant les vents aigres des anciennes saisons…
Aux nuées d'orage la buse crie et tournoie noire
de gris hérons de passage fuient lentement vers d'incertains horizons de plomb
le bronze des cloches vibre en bourdon aux clochers de vieux chêne qui craquent
l'ouragan furieux m'a mis en errance comme le petit cheval sous l'éclair blanc, éparpillant aux lointains infinis les parfums perdus de mon enfance,
tels papiers périmés…
me voici donc crucifié à la girouette rouillée de la mairie, qui grince…
Alors je me recroqueville comme les feuilles rousses des arrières-saisons derrière l'huis de mon histoire,
mais en vain les tisons de mon âme cherchent à me réchauffer :
la bise hurle sous la porte du cadastre et malgré le ronflement du poêle de mon père, ne me réchauffe plus :
le froid qui vient de moi ne craint plus le soufflet ancien des bergers au coin des bois se défeuillant…
Il n'est plus que les cris sinistres des freux sur la plaine et leurs mouvantes taches du diable…
Longtemps j'aurai cherché celle qui m'aurait rendu heureux longtemps,
en vain j'aurai cherché la fleur aux prairies de mes rêves si vains…
Moraine de pierraille du glacier riveraine
je repose inutile aux rives du fleuve temps
ô ! reine de mes rêves !…
je vécus sans marraine…
sans fée j'aurai rempli mes greniers de bon grain et d'ivraie :
qu'ai-je engrangé de mes moissons ?…
L'aube de bois vermoulue et moussue ne tourne plus au bief envahi d'herbes folles et de graminées sauvages,
et les nuages lourds passent toujours, remorques inutiles, au fil des saisons, sur les jachères abandonnées…
voici que je demeure, assis et vieillissant, sur le bord du chemin,
pantin figé sur le chanfrein du grand théâtre, car on m'a coupé mes ficelles, encore une fois…
Meaulnes nous a laissé sa Sologne en septembre
pour s'aller faire déchiqueter sous la mitraille des tranchées…
Il pleut sur les allées tapissées des feuilles mortes de l'automne.
Adolescent transi grelottant sous son imperméable glacé, et tellement solitaire, dans les bourrasques de la vie, te revoici…
Non, ne suis qu'une ombre grise errant derrière la grille rouillée du parc ; et les branchages sombres se débattant sous la tourmente avec la véhémence des fous dissimulent à peine une vétuste demeure abandonnée aux persiennes fermées…
Francis BELLIARD