Année 2020​

 

Mardi 29 décembre 2020

Tricher 

À pas de serpent

dans l'arpent

de la chambre

éclair d'ambre

elle se love vers toi sur les draps mauves

son corps est nu

sa chair est fauve

ton cœur à nu

elle attire ta tête tenue

de ses deux mains

têtues

vers le triangle tendre

du bas ventre

doux antre

attendre

encore

un peu

et prendre

en feu

les deux seins

mûrs

et ronds

aux tétons

durs

sous tes paumes vivantes

de ton amante…

où est-elle

aujourd'hui

celle

que tu chéris ?…

de ses "je t'aime"

il ne reste

tonnerre de Brest

que ce poème

 

Francis BELLIARD

Mercredi 16 décembre 2020

Bon, d'accord, je vous le concède, je ne suis pas très assidu ici. En guise d'excuse – à supposer que j'aie quelque excuse à vous présenter – sachez que j'ai entrepris un travail assez complexe et assez long. Il occupe vraiment la plus grande part de mon temps. Je souhaite éditer un recueil de toutes mes chansons, paroles et musiques. Or, de nombreuses mélodies que j'avais créées jadis (à l'âge de  dix-sept, dix-huit, dix-neuf ans...) n'avaient jamais été écrites. Il n'en reste que les paroles et, parfois, les accords. La mémoire est extraordinaire : elles reviennent, le plus souvent. Je dois cependant les réécrire, le plus fidèlement possible. Donc, gros travail à l'ordinateur pour transcrire toutes ces musiques dans un format idoine, et je dois donc tout recalibrer. Or, j'ai composé à ce jour quelques 167 chansons. Je n'en suis qu'à la 73ème. Mais ça avance.

 

Je vais néanmoins ce soir vous présenter deux poèmes : l'un pour introduire l'autre : en effet, quel poète contemporain serait assez fou pour se lancer dans l'écriture de formes anciennes, voire moyenâgeuses d'expression poétique ? Le premier poème vous expliquera pourquoi je m'y aventure néanmoins parfois...

Bon divertissement poétique !...

Épithalame à la liberté

 

Je me sens libre en mes écrits.

J’écris en vers souvent moroses,

en rimes vieilles, surannées,

en vers à pieds à l’eau de rose,

maints quatrains, depuis des années,

ou quelques sonnets, mais j’écris.

 

Allitérations, assonances,

épigrammes ou lais, élégies,

églogues ou pantoums amers,

et j’ai perdu mes égéries

et ne suis que le groom d’une mer

qui se libère en consonances…

 

S’il me prenait la fantaisie

d’écrire une ode, une épopée,

épitaphe ou chanson de geste,

ou litanie, ou mélopée,

ou fabliau, en anapestes,

cela sentirait le moisi ?…

 

Peu importe, en poésie,

que de sainteté mon odeur

n’ait jamais été ou ne soit.

Je me sens comme un maraudeur

d’octosyllabes, de vers à soi,

et ne bois pas la tanaisie[1]

 

Je compose dans le silence

de ma compagne solitude

de noires orchidées vénéneuses,

des bouquets de mots, en préludes

à des cantates lumineuses

aux acanthes de mes cadences…

 

Derrière le mur est un jardin ;

si vous osez, poussez la porte :

c’est mon domaine d’herbes folles,

de vents odorants qui m’emportent,

de folles passions qui m’affolent,

de poèmes de baladin…

 

Et puis enfin, quelle importance

que mes pauvres vers soient lombrics,

petits poissons d’argent ou iules,

nés dans l’ombre de l’alambic,

ou qu’y poussent des majuscules ?…

Je rêve de mouettes en partance…

 

Il faut que dans ma poésie

mes cris déchirent mes silences…

ô, mes orchidées vénéneuses…

sur les plages de mes errances,

aux effluves si capiteuses…

je ne bois pas la tanaisie !…

 

Francis BELLIARD

Villegâts, 2006

 

[1] tanaisie : plante des bords des chemins, à vertu vermifuge…

 

Le lai d'Obéric

 

 

 

 

 

 

Voici l'histoire un peu magique

De Gibeline et d'Obéric.

 

Un beau matin, sous les futaies,

Les frondaisons d'une forêt,

Par les allées j'allais errant

Et ma chienne vagabondant.

Qui n'a jamais en solitaire

Foulé le sable et les bruyères

Au fond des bois, des sapinières,

Aux laies perdues dans les fougères,

Sous les chênes et sous les grands pins,

Suivi les traces des lapins,

Ne saurait ouïr mon histoire :

Nul n'est obligé de me croire.

C'est une forêt magnifique

Que la forêt de Chézéric.

Y croissent toutes les essences,

Il y règne un épais silence.

La chaude chaleur de l'été

Et du jour toute la clarté

Ont laissé place à la fraîcheur,

À la pénombre, et aux senteurs

D'humus, de mousse et de lichens,

De menthe, et sauge, et puis verveine.

Au pied des hêtres et des chênes

Est un tapis de glands et faînes,

Et puis tout un champ d'asphodèles,

Et puis à ce marais ces prêles.

Et près de la source ce frêne,

Et sous son feuillage l'haleine

D'une brise douce qui passe :

Sous son feuillage me délasse...

Ne m'étais-je point assoupi ?

Je m'étire et puis m'assouplis,

Puis reprends le sentier joli,

Cette sente bellement fleurie

Qui m'emmène dans le sous-bois.

Ma chienne en chasse au loin aboie...

Il fait plus sombre sous la chênaie

Les buissons se font plus épais.

Tous les chemins se ressemblent.

Me voici perdu, ce me semble.

J'ai tant et tant tourné en rond !

Moi qui ne suis pas trop poltron,

Je frémis soudain et me fige :

On froisse les feuilles et tiges !

On me renverse, on me bouscule,

Je suis à terre, je gesticule ! ...

Et c'est ma chienne qui me lèche !

Il fait nuit noire. Une chevêche

Pousse son cri. Et puis, plus rien.

Je m'endors auprès de mon chien.

Bientôt une douce musique

M'éveille et m'attire, magique.

C'est, au centre d'une clairière,

Comme un ballet d'un éphémère

Que la lune, à son plein, éclaire :

Une fée danse, si légère,

Que c'est à peine si elle effleure

La prairie, les joncs et les fleurs.

Sous la lumière de la lune

Elle danse, chantant l'infortune,

Dans une triste mélopée

Qui monte droit vers Cassiopée,

De tout un peuple disparu :

Les elfes en bonnet pointu.

Ses ailes scintillent et poudroient

Dedans la brume qui s'accroît.

Je me suis approché vers elle,

Sans faire de bruit plus que ses ailes

Qui vibrent, diaphanes, dans l'air.

Qu'elle est belle ! Qu'elle est légère !

Et svelte, et gracieuse comme aucune !

Et sa peau est couleur de lune !

Mais tout soudain elle me voit,

S'arrête et pousse un cri d'effroi,

Dans un froissement de ses ailes,

Dans un poudroiement d'étincelles,

Elle disparaît dans la brume

Qui par-dessus la prairie fume.

Me sens si seul que je frissonne.

Entends une cloche qui sonne.

Belle dryade, tu m'abandonnes !

Encore en moi ton chant résonne...

Ne suis qu'humaine créature

Mais je t'aime, je te le jure ! ...

C'est alors que j'entends sa voix.

Elle s'est posée tout contre moi,

Prenant ma main tout tendrement,

Me donne un long baiser d'amants.

« Bien impossible est notre idylle.

Tu dois t'en retourner en ville.

Car tu es un simple mortel,

Et ma vie quasi éternelle.

Je ne veux pas te faire souffrir.

Je ne veux pas te voir mourir.

À chaque lune tu reviendras

Dans la brume me retrouveras.

Pour nous le temps s'abolira.

Onc notre amour ne s'éteindra... »

Dans le froid du petit matin,

Il s'en retourne vers son jardin,

Par les halliers et les futaies,

Se demandant s'il a rêvé...

Mais moi je sais que sous le frêne,

Quand luit à plein l'astre sélène,

Dans la forêt de Chézéric,

Sont Gibeline et Obéric.

 

Francis BELLIARD

Villegâts - 2006

Dimanche 6 décembre 2020

 

La belle Hoëlig

 

Le bateau prit la mer et la mer était belle
Et la blonde Hoëlig reste à quai
Son amoureux s’en va par les flots, hisse et ho !
Les amants se séparent, faut quitter La Rochelle
Faut hisser la misaine et l’perroquet
Et vogue le trois-mâts sur les flots, hisse et ho !

 

L’vent pousse au cul
Vers l’inconnu

 

Le navire a fait route tout au nord vers l’Islande
Nous étions vingt marins à hâler
Les gars et les doris sont à l’eau, hisse et ho !
Nous étions vingt marins dans la brume d’Islande
Dans le brouillard glacé à pêcher
À pêcher la morue, l’cabillaud, hisse et ho !

 

Des sept ioles à la mer y’a un doris qui s’a perdu

L’est pas rentré à bord à la nuit
La cloche qu’a sonné sur les flots, hisse et ho !
L’a neigé. Nos copains n’en sont pas revenus
L’a bien fallu rentrer au pays
Avec la cale pleine mais sans les matelots

 

L’vent pousse au cul. 
Vers l’inconnu

 

Du haut de la falaise elle attend dans le vent
Une voile au matin apparut
Elle vole à la grève, l’cœur battant, jusqu’au port
Quand le bateau accoste, l’est pas là son amant
Hoëlig en grand chagrin elle s’en fut
Verser sur le rivage tout’les larmes de son corps

 

Sa douleur est profonde tout au haut des falaises
Les mouettes y tournoient et les goélands
Elle s’a jeté dans l’vide tout du haut, hisse et ho !
A rejoint son amant dans les brumes islandaises
Le glas tinte lugubre à son enterrement
Une goélette glisse sur les flots, hisse et ho !

 

L’vent pousse au cul. 
Vers l’inconnu


Francis BELLIARD
La Bourrache, le 16 avril 2014

 

Jeudi 3 décembre 2020

Ami-e lectrice-lecteur

 

Voici des années que je me livre à toi dans les pages de ce site, à cœur ouvert. Tu as appris à me connaître, j’imagine, un peu ?...Je n’ai qu’une frustration : je ne te connais pas. J’ignore ton visage, la couleur de tes yeux, le fond de tes pensées…J’ignore ce que ressent ton âme en découvrant par lambeaux ces quelques fragments de la mienne. Je ne sais ce qui te vient à l’esprit, si tu pleures ou si tu souris…

Mais j’ai appris à me détacher de cela. C’est peut-être mieux, au fond. Toute comparaison écartée, Rimbaud connaît-il ses lecteurs-trices ?...Ou Verlaine ?...et tous les autres, dont l’histoire de notre anthologie poétique a retenu les noms ?...Peu importe, ami-e…je n’attends rien de toi…que ton assentiment silencieux…

 Je devine que tu m’es fidèle, car le nombre des fréquentations de ce site, s’il varie considérablement selon le fil des évènements qui suscitent la curiosité de celles et ceux qui me découvrent, garde un socle stable, témoignant de ta fidélité, j’imagine. Et cela me suffit. Je me sens alors le devoir de continuer à te présenter de nouvelles pièces, car si tu reviens parfois me lire, c’est que tu n’y trouves point trop de déplaisir, n’est-ce pas ?...Alors je te remercie, ami-e, de ta présence silencieuse et invisible au bout du fil de mes poèmes à toi offerts ici au long des jours qui passent…et pardonne l’irrégularité de mes apparitions, qui suivent les caprices du vent de ma vie…

Mercredi 2 décembre 2020

 

Rendez-vous de manège       

 

J’ai revêtu tantôt ma vêture de poète

Et je m’en suis allé par laies et sous la pluie

Vers des visages obscurs, rendez-vous de manège,

Et me voici couvert d’un noir manteau de suie

Et ma tête chenue est couleur de la neige

Et mes vers sonneront comme une triste fête

Dérisoire et futile tel un pierrot lunaire

Insignifiant dans l’ombre d’un fol Apollinaire…

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 20 octobre 2014

Mardi 24 novembre 2020

(26ème jour du second confinement)

-Paroles d'une de mes chansons-

La mariée était en blanc

 

La mariée était en blanc

Et c'était un jour de printemps

De boutons d'or parmi les champs

La mariée allait devant

Sous les nuages dans le grand vent

À son bras son père va pleurant

Et suit le cortège des gens…

 

La mariée était en blanc

Sous les grands peupliers chantant

Et trois musiciens ambulants

Mènent la noce  tambour battant

Vers le clocher carillonnant

La mariée s'en va-t-en riant

À la mairie s'y mariant…

 

La mariée était en blanc

Par les chemins s'en retournant

Par les hameaux déambulant

La noce derrière suivant

Au son du violon les menant

Son homme à son bras souriant

Et ils s'embrassent en riant…

 

Et la nappe de tissu blanc

Sur les tréteaux de bois branlants

S'agite au gré du vent violent

Sous leurs beaux habits s'abritant

Les invités et les parents

Mangent et boivent et tout en criant

Se pourchassent en courant les enfants…

 

Dieu ! Que ce jour est du bon temps !

L'orage qui tonne en crevant

Et les éclats de rire au vent

La mariée toujours en blanc

Qui tient sa robe tout en valsant

Et les vieux salivent en bavant

Sur ceux qui titubent en buvant…

 

La mariée n'est plus en blanc

Personne ne fait plus semblant

Ce sont les enfants en jouant

Qui l'ont trouvé se balançant

Au bout de sa corde pendant

C'était un ancien prétendant

Ou peut-être bien son amant…

 

La mariée n'est plus en blanc

C'est un beau jour de frais printemps

Des renoncules plein les champs

Sous les peupliers frissonnant

Et son amant s'en va devant

Vers le clocher carillonnant

Sous un grand drap noir reposant…

 

Francis BELLIARD

(La Bourrache, le 29/05/2010)

Mardi 17 novembre 2020

 

Comme une pluie de plumes

 

 

 

Il neige sur mon cœur

Comme une pluie de plumes

Mon cœur est une enclume

Sous le marteau des heures

 

Et mon amour s’enrhume

Sous le grand vent d’hiver

Le sable de la mer

Frissonne sous l’écume

 

Oh ! Mes rêves de rives

Sauvages et lointaines !...

Ne suis qu’une quintaine

De poète en dérive

 

Boule de plumes à terre

On a lardé l’oiseau

De grands coups de ciseaux

Et d’aiguilles de fer

 

Qu’il neige sur mon cœur

De doux flocons de plumes

Pour alléger l’enclume

De mon âme qui pleure…

 

 

Francis BELLIARD

26/01/16

 

Dimanche 15 novembre 2020

Du cœur de ce jour sombre et pluvieux d'un hiver naissant, je vous offre ce bouquet de senteurs d'été, d'un été ancien ; laissez-vous porter par la beauté de ce poème à la puissance évocatrice irrésistible...

 

D'un vanneur de blé aux vents

 

À vous, troupe légère,
Qui d'aile passagère
Par le monde volez,
Et d'un sifflant murmure
L'ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,

J'offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses,
Tout fraîchement écloses,
Et ces œillets aussi.

De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Cependant que j'ahanne
À mon blé que je vanne
À la chaleur du jour.

 

Joachim DU BELLAY
1522 - 1560

Jeudi 12 novembre 2020

Bien sûr, le texte précédent était fort sombre, j'en conviens. Aussi je me sens obligé d'en contrebalancer l'atmosphère par celui-ci, tellement plus serein, ci-après.

Il est évident que notre passage sur Terre comporte alternativement des épreuves, parfois douloureuses, mais aussi des récompenses, des passages lumineux. Lumière et ténèbres ne se complètent-elles pas pour l'équilibre de ce monde ?...L'un, sans l'autre, n'est pas...

 

Un jardin

 

un jardin

un jardin de lumière

un jardin de senteurs

un jardin de parfums

un jardin avec une source

en son creux de mousse et de pierres

qui cascade et glougloute

et se perd sous les herbes vertes

un jardin

avec comme une brume bleue légère légère

autour des arbres qui dorment

car il fait tiède ici et frais aussi

autour des feuillages en repos

et des troncs très tranquilles

ce jardin tout empli du silence

des oiseaux qui s’appellent heureux

sans crainte qui volettent

sans crainte qui se posent

sans crainte sur mes épaules

ce jardin tout plein de cette chose

discrète et tendre et douce et absente

et présente à la fois,

que je respire, que je bois comme une sève

fraîche

je n’ai plus mal je n’ai pas mal

je n’ai jamais eu mal

ici

j’ai oublié les souffrances

infligées et reçues

les souffrances déchirantes

lancinantes

ce jardin où j’avance

seul

où pourtant je sens

oui je sens d’autres vies

qui pénètrent aussi

ici

la source est là si douce

la mousse si douce aussi

dans l’air des insectes

planent et coulent et passent

ce jardin après ce long tunnel

après cet étouffant tunnel

après cet obscur tunnel

où j’ai couru oppressé

des années…

des années immobiles

et soudain

ce merveilleux jardin

des biches paissent au loin

dans la paix de ce soir

qui n’en finit pas

je n’ai plus mes années

je n’ai plus de demain

plus d’hier

et j’avance tranquille

dans la rose rosée

vers

mon fils

qui me sourit de son sourire si doux

vers

mes filles

qui me sourient de leur sourire très doux

et la lumière vous nimbe

et nous allons

dans ce jardin aux senteurs de fougères et de champignons

de menthe et d’orange amère

et nous allons

heureux jusqu’à l’éternité

 

(Un peu plus tard, nous avons retrouvé Jacques et puis Pierre, et Paul, et puis Matthieu ; puis d’autres encore ; certains étaient très vieux, d’autres bien jeunes ; certains étaient ridés, mais les rides semblaient comme effacées de l’intérieur ; et le groupe que nous formions s’était grossi des êtres aimés ; et d’autres groupes paisibles, innombrables, silencieux et heureux, s’en allaient aussi dans ce jardin de lumière où toute haine avait été oubliée à jamais.)

 

Francis BELLIARD

02/10/82

 

Lundi 9 novembre 2020

Ballade de Mère Misère

 

Chaque jour de ma vie

fut à la croisée de vilains calvaires tristes et noirs

à vilaines et bien laides figures de potences

chaque nuit de ma vie

ces laquais pendouillant aux vents glacés des gibets

se rendaient à tant triste sabbat de si sinistres songes

où gesticulaient pantins décharnés aux caves yeux

chaque pas sous la lune sur mon échine brisée

fut comme une portée de moellons cabossés à mon dos bien hottés

je t’ai vu t’ennoyer  dans l’eau limoneuse et  boueuse de Sèvre

mainte fois, misérable carcasse,

la moutonneuse et sale écume,

mainte fois affleurant mes lèvres décolorées

tant et tant de fois rejeté au long des berges de désespoir,

périssable cadavre, ton cœur n’en pouvant mais

sous gantelet de fer de Mère la Misère tant de fois a saigné...

Murée vivante dans les silences d’impossibles partances,

sapience, ô ma sapience,

tu t’en enfuis, je te le dis

maudit je suis tout ensellé à si sinistre haridelle

méchante araigne, si vilaine damoiselle,

putrescente pucelle,

dès ce jour d’hui,

de toi je m’en délie.

 

Car, vois-tu, ma toute belle, ma mie,

ce ne peut être que Lui, le Seigneur,

qui en mon cœur a  mis

Son épée de la Joie

apaisé ma douleur

et même, je le crois,

m’aura oint d’un petit grain de Sa Grâce

et de cela que jusques à mes derniers abois

que bien remercié il en soit.

Adieu, la garce !

 

Francis BELLIARD

Lundi 2 novembre 2020

[Jour 4 du second confinement]

J'ai composé plus de 150 chansons. Je me permets d'extraire de cette hotte les paroles de celle-ci afin de vous les offrir...


En bulles de savon

 

Où vont
Ces troupeaux de nuages
Sans âme et sans bagages,
Poursuivant leurs voyages ?

 

Où vont
Les troupeaux de mes rêves
En dérive et qui crèvent
Sur d'improbables grèves ?

 

Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons

 

Où sont
Mes naïves enfances
Et mon adolescence
Mes rêves en partance ?

 

Où sont
L'innocence enfantine
Mes amours clandestines
Aux parfums d'Indochine ?

 

Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons

 

Voici
Les gras labours d'automne
Les feuilles qui tourbillonnent
L'enfant s'encapuchonne

 

Voici
Qu'on allume les feux
Que finissent les jeux
Et que l'on devient vieux

 

Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons

 

J'entends
Là-haut dans les nuages
Passer les oies sauvages
Et les grues de passage

 

J'entends
La triste cantilène
Sur la lande et la plaine
Du vent qui se déchaîne

 

Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons

 

Ma reine,
Sous les branches d'un frêne
Couvre mes épaules frêles
D'un chaud manteau de laine

 

Ma reine,
Tout près de la fontaine
Un brin de marjolaine
Un rameau de verveine

 

Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons

 

Francis BELLIARD
La Bourrache, le 29/07/13

 

 

Lundi 19 octobre 2020

 

Vent d’ouest

 

Voici le vent venant du lointain océan,

Vent d’ouest humide courant sur la plaine assombrie,

Déversant ses averses sur les bois et les champs.

Aux horizons de plomb c’est un rideau de pluie.

 

Il enfle sa complainte aux cimes des ramures.

Du sous-bois me parvient l’agreste odeur d’humus

Et de mousse et de terre. Et dans ce clair-obscur

Les noirs flocons des feuilles tombent des cumulus.

 

Toutes choses se fondent : c’est la tombée du jour.

Les herbes et les arbres déchirent la pénombre

Qui gagne peu à peu, ennoyant les labours.

Au loin des feux clignotent qui s’accrochent aux ombres.

 

Ce vent d’ouest est glacial sur la plaine assombrie,

Et, sinistre, mugit en mordant les haubans

Du grand mât éolien érigé dans la nuit,

Comme d’un bâtiment sur les champs naviguant.

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, 29/11/2015

Jeudi 15 octobre 2020

Voici le tout début d'une nouvelle que j'ai écrite il y a quatre ans, publiée dans le recueil de nouvelles éponyme, puisque celle-ci lui a donné son nom.

 

Derrière le silence des choses

 

La campagne creusoise est d’un très beau gris argenté ce matin. Chaque branche ou brindille de chaque arbre est recouverte d’une délicate carapace de givre. Ici tout n’est que bois et vallons. Les champs pentus sont poudrés de blanc.

La ferme de Montleu se tasse derrière un épaulement rocheux. De la fumée monte du tas de fumier où grattent les poules. Une vache meugle dans l’étable.

 

Un homme sort d’un bâtiment, poussant une brouette de betteraves.

En passant devant le logis, il hèle rudement : « Lorrain, fainéant, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ? », avant de reprendre le chemin de l’étable.

 

L’enfant n’a pas bougé. Derrière la vitre son visage au regard fixe semble fermé.

Un soupir dans son dos.

- Allons, Lorrain ! Traîne pas trop ! Le père va encore te battre…

Lorrain s’éloigne de la fenêtre. Il enfile sa veste. Chausse ses sabots.

Il pousse la porte, quittant la tiédeur relative de la cuisine où brûle, dans l’âtre, une souche de châtaignier.../...

 

Francis BELLIARD - 2016

Jeudi 8 octobre 2020

Voici les paroles d'une de mes chansons :

 

Ma fille

 

Il est neuf heures ce soir.

Sur le canapé tout confort,

En croquant des bonbons je dors.

La télé me berce à mi-noir.

 

La chatte grise ronronne.

La main dans son poil chaud,

Je m'emmitoufle, il est tôt

Pour éteindre, je me pelotonne.

 

La porte de la salle, soudain,

S'entr'ouvre. Les bruits se partagent.

Ses pieds nus sur le carrelage,

Ma fille me tend les mains.

 

Tiède, sa chair rose perdue,

Sous sa chemise de nuit,

Ce petit bout qui a grandi

A des larmes sous ses cils pendues.

 

Mon cœur se gonfle et je la serre

Sous la couverture, contre moi,

Sans rien dire de notre émoi,

Toi, ma fille, et moi, ton père.

 

Tu caresses ta châtaine-minette

Tout en laissant se fondre

Ce chagrin qui est né dans l'ombre

De ta chambre, dans ton lit, seulette.

 

Après bien du temps tu m'as dit,

Au silence d'un vieux moment :

"Où est-elle partie, maman ? "

Je ne sais plus comment j'ai réagi.

 

Ton petit corps s'est assoupi,

Brisé de fatigue, rassuré.

A côté de nous enlacés,

Minette, enfin, s'est rendormie.

 

Il est dix heures, ce soir.

Sur le canapé tout confort,

Tout contre ma fille je dors.

La télé nous berce à mi-noir.

 

Francis BELLIARD

Entre 1972 et 1974

 

Dimanche 27 septembre 2020

Paroles d'une de mes chansons :

 

Mon fils

 

tu prends ma tête dans tes bras

tes doigts s'enfouissent dans ma barbe

et tu m'embrasses sur la joue

et tu me serres très très fort

à m'étouffer

mon fils

 

tu me parles de tes copains

tu me parles de ta maîtresse

de ton école et de tes jeux

de ta mamie et de ta vie

là-bas là-bas

mon fils

 

tu emportes, à chaque fois,

quelque nounours quelque joujou

c'est un peu de ton univers

qui dort chaque soir avec toi

très loin de moi

mon fils

 

chez moi tu retrouves un à un

les objets endormis les jouets

les livres les peluches et ton lit

comme tu les avais laissés

la dernière fois

mon fils

 

quand il te faudra à nouveau

ranger ton vélo tes affaires

laisser tes bêtes tes chaussons

nous n'aurons pas bien eu le temps

de jouer ensemble

mon fils

 

tu traînes un peu c'est bien normal

mais pourtant sans trop rechigner

mon petit déjà résigné

dans l'auto tu reprends ta place

tout contre moi

mon fils

 

tu me dis des secrets tout bas :

que jamais tu ne me quitteras

que nous vivrons heureux longtemps

dans une très vieille maison

tous deux ensemble

mon fils

 

que peut-être je pourrai rester

dans la même ville que toi

et tu m'embrasses passionnément

étreintes n'en finissant pas

pour me garder

mon fils

 

pourtant il nous faut nous quitter

encore une fois encore une fois

et tu te jettes dans mes bras

et j'ai tes cheveux dans les yeux

et je m'en vais

mon fils

 

Francis BELLIARD, 14/02/85

Lundi 14 septembre 2020

Ne te moque pas d'autrui : ni de son physique, ni de ses idées, ni de sa foi : tu t'avilis en le raillant, tu restes digne en le respectant...

Dimanche 13 septembre 2020

Caresse

 

Caresse

ô mon amante

comme un nard

rare

de l’amphore versé

comme huile de benjoin

sur un corps renversée

comme brise d’un été ancien

aux rumeurs de la mer

au parfum iodé de dune

et d’huître

caresse

ô mon amante

comme la paix d’une prière

comme coule le sable entre les doigts

tes doigts la douceur infinie d’alizés

qui me portent et m’emportent

vers ces îles lointaines

où se penchent des palmes

qu’une brise balance

caresse

ô mon amante

caresse-moi encore

ta main est plus légère

que duvet de palombe

que le mufle des bêtes

qui mangent dans mes mains

que le souffle de l’âne

sur mon âme blessée

apaise ma douleur

ô mon amante

Sais-tu bien le pouvoir

de ta seule présence ?

…que du noir catafalque

où gis comme un noyé

tu fais le blanc vaisseau

au roulis de berceau ?...

caresse

ô mon amante

comme une aile une voile

en un nid

où l’orange et le bleu

et le vert et le roux

m’enivrent et me ravissent

cet ailleurs merveilleux

où je marche avec toi

sous cent sycomores centenaires

six cèdres du Liban

majestueux et sombres

sur des mousses très douces

où des sources murmurent

en ce pays d’amour

et je m’y sens serein

apaisé hors du temps…

inespéré miracle !

…et c’est toi,

ô mon amante merveilleuse !...

 

La Bourrache, le 30 mai  2015

Francis BELLIARD

Jeudi 3 septembre 2020

 

Berceuse pour une enfant morte

 

Là-haut, dans ton berceau de neige

Fragile, repose, sous tes cils, tu dors…

Ô, mon enfant, ma vie, mon tout petit,

Mon amour.

 

Francis BELLIARD

Mercredi 26 août 2020

Angélus

 

Des hameaux mouillés

aux grilles rouillées

rameaux dépouillés

 

nuages salis

tachant le ciel gris

la pluie clapotis

 

chacun se blottit

au bourg assoupi

tout est assagi

 

les lampes s'allument

les cheminées fument

les vieux qui s'enrhument

 

je vais solitaire

marchant dans la terre

grasse et nourricière

 

l'averse clapote

les herbes les mottes

collent à mes bottes

 

aux branches noircies

où s'accroche un nid

les pies sont parties

 

deux corbeaux s'envolent

mon âne somnole

sous l'abri de tôle

 

dimanche pluvieux

les prés et les cieux

tout est silencieux

 

et ma chienne court

au bout des labours

c'est la fin du jour

 

triste paysage

nulle âme au village

saluant mon passage

 

vivre est éphémère

songeant à l'hiver

rentre solitaire

 

sous les cumulus

le soir sent l'humus

teinte l'angélus

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, 21/11/2010

 

Dimanche 23 août 2020

 

Absence

 

J'étais là quelque part

tout entouré des gens qui passaient...

absent et présent à la fois

indifférent...

 

Et tes yeux m'obsédaient...

 

Pour passer le temps

le sablier d'un livre...

 

Mais tous les poèmes de Cadou

ne sont pas parvenus à

t'occulter,

mon amour

si doux

si chaud !...

tu ne m'as pas quitté...

 

Francis BELLIARD

Gémozac le 6 mars 2012

Je suis la bougie

 

Je suis la bougie

dans ta nuit

ce falot ce fanal

qui tremblote et qui luit

au bord du temps

qui t’attend

tout au bout du canal

je suis ce veilleur de lumière

celui qui tient ouverte

pour toi la porte

aujourd’hui comme hier

et qui maintient pour toi

la soupe au coin du feu

et la lumière au fond des yeux

je suis ton veilleux

ce phare

au bout d’un monde

au tréfonds des ténèbres

je suis la sentinelle oubliée

quelque part

ce reflet orangé dans l’ombre du couchant

sur le meuble de noyer ciré

la vigie cœur battant

qui guette tes passages

et l’ombre de tes pas

à ma porte poussée

je te garde toujours

au chaud de ma maison

le lumignon tremblant

quelques bûches dans l’âtre

et le feu de mes mains

la chaleur de mon cœur

la fièvre de mes lèvres

en sus de ma tendresse

ta place au creux de moi

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 30 novembre 2012

Samedi 15 août 2020

 

Pour faire bon poids bonne mesure je vous propose également les paroles de ma dernière chanson. Elle ne détonne pas avec ce qui est ci-dessous...

Ci-contre, vous avez une vue de Mars, c'est à dire de notre planète la Terre bientôt. Voici ce à quoi elle ressemblera dans fort peu de temps. Au fait, les humains proviennent peut-être de Mars, avant qu'ils ne la rendent stérile, comme nous le faisons en ce moment avec notre belle bulle bleue ?...l'histoire, alors, ne serait qu'un éternel recommencement...Non, je blague, rassurez-vous...Tout va bien, dormez, braves gens !...on veille sur vous...

 

La Terre meurt, frères !

 

La Terre meurt, frères ! La terre meurt, sœurs ! Réveille-toi, dis ! Secouez-vous, frères ! Secouez-vous, les gens ! Il est grand temps ! Il est grand temps !

 

Trop d’canicules, trop d’séch’resses, trop d’’incendies ! Nos forêts brûlent 

et tout crève, les gens ! Il fait trop chaud et tout fout l’camp !

 

Les bagnoles, partout, on en crève tous !

Partout nos déchets, tout est souillé !

 

Debout, frères ! Debout, sœurs ! Debout, tous !

Plus d’lamas, plus d’ours blancs, tout crève…

 

Nos forêts, nos lacs bleus se meurent !

Y’a qu’des pierres dans vos cœurs !...(bis)

 

 

Y’a qu’des guerres, femmes ! Y’a qu’des guerres, hommes ! Tant d’misère, les gens ! Tant de sang coule !

Tant d’douleur aussi ! Tout est gris, là, tout est gravats !

 

Que de bombes tombent ! Que de haines flambent ! Tant d’injustices, de souffrance, fils !

Trop d’enfants crient ! Trop d’enfants sans vie ! Trop d’enfants en pleurs !

 

Y’a qu’le fric qui compte, dans ce monde pourri…

On se fout des autres, chacun n’pense qu’à lui…

 

Le nez dans l’sable, comm’des autruches, dormez…

N’voyez-vous pas tout c’qui vous pend au nez ?

 

C’est la fin d’un monde de grande corruption,

d’une insane folie, de toute l’humanité…

 

La Terre meurt, frères ! La terre meurt, sœurs ! Réveille-toi, dis ! Secouez-vous, frères ! Secouez-vous, les gens ! Il est grand temps ! Il est grand temps !

 

La Bourrache, le 9 août 2020

 

 

Ce texte ci-dessous illustre à merveille la célèbre phrase qui débute l'Ecclésiaste 1:2, dans la bible : "Vanitas vanitatum, omnia vanitas, sic transit gloria mundi" (vanité, tout n'est que vanité, ainsi passe la gloire de ce monde" ). La vanité s'entend dans les deux sens, et c'est cela qui est intéressant, je trouve : l'orgueil, mais aussi, l'inutilité, l'illusion de l'importance que l'on se donne au cours de sa vie. La plupart des grands de ce monde n'échappent pas à cette règle, mais pas seulement eux. Combien de civilisations conquérantes ont fini poussière !...Ce texte ci-dessous est d'une grande sagesse, à mes yeux, et reflète tout à fait ma perception de ce monde...Tout ne finit-il pas en ruines ?...

Je vous l'offre en écho de ma chanson Gaïa, inspirée librement du livre de Valérie Cabanès (réf; citées en fin de poème) et de quelques sentences de sagesse amérindienne (les références aussi sont indiquées)...Bonne méditation... 

Samedi 15 août 2020

 

Urgence absolue

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

« Quand le dernier arbre aura été abattu

Quand la dernière rivière aura été empoisonnée

Quand le dernier poisson aura été pêché

Alors on saura que l’argent ne se mange pas »

Géronimo (Chef apache)

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Plus de 40% de la surface terrestre est couverte de bois et de forêts ;

Plus de 1,6 milliards de personnes dépendent de la forêt pour vivre.

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

L'océan Mondial, qui abrite la majorité des espèces vivantes sur Terre (50 à 80 % selon les estimations), génère plus de 60 % des services écosystémiques qui nous permettent de vivre, à commencer par la production de la majeure partie de l'oxygène que nous respirons.

L'océan Mondial régule à plus de 80 % le climat de la Terre. Il joue un rôle majeur dans la température terrestre.

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Le bleu de tes mers

Le bleu de tes lacs

Le bleu de ton ciel

Le vert de tes forêts

Le vert de tes prairies

Le vert de tes steppes

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Ces peuples nomades

Indiens d’Amérique

Pygmées ou tziganes

Peuple aborigène

Tsataans ou Khazaks

Paisibles bergers

Libres dans le vent

Tout est écrasé

Et tout disparaît

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

« On ne vend pas la terre sur laquelle on marche »

Crazy Horse(Chef Lakota)

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Si ce système se maintient, c’est qu’il s’est construit sur une croyance commune bien ancrée en chacun de nous : celle que le bonheur est lié au confort matériel. Les grandes entreprises qui alimentent le modèle économique auquel la grande majorité des États se réfèrent l’ont bien compris et construisent leur fortune sur ce rêve consumériste collectif, faisant fi de la finitude des ressources terrestres.

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

La sphère politique est guidée par deux objectifs : la logique électorale et la croissance nationale dans une véritable guerre économique entre pays.

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Homme blanc

Où sont tes poètes ?

Où sont tes aînés ?

Où est ta sagesse ?

Où est ton honneur ?

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Homme blanc

Tu as tout détruit

Les plantes et les arbres

Des insectes aux poissons

En  passant par les oiseaux

 

« Les blancs se moquent de la terre, du daim ou de l’ours. Lorsque nous, Indiens, cherchons des racines, nous faisons des petits trous. Lorsque nous édifions un tipi, nous n’utilisons que le bois mort. L’homme blanc, lui, retourne le sol, abat les arbres, détruit tout. »

Femme sage de la nation Wintu

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Homme blanc

Tu as tout corrompu

Tout défiguré

Tout sali

Ce coin de paradis

Perdu dans l’espace

Tu nous l’empoisonnes

Tu nous l’asphyxies

Tu en as fait un enfer

Tu en fais un désert

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

« Quand le sang de tes veines retournera à la mer et que la terre de tes os retournera dans le sol, alors peut-être te rappelleras-tu que la terre ne t’appartient pas, mais que c’est toi qui appartiens à cette terre. »

Sagesse amérindienne

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Tous aveugles et sourds

Mais votez pour moi

Achetez encore

Enrichissez-moi

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Mais que sont les pauvres

Ceux qui meurent de faim

Ceux qui meurent de soif

Ceux que le déluge

Chasse de leurs îles

Mais pauvre imbécile

Mais moi je m’en fiche

Car moi je suis riche

Et moi je survis

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Mais les gyres deviennent progressivement de vastes continents flottants de plastiques, asphyxiant l’océan et contaminant toute la vie marine, et la nôtre, par voie de conséquence.

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

« Chaque pas qui est fait sur la terre devrait être comme une prière »

Black Elk (Chef spirituel, nation Oglala)

 

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Il n’y a plus d’amour

Il n’y a plus d’humain

Plus de lendemains

Que des robots qui courent

Et qui ne voient plus rien

Qui n’entendent rien

Et qui ne comprennent rien

 

Gaïa agonise

Gaïa devient grise

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 11/05/19

 

Citations de :

 

  • Valérie Cabanès (« Un droit pour la terre », le Seuil éd.) : en italique
  • Sagesse amérindienne (Agenda 2017, chez Joé éd.) : entre guillemets

Jeudi 13 août 2020

Voici un texte fort ancien, qui témoigne d'une époque particulièrement éprouvante que je dus affronter, terriblement douloureuse. Nul ne l'a jamais lu : c'est une chanson...comme si le malheur ou la désespérance pouvaient se chanter...C'est sans doute pour ça que je ne la chante jamais, mais elle existe. Pour vous, les quelques personnes qui semblez prendre plaisir à venir ici me lire...

C'est ma fête

 

Vous, Bernard et Stéphane et Jean-Louis,

Cécilia, Janine et puis Sylvie,

Je suis là encore aujourd'hui,

Gtâce à vous, mes amis.

 

Quand tout le poids de mes amours mortes

Et de mon passé trop lourd m'emporte,

Vos paroles me réconfortent

Quand je cogne à vos portes.

 

Je me trimballe avec ma valise,

Mon linge sale, mes pulls et mes chemises.

J'ai perdu de vue mes balises.

J'suis paumé. L'aube est grise.

 

Sur ce très long chemin de misère

Voici que j'ai perdu mes repères.

Mes enfants, mes amours, mes frères...

Que la coupe est amère!...

 

Me voilà tout au pied de la croix :

J'y ai posé mon sac, ô, mon Roi.

Tu n'as pas voulu de mon choix.

Je repars donc pour Toi.

 

Dans la nuit noire souffle la tempête

Et les lames ont très blanches leurs crêtes,

Et les larmes blanchissent ma tête.

Ami, bois, c'est ma fête...

 

Mercredi 05 août 2020

 

Aux chariots des jours

 

Aux chariots des jours qui roulent

Toutes les boussoles s’affolent

Toutes les forteresses croulent

Ils tuent les enfants des écoles

 

Aux chariots lourds des jours de fer

Le gris des gravats sous les bombes

Le roulement des chars de guerre

Les cris les crachats sur les tombes

 

Aux charrettes dans le silence

Flottent de noirs lambeaux d’étoffe

La vie a si peu d’importance

Sous le feu des Kalachnikov

 

Aux quatre vents des échafauds

Tout comme des épouvantails

Tout piquetés par les gerfauts

Cent cadavres, rouges poitrails

 

Aux bruits sinistres des convois

Ce sont des femmes que l’on viole

Ce sont des têtes que l’on voit

Roulant après qu’on les décolle

 

À la valse des corbillards

S’invitent la haine et la mort

En robe de suie et brouillard

Et blanc linceul au vent du nord

 

Aux déments charrois des vendanges

De ce vent de folie qui court

Ne viendra-t-il donc pas un ange

Sur cette Terre, portant l’Amour ?...

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 16 février 2015

 

Mardi 28 juillet 2020

Je n'ai pas d'image ce soir pour illustrer mon texte. Tant pis ! Il vous faudra vous en passer...je vous prie de m'en excuser...

 

L'hiver s'est annoncé ce soir

 

C'est un jour de novembre et qui n'en finit pas de vouloir être jour et qui s'en va mourir...

L'hiver s'est annoncé ce soir tellement soudainement...

 

C'est un jour de ciel bas aux lointains incertains

étouffé d'une étrange lumière fantomatique

qui se cache sous le couvert d'un ciel infiniment très gris

et qui n'est plus le jour et qui n'est pas la nuit

et c'est un peu l'Irlande

du nord...

 

horizons brumeux

de vagues landes perdues

des bois roux à l'agonie aux cimes engluées de brouillard décidément infiniment très gris

des champs verts humides et froids de blés et de colzas

de gras labours

terre à nu terre d'automne au corps encore creusé des rides des charrues

terre de frimas terre de deuil

terres perdues au tréfonds des campagnes

terres de gens durs à la peine et travaillant la terre

vieux hameaux de pierres vieilles en sommeil tassés au creux de vieux coteaux

 

et le vent du nord souffle aux bois de chênes frissonnant

odeur de cèpes, de feuilles mortes et de mousses

cette haleine glacée comme la mort me mord et me transperce

hiver arrive

où fut automne absent cette année déréglée ?

 

pas de bêtes aux prairies

quelque ombre lente au loin trouant le crépuscule d'un papillon orange :

paysan solitaire rentrant sur son tracteur comme un fantôme par des chemins de terre...

 

Ce soir est beau comme un tableau antique...

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 23 novembre 2011

Samedi 18 juillet 2020

Presbytère

 

Presbytère.

Soir d’été.

Senteurs de fraîcheur

et de cave.

Le chèvrefeuille embaume.

Sa fragrance s’invite par la porte

ouverte sur le carrelage

vieux

de la cure.

Bahut d’antan

cossonné[1] et ciré.

Les carreaux luisent

de la lumière du soir

qui meurt par la croisée.

Odeur de miel et de lavande.

La servante porte la soupière

comme une offrande.

Le vin sommeille en sa carafe.

Le pain bis entamé dort

sur la nappe à carreaux

près de l’assiette ébréchée.

Le chat lape à petits bruits de langue

son écuellée de lait.

Le balancier de cuivre

balance grain à grain

le riz du temps qui passe

clouant à petits coups secs

les heures dans le silence.

Chaque bruit se terre.

Le vieux prêtre chantonne

en faux-bourdon

une antienne perdue.

L’ombre envahit les recoins

du jardin

où volette en aveugle

une chauve-souris.

La stridulation ténue d’un grillon…

Voix lointaine d’un chien

du village…

Et cette paix qui monte de la terre

ou qui tombe des cieux peut-être ?…

paix du soir

dans l’ombre de l’église…

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 30 mai  2015

 

[1] Criblé de trous par la vrillette (loc.)

Lundi 13 juillet 2020

Maumusson

 

Comme tu sais, je dérive sur la barque du rêve.

J'avais glané pour toi des coquilles à la grève

Et je ramais tout seul avec mon cœur en feu.

Oui, je n'ai plus seize ans et ce n'est plus du jeu...

 

J'ai ramené pour toi ces quelques paysages.

N'est-on pas ridicule quand on a passé l'âge ?

N'empêche. Je marchais, tout seul, en te rêvant :

« As-tu vu ces oiseaux ?...Sens-tu pas trop le vent ?...

 

Entends ce grondement. Vois-tu, c'est Maumusson.

C'est dimanche. Il fait bon marcher en Oléron... »

Mais ta main n'est pas là...Trois tout petits galets

Roulent au fond de ma poche entre mes doigts mouillés...

 

Je te montre là-bas un vol d'oiseaux de mer...

Le vent est un peu froid, et c'est encore l'hiver...

Il est tant d'arbres morts et tout un bric-à-brac

Sur la grève, regarde, laissés par le ressac...»

 

De mes rêves ma barque a ses planches disjointes,

Et, pour la calfater, je n'ai plus que des pointes...

Je rapporte pour toi de la côte sauvage

Trois petits galets ronds et quelques coquillages...

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 3 mars 2012

Mardi 7 juillet 2020

Il te parle d'amour

 

Il te parle d’amour avec des mots très doux,

du vent et de la pluie, de roses et de vin doux,

de la mer et du sable, des oyats et des dunes,

il te parle d’étoiles et caresse la lune ;

il enfile les mots comme d’autres les perles

en guise de sautoir pour t’en faire un poème ;

il caresse ta peau pour te dire je t’aime ;

ce rêveur un peu fou met ton cœur à l’envers

quand ses mains te parcourent, et il t’écrit des vers ;

il est, dis-tu souvent, sûrement magicien

et ses baisers t’enivrent bien mieux que le vin ;

il fait couler sur toi de ses doigts des ruisseaux

de frissons comme d’autres de l’eau ;

il fait battre ton cœur en mille carillons

et enfler ton désir jusqu’à son explosion ;

et il parle aux oiseaux, aux ânes et aux bêtes,

aux nuages qui passent au-dessus de ta tête ;

il accroche ses mains aux ronces des chemins

et des baisers mutins de ton cou à tes reins ;

il te parle et tu aimes ses regards et sa bouche,

qu’il t’approche, et tu trembles aussitôt qu’il te touche ;

il vivait retiré comme un anachorète :

le voici fou de toi, et il est …

… Ton Poète …

Francis BELLIARD

La Bourrache, 31 juillet 2012

Vendredi 3 juillet 2020

Ces matins-là

 

Ces matins-là tu pousses la porte

De ma maison

Ton sourire balaye les noires cohortes

De ma déraison

Et je sors la théière

Et les tasses

Ou bien la cafetière

Tu m’embrasses

 

Les chocolats et le café brûlant

Sur la table de bois

Ton parfum m’enivre infiniment

Et s’emmêlent nos doigts

 

Je me souviens de nos longues étreintes

Dans la soupente

Ta pudeur mise à nu et tes plaintes

Soupirantes

Tu gémis doucement

T’abandonnes

Aux caresses d’amant

Que je te donne

 

Les chocolats et le café brûlant

Sur la table de bois

Ton parfum m’enivre infiniment

Et s’emmêlent nos doigts

 

Oh ! Ces doux moments qui suivent l’ardeur

Nous étions loin

De tout dans un monde plein de douceur

Nous étions bien

Je ferme mes paupières

Oh ! si lasses !

Tes caresses légères

Tu m’enlaces

 

Les chocolats et le café brûlant

Sur la table de bois

Ton parfum m’enivre infiniment

Et s’emmêlent nos doigts

 

Je me souviens de tes absences

Des longs silences

De mes attentes et de ces latences

De ma déshérence

Je gémis doucement

Au souvenir

De tes baisers brûlants

De ton sourire

 

Les chocolats et le café brûlant

Sur la table de bois

Ton parfum m’enivre infiniment

Et s’emmêlent nos doigts

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, 8 novembre 2016

Mardi 30 juin 2020

 

Rose d’outremer

 

Rose d’outremer,

Rose, ma dernière

Ton beau jupon rose

De crépon déteint,

Tout froissé, tout chose,

S’est fripé tout plein

 

La pluie, la saison,

Ô fleur de passion,

Ont clos ta corolle

Ta rose vêture

Penchée vers le sol

N’est plus que fripure

 

L’été s’est enfui

Aux chariots des pluies

Passent les nuages

Aux vergers sans fruits

Des grues de passage

On entend les cris

 

Passe ainsi la rose,

Rouge passerose,

Rose des passions

Rose d’outremer

Aux vents des passions

Comme aux vents de mer,

Rouge rose trémière[1]

 

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, 19/11/14 et 10/12/14

 

[1] La rose trémière, ou passerose : déformation de « rose d’outremer » ; passerose : rose de la passion

Dimanche 28 juin 2020

Poème écrit à l'intention de l'Atelier Poésie de Cognac sur le thème "DIre" :

 

Faut-il le taire, faut-il le dire ?

 

Faut-il pleurer faut-il en dire

Avant qu’après avoir vécu mourir !

 

Combien de tourments et d’enfers

Au lieu de dire ce qu’il faut taire !

Croiser le fer croiser les mots

Garder ses rêves et puis ses maux

Et les vérités s’interdire

Dans son silence se maudire…

Comme je ne suis pas bien fier

Quand un lourd secret m’oblitère

De m’obliger à ne rien dire

De me contraindre, me circonscrire

Ensevelir les calomnies

Les causes de mes insomnies

Et tout ce qui se dit dans mon dos

Ce qui est vrai ce qui est faux.

 

Avant que te dire mon amour

Ce que je t’aime au fil des jours

Aura-t-il fallu que j’en dise

Avant qu’enfin tu me comprennes

Qu’on s’effleure et puis qu’on se grise

Qu’on se prenne et qu’on se reprenne !...

Je resonge à nos confidences

Amoureuses dans le silence…

 

Dans l’ombre du confessionnal

Derrière une grille de bois

Dire ce que tu as fait de mal…

Tout ce que trahissent nos voix

Et tout ce que masquent nos rires

Ce qu’il me faut parfois écrire

Qui ne peut jaillir à mes lèvres

Et qui me broie et qui m’enfièvre…

 

On a beau faire on a beau dire

Il n’est pas facile de dire

Il est plus facile de taire

Mais, mon Dieu ! que c’est délétère…

 

Dans mes chansons dans mes poèmes

Je vous livre tout ce que j’aime

Toutes mes joies et mes souffrances

Mes espoirs ma désespérance

 

Dites-moi tout, cela soulage

N’en ferai point mauvais usage

Suis ce muet à qui l’on peut dire

Tout, comme au moment de mourir

S’il est des choses à masquer

Il en est d’autres à exprimer :

Tout ce que vous ne dites pas vous plombe

Ne l’emportez pas dans la tombe !...

 

 

La Bourrache, le  27 juin 2020

Francis BELLIARD

Dimanche 21 juin 2020

(Je vous offre ce soir un extrait d'une de mes nouvelles :"Les yeux noirs", qui a donné son nom au recueil paru en mai 2014)

 

« Comment allons-nous faire ?

- Pose-moi dans l’herbe, je vais ramper sous la perche du bas, tu m’aideras, et tu me reprendras de l’autre côté »

Il la pose délicatement dans l’herbe. Elle s’allonge, s’accroche aux touffes d’herbes rêches et tire de toutes ses forces. Elle a progressé un peu. Elle tire sur ses jambes, chiffons mous qui la suivent comme ils peuvent.

Le cœur du jeune homme se serre. Il la regarde faire en silence.

Parvenue de l’autre côté, elle se retourne, souriante.

« Eh bien, paresseux. Que fais-tu ? Je t’attends… »

Il franchit les perches fixées horizontalement aux poteaux qui barrent l’entrée du champ, saute auprès de la jeune fille.

Il se baisse vers elle. Elle s’accroche à nouveau à son cou.

« Emmène-moi, Cyprian ! »

Ses yeux noirs sont plongés dans les siens, si bleus. Le vent léger mêle leurs chevelures, la noire et la blonde.

D’une voix rauque et basse, elle répète, tout près de sa bouche :

« Emmène-moi, Cyprian… »

Ils sont restés longtemps ainsi, sans bouger, les yeux dans les yeux, sans plus rien dire.

Un oiseau a lancé son cri, très proche.

Il s’est relevé, emportant son précieux fardeau dans ses bras vers le grand frêne.

Il l’a installée le dos au tronc, très doucement. Puis il s’est assis à ses pieds.

« Viens plus près, Cyprian. »

Jamais il n’aurait cru qu’elle fût capable d’une telle douceur.

Il s’est assis à côté d’elle, lui a souri.

« Plus près », a-t-elle dit.

Alors, il s’est serré contre elle.

Ils sont restés là, longtemps, sans bouger, regardant la rivière, les poules d’eau, les hirondelles et les hérons, et la buse qui tournoie au-dessus d’eux."

Francis BELLIARD

(mai 2014)

 

Vendredi 19 juin 2020

 

La buse

 

Immobile oiseau minéral

du haut du piquet vertical

d’une cépée horizontale

obliquement fichée

sous ta cape brune figée

tes serres crochues accrochées…

- comme les roches

dures sont les mottes de terre,

la toile a du gel le cristal –

…mais ce n’est pas pour une épeire

que ton œil cruel

étincelle,

que le croc en crochet

de ton bec de rapace

sur l’azur

se détache…

- quel beau matin d’hiver !…

…c’était hier…-

superbe et fière,

tes yeux me fixent et me glacent,

immobile et sans ruse,

implacable buse…

 

Francis BELLIARD

21 mars 2007

Vendredi 19 juin 2020

Saintonge gelée

 

La Charente avait envahi ses berges.

Champs, marais et peupleraies étaient baignés d'immenses plaques couleur de l'étain et de l'acier, venant jusqu'au bord de la route, des deux côtés même, à l'occasion.

Là où cette plaque laissait émerger les troncs des peupliers ou les piquets des clôtures, tranchaient les collerettes blanches de la glace. À de certains endroits, ces immenses étendues mornes et figées, prises par elle, avaient un gris verdâtre et sombre sous les ramures enchevêtrées et dépouillées du troupeau bien ordonné des peupliers. À d'autres, dégagées de tout obstacle, elles n'étaient qu'un vaste miroir immobile au-dessus duquel le vol lointain d'un corbeau ou d'une aigrette animait passagèrement le paysage. À d'autres, encore, les roselières d'un gris jaunâtre et sale émergeaient de cette prison d'eau durcie par le gel en maints endroits, environnées de buissons morts.

Même ainsi figés par le froid, ces bords de Charente saintongeaise avaient une beauté sauvage et solitaire troublante…

Francis BELLIARD

11 mars 2011

Lundi 15 juin 2020

Mouroir

 

Mouroir

antichambre de la mort

corridor

du désespoir

chambres du bout du monde

ultime station dernier quai de gare

sans bagages et sans valises

veilleur de nuit tu fais ta ronde

au couloir des ombres grises

ombres d'un monde à part

Mouroir

plus morts que vifs nous errons

sans avenir

que demain

mourir

demain…après-demain…

quelques semaines

quelques nuits blanches

avec au cœur peut-être comme un reste de haine

mon dernier lit sans baldaquin

c'est quatre planches de sapin

mon temps n'est pas le vôtre

où les heures passent si lentes

de silence en silence

de vagues sommes en vagues songes

et les paroles des bons apôtres

assemblée de vieillards éponges

édentés déglingués cassés

tordus rapiécés

déformés défigurés enlaidis

avec encore un souffle de vie

nous voici ici rassemblés

laids

abandonnés

dans nos chariots dans nos bavoirs

en ce morne parloir

par la vitre le cyclamen

fané

et l'herbe folle des allées

les souvenirs de mes années

de ma lointaine enfance

de mes amours et de mes haines

de mes enfants mes joies mes peines…

Que tout en moi a goût de rance !

Oh ! la terrible solitude

quand on est loin de son foyer !

c'est le désespoir des noyés

constatant leur décrépitude

inutiles encombrants dérangeants

pas même des gens

nous voilà prisonniers dans nos murs

et ma voix déjà n'est plus qu'un murmure

ce n'est pas vivre que végéter

hébétés

chahutés

des nourrices sévères

des mégères

rarement dorlotés

les rictus des folles

et les cris des vieux hagards

déchirent mon intimité

les regards

lointains et troubles de la démence

m'affolent

aussi l'incoercible incohérence

des bavards

qui bavent sur leurs lèvres de papier buvard

Mouroir

salle des pas perdus

hôtel du terminus

je suis perdu

seul !

et mes mains distendues

couleur fleurs de tilleul

et froissées comme du papyrus

tremblent d'un incompressible tremblement

un froid glacial

glace mon corps

et mon cœur :

j'ai peur

de la mort !

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 26/03/2010

Dimanche 14 juin 2020

Le recueil "Œuvres du Temps de Confinement" est sorti !

Vous pouvez le commander :

<lesamisdelabourrache@orange.fr>

(10 € : voir plus bas détails)

Jeudi 11 juin 2020

Longtemps après (chanson)

 

Longtemps après le cataclysme

Qui aura tout détruit sur terre

Quand seront passés les séismes

Dissoutes les vapeurs délétères

 

Longtemps après la destruction

Une fois calmées les colères

Apaisées toutes les passions

La paix venue sur cette sphère

La la la…

 

Les hommes alors seront heureux

Dans le grand jardin de la terre

Vivant de fruits, vivant de peu

Ayant tout oublié des guerres

 

La pluie douce et les arcs-en-ciel

Et les soleils, les brumes bleues

Les colombes dans des bruits d’ailes

Les matins calmes et lumineux

La la la…

 

N’y aura plus comme naguère

Envie, ni haine ni jalousie

Que le laboureur solitaire

Et les familles réunies

 

Une brise chargée de senteurs

Circulera dans les vergers

Sur les prairies semées de fleurs

Et les oiseaux dans l’air léger

La la la…

 

Ce sera belle renaissance

Que celle de cette humanité

Sans tumulte et dans le silence

Parmi les monts et les forêts

 

Et les sources et les fontaines

Au creux des bois, au creux des pierres

Couleront d’une eau pure et saine

Et les humains seront tous frères

La la la…

La vie sera belle sur cette terre

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, 27 février 2019

Juin 2020

Si les draps se souviennent

 

Les draps gardent encore

dans l’écume des plis

la tiédeur de nos corps

et l’écho de tes cris ;

l’oreiller la senteur

de jasmin de ton cou,

le musc de nos sueurs ;

et moi le souvenir

du rouge de tes joues

quand je te fis gémir.

 

Si les draps se souviennent…

Ces vagues du désir

qui enflent et puis deviennent

ouragan du plaisir…

Pour nos sens en tempête

quand vibrent nos caresses

je n’ai plus d’épithètes.

Je sais que je t’emmène

aux rives de l’ivresse

où plus rien ne te freine.

 

Les draps gardent l’empreinte

de nos corps en délire,

de nos folles étreintes,

de nos éclats de rire,

des choses délicieuses

que je te fis subir.

Ma langue malicieuse,

indiscrète et coquine

aux rives du plaisir

t’emporte et te taquine.

 

Tu t’arques et tu murmures

des prières ardentes

pour qu’enfle et que perdure

cette extase insolente,

en mots fous de bonheur

et c’est l’apothéose…

Éperdus de douceur,

sombrons sous l’accalmie

qui apaise et repose

les amants endormis…

 

Francis BELLIARD              

La Bourrache, le 5 février 2014

Juin 2020

L'ibis

 

Sur l'étang de jade vert

le reflet des myosotis

sur ce miroir à l'envers

et celui des tamaris

 

les carpes royales glissent

aux tiges des papyrus

telles l'ombre d'Anubis

parmi les eucalyptus

 

- est-ce la demeure d'Horus

ou de l'incestueuse Isis ? –

 

son eau est laque d'ébène

dans la pénombre du soir

et peints sur cette obsidienne

des blancs nymphéas l'ivoire

 

les taches bleues des lotus

et la pâleur d'un ibis

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 21/05/09

Lundi 1er juin 2020

Essuie-larmes

 

Au travers des balais des essuie-larmes

de mon âme

il tombe à trombes

des nuages

la pluie des grains

de mon chagrin

faut-il que j’aie mal et j’en pleure

je suis la route du retour

mais Dieu ! que j’en ai le cœur lourd !...

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 3 février 2016

 

Jeudi 28 mai 2020

Tes mains

 

Tes mains : deux merveilleux papillons

qui, soyeuses,

telles des phalènes,

m'effleurent

et me butinent

s'accrochent aux déchirures

de ma nuit

et font battre mon sang

comme du plomb fondu

 

Tes mains sont deux bêtes vivantes

et douces et chaudes

deux magiciennes

deux ailes musiciennes

qui, de leurs effleurements,

légère respiration,

vont et viennent

sur les courants de mes frissons

 

Sous elles je sonne et je résonne et je vibre

comme la peau trop tendue d'un tambour noir

 

Et tout mon corps explose

en autant de cymbales !

Oh ! ...Tes mains ! ...

Tes mains si riches

de douceur et si

pleines

d'amour ...

 

Francis BELLIARD

Gémozac, le 6 mars 2012

Lundi 25 mai 2020

Je vous avais informé(e)s (voir plus bas) de ce projet de recueil d'Œuvres du Temps de Confinement, et avais fait appel à écriture. Eh bien le projet a bien avancé. Il arrive à son terme. Sauf aléas de dernière minute, cet ouvrage sortira dans une quinzaine de jours.

Il rassemble les œuvres de toutes celles et ceux qui ont décidé de prendre la plume lors de ce confinement, néophytes ou plus expérimenté(e)s, et de nous les adresser pour constituer cet opuscule. Aquarelles et autres œuvres graphiques l'illustrent. Pour en avoir une idée, je vous invite à vous rendre sur le site Facebook des Amis de la Bourrache.

Le recueil sera disponible au prix de 10 € (prix coûtant). Plus de 150 pages - chaque texte est illustré (illustration d'artistes ou photos) - quadrichromie.

<lesamisdelabourrache@orange.fr>

 

Lundi 25 mai 2020

 

Volubilis

 

Ce matin,

dans mon jardin,

c'est inouï :

ipomée, joliment,

pendant la nuit,

tu avais déplié secrètement

ton parapluie !

Volubilis

de mon jardin,

qui t'enroules savamment

le long des tiges de mon jasmin,

tu n'es point lys,

ni myosotis,

car ta corolle,

large coupole,

en une nuit

s'est épanouie ! …

Quel bleu ! … Si pur

que l'on croirait éclat d'azur ! …

De plus sombres voisines

- tes cousines -

ont des tons de violet,

de mauves et de parme…

De moi secrètement vous seriez-vous éprises ?…

Est-ce pour moi cette surprise,

pour qu'en ouvrant tôt mes volets,

je découvre soudain vos charmes ? …

Pendant que je dormais,

gentilles ipomées,

vous vous êtes hâtées, dans le secret nocturne,

de défroisser votre jupon,

sous la lumière de Saturne.

Alors que s'enfuira Orion,

quel méchant gnome passant par là

la nuit prochaine vous flétrira ? …

Quel bien triste destin

que si belle parure,

ô fleur d'azur,

ne dure

qu'un matin ! …

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, 27/07/09

Samedi 23 mai 2020

J'ai voulu ce jour vous offrir ce poème, et ces roses de mon jardin...

 

Les roses

 

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir.

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.

 

Marceline Desbordes-Valmore

(1786 – 1859)

Jeudi 21 mai 2020

Eh !...eh !..Eh bien, aujourd'hui, je vous offre le début d'un conte de mon cru, qui a paru dans mon recueil "Contes de la Bourrache"...

 

Shaonang et le tigre blanc

C'était il y a bien longtemps. En un temps si reculé que nul ne saurait dire aujourd'hui si Shaonang exista vraiment.

Shaonang naquit sur les rives d'une  rivière qui descend des plus hautes montagnes du monde. Dans une  cahute enfumée, d'une mère aveugle, qui nourrissait comme elle pouvait ses sept enfants, en faisant pousser de son mieux un peu de riz sur la maigre terre concédée par le Roi. Son père était mort peu de temps après sa naissance. Ses frères ne cessaient de se chamailler, et ne pensaient qu'à faire des bêtises. Seul Shaonang demeurait près de sa mère, l'aidant dans toutes ses tâches du mieux qu'il pouvait. Mais une chose le préoccupait au plus haut point : comment fallait-il s'y prendre pour rendre la vue à sa pauvre mère ?

Il partit donc pour la ville, un beau matin, en chantonnant.

 

            « Je suis sur le chemin cherchant qui me dira

            des mystères cachés qui aveuglent ma mère

            l'obscure résolution, et qui la guérira,

            lui retirant son ombre, lui rendra la lumière... »

 

Quand il fut arrivé dans la ville, malgré la grande surprise que lui causait tout ce remuement de bêtes et de gens,  il retrouva vite sa détermination et demanda à un passant l'officine de l'apothicaire.

Après avoir patiemment attendu son tour, il exposa sa requête au vieil homme.

« Maître, s'il vous plaît, j'aimerais savoir comment je pourrais rendre la lumière à ma pauvre mère, qui ne peut aller qu'à tâtons. »

Après avoir longuement réfléchi en se caressant la barbiche, qu'il avait fort longue, le vieil homme lui dit :

« Mon garçon, il se pourrait que je puisse t'aider. Mais ici-bas, rien n'est donné pour rien...

Es-tu prêt à travailler pour moi, en échange de mon précieux savoir ? »

« Shaonang réfléchit un instant et répondit :

« Si tu m'enseignes tes secrets, alors je travaillerai pour toi. »

« Tu es malin, Shaonang. Entendu comme cela. Tu commences tout de suite. »

Jeudi 21 mai 2020

Aujourd'hui, j'ai envie de vous offrir les paroles de ma chanson "La maison derrière la dune" : voici :

 

La maison derrière la dune

 

Ce serait une maison basse

Aux volets bleus, derrière la dune

Creusant le dos elle se tasse

Et se ramasse sous la lune

Une treille vieille y courrait

Sur ses murs blanchis à la chaux 

Des roses trémières colorées

Un jardinet y est enclos 

Avec des haies de tamaris

Et des guirlandes de volubilis

 

 

L’allée bordée de tubéreuses

Mènerait au seuil usé de pierre

La porte est ouverte et, frileuse,

Tu entres dans la pièce claire

Tu t’assois sur le banc de bois

Au sol est un vieux carrelage 

Sur ma main se posent tes doigts

Les meubles luisent polis par l’âge 

Et les draps blancs sentent l’iris

Quand nos corps dévêtus s’y glissent

 

 

Les fenêtres sont entr’ouvertes

Le vent agite les rideaux

Ma main glisse à tes cuisses offertes

Tes doigts qui courent sur mon dos

Senteurs de pins et d’immortelles

Ma bouche te couvre de baisers

Tu t’abandonnes et tu es belle

Et tu frissonnes au soir d’été

Les vagues brisent sur la grève

Aux vents de mer volent mes rêves

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 22 mai 2014

Samedi 16 mai 2020

Vous pouvez accéder à d'autres poèmes en cliquant sur "Mes œuvres" puis, à gauche, sur "Ma poésie"

Il semble que vous soyez quelques-unes et quelques-uns à apprécier un peu ma poésie, ami(e)s.

Je juge donc opportun de continuer à vous l'offrir : puissiez-vous y trouver quelque agrément...

Vendredi 15 mai 2020

 

Le sémaphore

 

il peut venter il peut pleuvoir
aux carreaux de mon corridor

 

je suis tel ce vieux sémaphore
planté au bout du promontoire
ses feux comme des photophores
face aux tempêtes dans le soir

 

comme le phare au bout du port
quand la mer montre ses dents noires
que ses lames hurlent à la mort
préfigurant le purgatoire

 

j'entends venter j'entends pleuvoir
aux carreaux de mon corridor

 

Francis BELLIARDla Bourrache, 30/04/13

 

 

Jeudi 14 mai 2020

Certains d'entre vous m'ont déjà entendu leur dire ce poème ; pour eux, l'effet de surprise est un peu gâché, qu'ils men excusent...

 

Tigre d'orient

 

Feulement

dans la nuit

d’encre de Chine…

 

Sur l’étang,

nappe d’argent luisant

décline

ronde et blanche

la lune

au bout d’une

branche

telle

prunelle

divine…

 

Tel une ombre,

le tigre glisse

sombre

entre les tiges des bambous…

 

Sous les sourds roulements de tambour

qui courent par la jungle hindoue

des couples s’adonnent à l’amour

nus sur des nattes de papier froissé

dans la moiteur des corps enlacés…

 

Entre les jonc endormis glissent

fantôme étrange

ma pelisse

orange

zébrée de noires rayures

les sabres laiteux de mes crocs durs

et la fente

de mes yeux jaunes dans le soir…

Attente …

 

À la diète

depuis de si longs jours

je guette

sur mes pattes de velours

cette

petite chèvre bêlante

qui me tente

et que je croquerais bien,

nom d’un chien !

Dans la chaude nuit d’orient

senteurs de miel et d’origan

j’imagine

son sang coulant

sur mes babines…

 

Hélas !

Je le sais

quoi que je fasse

jamais le fauve que je suis

n’aura sa robe de sang tachée !

jamais n’assouvirai mon appétit

féroce !...

 

Pourtant véloce

et sans pitié

je resterai bloqué sur la laque de ce bureau

bien calé sur mes doigts de pieds

né des dix doigts de mon bourreau

à bayer nuit et jour aux corneilles

avant que, pauvre tigre de papier,

ne sois jeté à la corbeille…

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 23 juin 2013

Dimanche 10 mai 2020

Le passant

 

Je ne suis qu'un passant,

moins qu'une ombre déjà

un quidam un errant

une image sépia

 

personnage incertain

promeneur inconnu

aux allées de fusains

où les statues sont nues

 

je ne suis qu'un passant

émergé de la brume

qui se tourne en rêvant

au son clair des enclumes

 

mon pas n'est dans la rue

à côté de ma chienne

qu'un écho disparu

d'une chanson ancienne

 

je ne suis qu'un passant

un cœur d'enfant qui pleure

fantôme ou revenant

la vie n'est donc qu'un leurre ?

 

je quitterai ce monde

comme j'y suis venu

suis entré dans la ronde

et n'y suis déjà plus

 

je ne suis rien de plus

qu'un passant anonyme

qui a pris l'autobus

et fait sa pantomime

 

j'étais là sans raison

me nourrissant de rêves

au travers des saisons

que la vie semble brève !

 

dans l'épopée humaine

n'ai point trouvé ma place

sans rancœur et sans haine

ne laisse aucune trace

 

déjà évanescence

se dilue mon image

de si peu d'importance

qu'est-ce donc qu'être sage ?

 

que de joies et souffrances !

que d'amitiés déçues

et d'amours dans la danse !

et se sentir perdu !

 

qu'est-ce donc que vivre

si ce n'est que d'attendre

s'agiter pour survivre

et puis finir en cendres ?

 

ne suis qu'une ombre grise

une illusion passée

un passant une brise

à peine une pensée...

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, 14 juillet 2010

Vendredi 8 mai 2020

 

Dans l'ombre la lampe brûle (chanson)

 

Dans l’ombre la lampe brûle

C’est ici ta maison

Chaque objet te le rappelle

Et le chien t’appelle

 

Les ombres du crépuscule

Assombrissent nos fronts

Sous la lampe tournent les phalènes

Et les heures s’égrènent

 

Les aiguilles de la pendule

Tournent et tournent en rond

Voici l’heure de tes départs

Et l’on se sépare

 

Cet amour qui nous brûle

Jusqu’à la déraison

Et toujours cette alternance

D’étreintes, de silences

 

Dans l’ombre la lampe brûle

C’est ici ta maison

Chaque objet te le rappelle

Et moi je t’appelle 

 

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 03/07/2014

Mercredi 6 mai 2020

 

La photo jaunie

 

La brise est douce haleine

au-dessus du berceau

le voile bouge à peine...

le chant pur d'un oiseau...

 

sous l'ombre qui balance

et danse sur le tulle

émane du silence

un petit bruit de bulles

 

un tendre gazouillis

fragile voix qui jase

elle s'élève du nid

au travers de la gaze

 

le chat fait sa toilette

aux pieds de la nacelle

un papillon volette

au souffle de ses ailes

 

il y a si longtemps !

Les beaux jours sont enfuis...

ne reste de ce temps

qu'une photo jaunie...

 

Francis BELLIARD

1er mai 2012

Mercredi 6 mai 2020

 

Je suis ce bois rongé déposé sur la grève

 

Je suis ce bois rongé déposé sur la grève
Par l'écume des vagues au milieu des méduses
Je reste cette épave abandonnée des rêves
Là-bas au pied des dunes et des flots gris céruse

 

J'ai le bruit du ressac de tous mes souvenirs 
Aussi les cris des mouettes et ceux des goélands 
Qui tournent dans mon crâne m'empêchant de dormir
Je suis ce naufragé rejeté sur l'estran

 

Cette côte est sauvage et sa plage est déserte
Nulle âme sur ces sables et c'est toujours l'hiver
Les vents soufflent en tempête et les vagues sont vertes
Au chevet des calvaires les veuves en prières

 

Je refais le chemin de tous ces promontoires
D'où je devais partir pour de si beaux voyages
Je porte sur le cou mes rêves en sautoir
Comme des barbelés me griffant au visage

 

Et les embruns ruissellent comme gouttes de sang
Sur mes joues de papier. Je ne suis qu'un pantin
Sur un récif posé comme un noir cormoran
Tous les fils sont coupés je n'ai plus de destin

 

En vérité je crois qu'en ma vie tout fut vain
Mes amours mes amis et tout ce que je fis
De tout ce grand fatras pas même quelque levain
Tout est si dérisoire les songes et les envies

 

Souvent dans mes nuits troubles volent les cauchemars
Ces oiseaux de malheur venus je ne sais d'où
Qui m'assaillent d'angoisse et me laissent hagard
Et je m'éveille en sueur tel une proie vaudoue

 

C'était donc ça la vie ! Voyage sans escale
Passager clandestin d'un sinistre cargo
Que j'avais cru voilier dans les mers tropicales
Me voici en cale sèche victime d'un embargo

 

Je suis ce bois rongé déposé sur la plage
A moitié ensablé sous les oyats des dunes
Mais j'ai toujours aimé la course des nuages
Et, le nez aux étoiles, le manège des lunes

 

Et quand je vous revois, mes enfants, mes oiseaux,
Allez savoir pourquoi, j'ai les yeux qui me brûlent
Et le cœur qui déraille comme piqué de ciseaux
Vous partis le silence retombe…
…et c'est le crépuscule

 

Francis BELLIARD

Le 25/08/09

Dimanche 3 mai 2020

Portrait à la cire

 

Personne  ne saura jamais
Ce qui se passe dans ses pensées
De son enfance, de son passé
Des femmes qu’il a eu aimées

 

Rien  ne paraît des mille songes
Ni de tous ses rêves fantasques
De toutes ses anciennes frasques
Pas plus de l’ennui qui le ronge

 

Rien ne le trahit sous le masque 
On ne sait rien de ses voyages
De ses périples dans les nuages
De ce qui dort en cette vasque,

 

Le bocal clos de son cerveau.
On ne sait rien de ses tempêtes
Non plus de tout ce qui l’entête
Il garde tout dans ce caveau

 

Pensées insanes ou désirs flous
Ses désespoirs et ses bonheurs
Ses délires noirs et ses candeurs
Celle qu’il aime comme un fou

 

Ses yeux ni son front ne diront
Quels sont les secrets qui l’obsèdent
Les peines et tracas qui l’excèdent
Les espoirs qui le nourriront

 

Derrière le visage de cire
Sous les mains disposées en conque
Il est impossible à quiconque
D’expliciter ce long soupir,

 

Ce qui l’occupe ou le dérange.
Est-il un fou ?...Est-il un sage ?...
N’est-il qu’un oiseau de passage ?...
Serait-il diable ?...Serait-il ange ?...

 

Cet homme a connu tant d’orages
D’hivers et de saisons anciennes
Tant de joies, d’amours et de peines
Que les rides ont creusé son visage

 

Tout ce qu’il sait !...Sa tête est pleine
Des milles choses de sa vie
Au fond de sa mémoire enfouies
Et son sang fait battre ses veines

 

Il partira sans que l’on sache
Vraiment ce qu’il sut, ce qu’il fut
Emportant ses mystères, en sus,
Son doux sourire sous ses moustaches…

 

Francis BELLIARD
La Bourrache, 28 août 2019

Jeudi 30 avril 2020

 

J'ai des souvenirs de perdrix

 

J'ai des souvenirs de perdrix
de lièvres au pelage gris
de grands chênes au feuillage qui bruit
dans les cours de fermes des cris
et l'odeur des bonheurs enfuis

 

L'étable est vide de ses bêtes
des remugles chauds qui m'entêtent
des vaches et des veaux qui tètent
du bruit du lait dans les seaux
du foin tiré dans les crèches et de l'eau
des chats lapant le lait tiède à la traite
des hirondelles sous les poutres
qui me frôlaient de leurs ailes
dans leur tournoyant carrousel 
pour emplir les petites outres
qui dans les nids crient à tue- tête

 

La cour est vide du fumier
du va et vient de ses charrettes
du chant du coq et des poussins
de ceux des poules et des ramiers
du grincement de la girouette
des hommes près du chai à vin
des chevaux que l'on menait boire
le soir aux pierres des abreuvoirs…

 

Mais qui songeait à l'avenir ?…
Ce temps fut celui de l'enfance
Ne reste que le souvenir
d'une tranche de vie enfuie
le temps béni de l'insouciance
avant les longs jours de suie…
Et le passé s'est assoupi
sagement sur ce qu'il en reste :
quelques pierres et quelques tuiles
et puis les traces de nos gestes
ô combien vains et inutiles…
les ronces et le lierre qui courent
recouvrent les cailloux de la cour….

 

Francis BELLIARD

La Bourrache, le 07/08/2009

Mercredi 29 avril

Hommage à l'arbre...

Le peuplier

 

Moi, peuplier de la rivière,
suis comme un pinceau à l’envers
dans la tourbe de la prairie.
Où j’ai vu le jour j’ai grandi.
Ne serai jamais voyageur :
ici resterai à demeure.
Allongé sous mon ombre sage,
entends le chant de mon feuillage
que le vent caresse au passage
dans les clairs matins de printemps
ou la brise du soir mourant.
Quand la colère de l’orage
courbe violemment mon branchage,
la pluie dépose son bagage :
respire l’odeur que je dégage.
Ma vêture est d’un vert éclatant
au-dessus des champs du printemps.
Mais c’est le jaune que j’arbore
quand l’automne me drape d’or.
Je m’endors alors et je penche…
L’hiver, il n’est plus que mes branches,
noires et nues, comme baguettes.
La bise secoue mon squelette
érigé au gris des nuages :
j’effraie les oiseaux de passage.

Ma grise écorce se craquelle ;

le lichen a poussé sur elle.
Je ne compte plus mes années,
je me sais bientôt condamné.
Si je vous disais les tempêtes
qui m’ont brisé branches et tête…
Quatre générations de saules
ont vécu contre mon épaule.
Je me sens las et oublié,
solitaire, et vieux peuplier.
La foudre et les hommes venus
depuis longtemps ont abattu
mes amis et mes compagnons.
Il n’est plus que les champignons
sur leurs souches et leurs moignons.
Une ânesse et puis son ânon
méditent le front sur mon tronc.
Des amants y gravèrent leurs noms.
Le gui qui de moi se nourrit
encore un peu plus m’affaiblit.
Voici que ma sève se freine,
que pour aller aux bouts elle peine.
Hiver ! Ta morsure est cruelle !
Ce linceul glacé, c’est le gel.
Et, grand peuplier solitaire,
ton âme, l’emporte ta rivière…


Francis BELLIARD
La Bourrache, 16/10/13

Dimanche 26 avril 2020

 

Élégie

 

Que le vent seul effleure ma sépulture.
Que croisse en liberté l’avoine folle
alentour des pierres que veux vieilles et dures ;
si la bourrache, azur en sa corolle…

 

Qu’un if oblique et sombre les ombrage
l’été ; que la brise douce y murmure ;
qu’y gronde aussi des vents d’hiver la rage.
Que pluie et neige lustrent sa ramure.

 

Que le compagnon blanc, coquelicot
timide et rouge, un brin de marjolaine,
quelques orties, fleurissent ce tombeau :
qu’y dorme en paix mon âme souterraine.

 

Qu’on édifie tout près un banc de pierre
pour les ami(e)s qui viendraient d’aventure,
par les allées en herbe du cimetière,
me faire gentiment un brin de lecture.

 

Laissez, je vous en prie, tous les oiseaux
du ciel s’ébattre sur ma tombe :
chardonneret, mésange, sombre corbeau,
belle hirondelle, et aussi la palombe…

 

Du soleil et des nuages la course lasse
et puis l’ombre des branches qui balancent…
les cris et les rires des enfants qui passent…
mon âme enfin s’empreint de l’infini silence…

 

Francis BELLIARD

La Bourrache le 15/02/2014

 

Samedi 25 avril 2020

Ce serait un peu comme un tableau...

 

C’est l’heure rougeoyante

 

Oh ! Ces ors flamboyants
À nos vitres flamandes
Que le soleil couchant
Plaque comme une offrande !

 

C’est l’heure rougeoyante
Où les noirs oiseaux fuient
Dans un ciel amarante
Vers leurs gîtes de nuit ;

 

Où l’océan s’apaise,
Où les astres basculent,
Où les bêtes se taisent.
Voici le crépuscule.

 

Les fenêtres s’allument
Aux voiles de la nuit,
Dans l’ombre et dans la brume.
L’étoile soudain luit.

 

Et l’incendie s’éteint
Aux fenêtres flamandes,
Noyé dans les lointains ;
L’ombre envahit la lande…

 

La Bourrache, le 23 janvier  2014
Francis BELLIARD

Vendredi 24 avril 2020

Railleur

Ainsi tu n’as été, sans paraître gouailleur,
Poète, ni soldat, ni artisan tailleur,
Encore moins écrivain, ou paysan d’ailleurs.
Tu ne fus, je le sais, qu’un mauvais gribouilleur,
Va-nu-pieds du stylo, piètre poétailleur,
Et, soyons bon seigneur, très mauvais rimailleur,
Pas même, je le confesse, passable écrivailleur.
Eusses-tu pu, seulement, être bon ferrailleur,
Pour nous pondre à grand peine quelque limaille de vers,
Quelque œuvre de vers forgés, quelques rimes à l’envers,
Tel un vieil orpailleur quelques rimailles de fer ?
N’as-tu été sur terre qu’un vrai faux-monnayeur ?
Je t’eusse mieux vu, en fait, en simple travailleur
Du verre, du bois, des pierres, peut-être rempailleur.
Tordre les mots n’est pas ton fort, pauvre essayeur.
Des feuilles mortes de tes rimes, petit railleur,
Fais un ballot, et sois au moins bon balayeur.
Et pour clore le chapitre de tes alexandrins,
Je te baille, heureux pitre - car ton labeur est vain -
Le titre de raseur, celui d’empoisonneur,
Et te prie maintenant de te faire pendre ailleurs.

 

Francis BELLIARD, décembre 2002

Jeudi 23 avril 2020

Bien peu de chose en vérité que ma modeste offrande de ce soir, mais je l'offre de tout cœur à votre méditation... 

Mardi 21 avril 2020

Ce soir, pour changer un peu, ce sont les paroles d'une de mes chansons que je vous offre...

 

C’n’est qu’un enfant

 

Est-ce un bateau cette bulle de lumière ?
C’n’est qu’un berceau sous la gaze légère
Un battement de paupières
C’n’est qu’un enfant à l’aube de la vie
Fragile esquif au destin indécis
Un petit d’homme qui sourit

 

C’n’est qu’un enfant qui grandit
Contre sa mère blotti
Choyez-le, ce petit
Ne lui donnez jamais de fusil

 

C’n’est qu’un enfant dans les bras de sa mère
Un enfant mort de faim et de misère
Ne verra plus la lumière
C’n’est qu’une enfant abîmée par la guerre
Que les soldats ont traînée en enfer
Son corps gît dans la poussière

 

Tous ces enfants en souffrance

De par le monde ou en France
Oh ! Mon Dieu ! Faites silence !...
Faites que cesse la violence !

 

Est-ce un vaisseau cette bulle de lumière ?

C’n’est qu’un berceau perdu dans l’univers
Portant la vie en bannière
Fragile esquif au destin indécis
Une humanité à l’aube de sa vie
Une graine qui se détruit…
Une graine qui se détruit…

 

Francis BELLIARD
La Bourrache, 15/07/19

Lundi 20 avril 2020

 

Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre

 

Frères humains qui après moi vivrez
N’ayez contre moi le cœur endurci
Gardez par devers vous votre pitié
Voyez ! Ne suis plus de ce monde-ci
N’ai plus de mal encore moins de soucis
Ce sont vers que ma chair pourrie nourrit
Plus rien en moi ne reste endolori
Ne crains plus vent ni la pluie ni la foudre
Peu me chaut que dès lors de moi l’on rie
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre

 

Si d’aventure sous cette yeuse passez
Et sur ma pierre vous vous êtes assis
Ayez pour ce défunt douce pensée
Avant que d’être une ombre qui rôde ici
Passant entends l’histoire que voici :
Je fus enfant puis homme pauvre mari
Fétu de paille que le grand vent charrie
Joies et peines appris aussi les ris
Et l’ouvrage des jours tisser et coudre
Si malgré moi mal fis en suis marri
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre

 

Pluies et vents ont ce tombeau délavé
L’herbe folle et les mousses l’ont tout verdi
Sous terre n’est guère tourments à braver
Jamais ne pleure ni ne souris pardi
Que m’importent quolibets et moqueries
Pour mes erreurs me pardonner vous prie
De là-haut n’entendrez plus mes cris
Mon âme à son moulin qu’a-t-elle à moudre ?
Demeurera-t-elle à jamais meurtrie ?
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre

 

Christ Jésus qui sur la croix a péri
Pour mes fautes et celles de la confrérie
Là-bas faudra-t-il encore en découdre ?
Hommes ! Soyez point contre moi aigris
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre


Francis BELLIARD
La Bourrache, le 20 avril 2020

 

(Vous aurez aisément reconnu dans cette pâle imitation, la très célèbre Ballade des pendus, de François Villon - Vous trouverez une autre ballade "à la manière de..." , toujours de Villon, ci-dessous)

Samedi  18 avril 2020

 

Au bout de quelle éternité ?

 

Ce qu’on vivait était étrange
C’était un temps bien singulier
Angoisse et colère en mélange
On était comme anesthésiés

 

Aucun de nous n’avait connu
À telle échelle autant d’angoisse
La maladie avait couru
À travers toutes les paroisses

 

Nul n’y croyait au tout début
On en riait on s’en moquait
Et puis très vite elle est venue
Comme la peste a débarqué

 

Au vu de sa croissance folle
De tant de pauvres gens fauchés
Voici alors que tous s’affolent
Comme sous flèches des archers

 

C’est alors qu’il fut décidé
Afin d’éviter tout contact
Que tous ne soient pas décimés
Et pour limiter son impact

 

Que l’on resterait sous son toit
Claquemuré dedans ses murs
Sans plus sortir chacun chez soi
Jusqu’à la fin de l’aventure

 

Les rues des villes et villages
Balayées par un vent morose
Toutes les autos aux garages
Et toutes les boutiques closes

 

Régnait une atmosphère étrange
Où tout restait silencieux
Tout près le chant d’une mésange
Et puis ce printemps radieux

 

Toutes ces fleurs qui embaument
Les tracteurs tournaient dans les champs
Et dans nos hôpitaux mouraient
Par milliers tant de braves gens

 

Dans les cours vides de nos écoles
Ne fusaient plus les cris les rires
Des enfants et leurs courses folles
On avait très peur de mourir

 

Et moi je marchais solitaire
Par des laies des sentes de loups
Par de secrets chemins de terre
Et me tenais encore debout

 

Enivré de mille senteurs !
Et tant de verdure aux feuillages !
Et tant et tant de gens qui meurent !
À quand la fin de mon voyage ?

 

Tous les braves gens se terraient
Comme rats au fond de leurs trous
Il fallait vivre confinés
Beaucoup en devenaient fous

 

C’était alors grande misère
Qui dévastait tous les royaumes
C’était un peu comme les guerres
Où il se tue tellement d’hommes

 

Si notre belle humanité
Soudain venait à disparaître
Au bout de quelle éternité
Arriverait-elle à renaître ?

 

La Bourrache, le 18 avril 2020
Francis BELLIARD

 

 

"Quand je vous disais qu'il ne raconte que des âneries, mon maître !..."

Samedi 18 avril 2020

 

L'âne chargé de punch et l'âne chargé de faisselles

 

Un marchand menait au licol
Deux ânes sur la route d'un col.
Celui de faisselles chargé
Fonçait devant comme un coursier,
Sans souci de son compagnon.
Et l'autre, malheureux grison,
Peinait sous le poids des bouteilles
Chassant les mouches de ses oreilles.
« Attends-moi !...
Aide-moi !... »
Criait-il tout au long du chemin
À l'autre déjà loin.
« Que nenni !
Mon ami !... »
Trottant comme s'il avait des ailes,
Celui qui portait les faisselles
Et qui faisait son fier,
Sa charge étant légère,
Caracolait devant
Sur les pas du marchand.
Il fallut tout soudain gravir les raidillons :
Essoufflé, celui-ci grimpe sur Aliboron
Et le fouette tant et tant
Qu'il s'arrête, haletant.
 Cependant, loin derrière,
Flairant la bonne affaire,
Trois voleurs par l'odeur alléchés
Ont vidé les bouteilles sans tarder.
Plus léger, notre Cadichon
Part au trot vers ses compagnons,
A tôt fait de les rattraper,
S'arrête un instant à côté.
«Ami, aide-moi, s'il te plaît !... »
Clame l'autre croulant sous le faix.
« Que nenni !
Mon ami !...
N'est-ce pas ce que tu m'as dit ?
Pour moi je me suis affranchi.
Et puis, ne sois pas si grognon :
N'as-tu pas un bon compagnon ?...
Pardi si !... »
Ayant dit,
Il leur fait une belle pétarade
Puis s'enfuit vers sa vie nomade...


Francis BELLIARD
La Bourrache 29 décembre 2012

Jeudi 16 avril 2020

 

Ballade aux princes de ce monde

 (En pensant très fort à Villon, dans sa « Ballade en vieil langage françois »)

 

Vous, de ce monde, petits ou grands,

De lin vêtus ou de nippaille,

Tout de cravates et de cols blancs,

Ou en vêtements de travail,

Que vous fassiez ou non ripaille,

Agités tels moulins à vent

Ou hirondelles au blanc poitrail,

« Autant en emporte ly vens ».

 

Or, que vous fûtes président

Ou que vous fûtes une racaille,

Et que vous fûtes un tyran

Ou de la simple valetaille,

Il faudra bien, vaille que vaille,

À reculons ou en avant,

Quitter ce monde de mitraille.

« Autant en emporte ly vens ».

 

Que seront dès lors votre argent,

Vos biens, vos richesses de paille

Devenus si ce n'est que vent ?

N'êtes que tristes épouvantails,

Tout comme un troupeau de bétail

Vers l'abattoir courant, bêlant.

À quoi bon toutes vos batailles ?

« Autant en emporte ly vens ».

 

Princes de cour n'êtes que volaille.

Mais fîtes grand tort à vos gens.

N'êtes en fait que des détails.

« Autant en emporte ly vens ».

 

 

La Bourrache, 28 novembre 2011

Lundi 13 avril 2020

 

Oh ! Les si doux pizzicati !...


Oh ! Le crépitement de la pluie
Butinant les tuiles du toit
Le doux murmure dans la nuit
À petits bruits à petits doigts

 

Oh ! Les doux moments de folie
Dans ce petit lit de grenier
Des amants sous ce toit qui bruit
Et nos amours de braconniers

 

Oh ! La courbe de ton épaule
Sur mon oreiller de satin
Ton doigt m’effleure et puis me frôle
Ma bouche lutine tes seins

 

En gardes-tu le souvenir
Des gouttes et de leur clapotis
Accompagnant notre plaisir
De leurs si doux pizzicati ?

 

La Bourrache, 12 avril 2020

Vendredi 10 avril 2020

 

Aujourd’hui c’est dimanche
J’ai cueilli ce matin
Ce bouquet de pervenches
Sur le bord du chemin

 

Brisant les longs pétioles
En ma main les recueille
Le parme des corolles
Et le vert cru des feuilles

 

Ont attiré mon œil
La cloche de l’église
Me fait songer aux deuils
À bien des aubes grises

 

Je t’offre dans ce vase
Ma très modeste offrande
Quelques vers sans emphase
En guise de provende

 

Sur la table de bois
Mes pervenches se meurent
Sans que tu ne les voies
Absente en ma demeure…

 

La Bourrache, le 10 avril 2020

Francis BELLIARD

 

Mardi 7 avril 2020

Une fois n'est pas coutume, je vous dédie ce court poème sur le mode de l'auto-dérision, né de cette étrange période qui nous impose l'enfermement chez soi. Une pensée à toutes celles et ceux qui en souffrent plus durement que moi, privilégié, puisque vivant au cœur d'une campagne à l'écart de tout...mais je pense à vous, mes ami(e)s, pous qui c'est très dur : courage, patience, dignité...détachement...

Con-finement

Oh ! Mais dis donc !
Mais qui t’es donc ?
Et qu’as-tu donc
Avec ce vilain air ronchon,
Dans le miroir, rubicond,
Sortant des eaux ? Poséidon !
Avec ta barbe, tes cheveux longs
Encore tout poudrés de savon
Des oreilles jusqu’au menton…
C’est pas du savon, pauvre con !
C’est la chenure d’un vieux grison
Du coup je sors à reculons 
Quelle importance, tout ça, au fond,
Puisque cloîtré, comme en prison,
Nul ne me voit en caleçon,
Puisque nous sommes tous « finé-cons ».

La Bourrache, 6 avril 2020

Lundi 06 avril 2020

Je vous invite à jeter un œil sur le site Facebook des "Amis de la Bourrache" et sur le mien aussi : un beau projet d'écriture sur les Temps du Confinement s'y déroule...

(Ci-dessous : toute la beauté timide d'un sous-bois printanier : "anémone des sous-bois")

mardi 31 mars 2020

Projet de recueil de textes produits lors du Confinement

de mars-avril 2020

____

 

Groupe des Cafés littéraires d’Aigre

et

Association « Les Amis de la Bourrache »

Projet d’action commune

 

Ami(e)s de nos groupes des Cafés littéraires

Adhérentes et adhérents, sympathisantes et sympathisants des Amis de la Bourrache

…et vous toutes et tous, qui que vous soyez…

 

Marie-Claire et moi nous vous proposons de participer à un projet simple, qui n’a qu’un but : nous évader de la morosité ambiante que le confinement nous impose à toutes et à tous.

Il s’agit de recueillir textes ou œuvres graphiques nés de notre besoin de nous exprimer  pendant cette période austère de confinement.

Une seule règle nous sera imposée : ne livrer que des œuvres créées durant cette période.

 

Que produire en commun ?

La production d’écrits de tous types, sans aucune règle thématique, syntaxique, sémantique ou formelle. L’essentiel est d’écrire, si et quand nous en avons envie, en dehors de toute contrainte, hormis celles que nous nous imposerons à nous-mêmes.

Qui dit écrit dit orthographe. Soyons clairs : les « fautes » n’ont aucune importance ici. Que l’orthographe ne soit en aucun cas un frein à notre besoin d’expression. Elles pourront être corrigées ultérieurement par nos soins (Marie-Claire et moi), si vous le souhaitez, dans la plus totale discrétion. Nous ne nous autoriserons aucune censure et respecterons scrupuleusement et intégralement vos œuvres.

 

Il ne s’agit pas d’un concours. Simplement, celles et ceux qui le désireront pourront nous confier leurs textes (poèmes, prose, etc…) : à l’issue du confinement, nous clôturerons la collecte de vos textes et en établirons un recueil en plusieurs exemplaires, accessible à tout le monde.

Nous ne publierons pas vos œuvres sans votre consentement.

 

Le principe est le suivant : dès que vous vous sentez en mesure de livrer un texte ou plusieurs, envoyez-le(s) moi par mail. Assisté de Marie-Claire, je procèderai éventuellement à leur correction orthographique, si vous le souhaitez.

Ainsi, nous collectons vos productions dès maintenant et jusqu’à la fin du confinement.

 

Toute exploitation pécuniaire est proscrite. Votre droit d’auteur(e) sera respecté.

Vous pourrez faire apparaître votre nom, ou pseudo, ou rester dans l’anonymat.

 

Nous pensons qu’écrire, en cette période compliquée à vivre de repliement sur soi peut être une occasion de méditation, de création. Ce lien aussi qui vous reliera peut-être à nous, toutes et tous ensemble, est important sur le plan social.

Les dessins, peintures aquarelles…seront aussi les bienvenus. Toute forme d’expression écrite nous semble avoir sa place dans ce futur recueil des temps du confinement, dont le titre restera à définir.

 

Nos ressentis à toutes et à tous ne peuvent que nous enrichir mutuellement.

Soyez nombreuses et nombreux à nous envoyer vos productions. Si notre initiative n’est pas géniale, elle se veut un outil de lutte contre le désarroi qui nous menace, et peut-être, une aide morale pour surmonter ce passage difficile.

 

Merci à vous toutes et à vous tous, ami(e)s

 

 

Quelques pistes d’écriture (uniquement pour vous lancer sur la voie, si vous étiez à court d’idée) :

  • poèmes : en poésie, aucune obligation à la prosodie (la prosodie étant l’ensemble des règles qui codifient ce genre d’expression, purement conventionnelles) : écrivons des sonnets, des ballades, des lais, des pantoums…ou en vers libres, peu importe,  selon les seules règles que nous nous imposerons ;
  • prose : là aussi, liberté absolue : nouvelles, contes, journal de bord, jouer avec les grands romanciers (prolonger un extrait d’une œuvre de Chateaubriand, Genevoix, Mauriac, Lévy…selon vos goûts et votre fantaisie) ;
  • théâtre : écrire des saynètes ou de courtes pièces peut être amusant.

Cette liste n’est pas limitative, bien au contraire…

 

NB : n’hésitons pas à nous entraider et à nous contacter en cas de panne d’écriture.

Toute idée ou suggestion de votre part seront les bienvenues.

lesamisdelabourrache@orange.fr

Mercredi 25 mars 2020

En raison du confinement imposé par la pandémie de Covid 19, voici, jusqu'à ce jour, les trois derniers évènements que nous n'avons pas pu ou que nous ne pourrons pas  produire...

Dimanche 22 mars 2020 - Jour 6 du Confinement

Inutile d'expliquer de quoi il s'agit : nous sommes tous forcément au courant, puisque concernés, et éprouvés.

Je ne veux pas rajouter ma voix au concert. Juste, je me permets de vous inviter, puisque vous avez le temps et la nécessité de l'occuper utilement, à (re)découvrir les contenus de mes pages. Par exemple, (re)lisez mes "Âneries", excellent contrepoison de la morosité...ou un peu de ma poésie, voire...écoutez un peu de mes chansons.

 

Puisse ma modeste contribution vous aider à mieux supporter votre confinement...

Tenez bon, protégez-vous et protégez les autres...

Bon courage à toutes et à tous !...

Lundi 9 mars 2020

« Eh oui ! Un concert n’est pas passé que nous pensons déjà au suivant. Ce mois-ci, le 27, ce sera le Prince du flamenco, Jonathan, que nous recevrons. Beaucoup d’entre vous le connaissent. Il s’est produit plusieurs fois à Villegâts, et toujours avec un immense bonheur, particulièrement pour les amoureux du flamenco. Jonathan est un prodige de la guitare. Il s’approprie aussi bien les mélodies des Gypsy Kings que celles de Trénet ou de tout tube actuel pour vous les offrir à sa façon époustouflante de dextérité et d’inventivité, de passion et d’énergie. Ne ratez pas sa prestation. Et soyez rassurés : il y aura moins de 5 000 personnes. …»

Dimanche 1er mars 2020

« Il est certain que bon nombre d’entre les spectateurs de cette session de vendredi dernier (44ème Vendredi de la Bourrache) ont découvert un univers de Guy Béart qui leur était en grande partie inconnu. C’était d’ailleurs l’objectif de ce récital de Patrick JEAN, excellemment réussi, parfaitement maîtrisé, professionnel et captivant. Patrick est ACI (auteur-compositeur-interprète). Nous l’avions reçu le 30 août dernier dans un programme de ses propres compositions, et l’avions beaucoup apprécié. Cette fois-ci ; il avait choisi de mettre son art de l’interprétation au service de ce grand poète de la chanson française: Guy Béart. Si l’on ne retient de lui que « L’eau vive », on passe à côté de trésors : et notre artiste, ce soir-là, avait parié de nous faire découvrir justement avec bonheur ces trésors enchantés : pari réussi. Ce fut, de l’avis général, une soirée bien agréable. L’infatigable Thierry Renoux, au piano, assure parfaitement, connaissant sans faille le déroulé du programme. D’ailleurs tous deux font montre d’une mémoire impressionnante : ni papier, ni partitions ! Que du bonheur, une fois encore ! Merci au tandem qui a réjoui nos âmes vendredi.
Le mois prochain, nous recevrons Jonathan Arenas el Youni, le Prince du flamenco. Attention, ça va décoiffer !...Un prodige du flamenco ! Ambiance chaude, c’est certain…»

 

Lundi 17 février 2020

« La ronde du temps poursuit sa course : voici qu’approche le prochain concert de nos Vendredis de la Bourrache. Le 28 février prochain, c’est un bouquet des chansons de Guy Béart que nous offrira notre ami et voisin Patrick Jean, accompagné au piano de son compliceThierry Renoux. Il était venu vous présenter ses propres compositions en août dernier, car il est aussi auteur-compositeur-interprète, mais a souhaité vous faire découvrir pour cette soirée ce grand poète de la chanson française : Guy Béart. Vous serez surpris de découvrir dans ce récital un peu plus long que de coutume  de nombreuses perles méconnues du grand public. Soyez au rendez-vous, si vous voulez bien, pour partager avec nous cette soirée qui sera, à coup sûr, un régal…»

Dimanche 2 février 2020

« Impériale ! Veronika Bulycheva nous offrit une prestation impériale, incroyable. Toute l’âme russe dans un mélange subtil de joie et de mélancolie, dans des explosions de passion et des retenues pudiques. Le tout avec un talent éblouissant. L’utilisation qu’elle fait de la guitare, dont elle maîtrise la technique à la perfection, sert à merveille une voix surprenante, capable de gronder dans les graves expressifs à souhait comme dans les aigus les plus surprenants. Sa simplicité et son humour ont séduit le nombreux public venu la découvrir (salle à peu près comble). Merci à elle, grande artiste parisienne, d’avoir daigné nous honorer de sa présence, nous, modeste association d’un modeste petit village de Charente. Merci aussi à vous, cher public, d’avoir répondu présent en si grand nombre vendredi soir à notre invitation. Je doute que vous regrettiez d’être venus vous perdre à Villegâts, ce 31 janvier…Je vous donne rendez-vous dans un mois avec un artiste tout aussi professionnel, dans un autre style : ce ne sera pas pour interpréter ses propres chansons, cette fois, que Patrick Jean sera présent le 28 février prochain dans nos Vendredis de la Bourrache, mais pour vous offrir un récital  Guy Béart, grand poète de notre chanson française. Je ne doute pas que vous viendrez nombreux pour l’applaudir. »

 

Vendredi 24 janvier 2020

43ème « Vendredi de la Bourrache » à Villegâts :
« Pour sa 43ème édition de leurs concerts mensuels gratuits dans notre petit village charentais, c’est une grande dame russe de la chanson que les Amis de la Bourrache recevront. Elle descend de la capitale spécialement pour vous, public habitué de ces concerts. Professionnelle du chant et de la guitare, née en Ukraine, Veronika se fera un plaisir de vous offrir son récital…Soyons nombreuses et nombreux à l’accueillir et à l’applaudir. Notre association n’ayant pas encore les moyens de rémunérer ses artistes, nous disposerons, comme à l’accoutumée, un chapeau à son intention : nous compterons sur votre générosité, bien sûr, afin qu’elle puisse au moins se défrayer…Merci d’avance pour votre compréhension…À vendredi de la semaine prochaine !...»

 

Dimanche 19 janvier 2020 

« Très intéressante causerie que celle dans laquelle notre invitée de ce Café littéraire du 18 janvier, Odile REBEYRAT, présentait son ouvrage Le clochard de Dieu.
Beaucoup d’émotion, un haut niveau d’échanges. De toute évidence, Odile, à l’évocation de ce pan de sa vie, si bien raconté dans son roman en grande partie autobiographique, rayonnait d’une belle aura. Il  nous parut évident que cet amour interdit qu’elle a partagé avec un prêtre l’a marquée profondément. Au travers de l’évocation de celui-ci, l’on comprit vite que cet homme fut exceptionnel à plus d’un titre. Il fut, d’une certaine façon, un « envoyé du Seigneur », mettant en actes les paroles de Jésus, plus prédicateur engagé qu’attaché aux dogmes de la religion catholique. Le débat sut se limiter à la thématique du mariage des prêtres sans déborder outre mesure sur les autres aspects religieux.
Dans l’auditoire, chacun, athée ou Chrétien de quelque église que ce soit, put y trouver son compte, dans le plus grand respect de ses croyances. 
On aime de tels échanges, si authentiques et profonds.
Un grand merci à Odile pour la qualité d’écriture de son livre comme pour l’intensité de sa prestation. »

 

Au fil des activités...

Lundi 30 décembre 2019

Mes ami(e)s

Je vous invite à participer, si vous le souhaitez, au Café littéraire qui se tiendra à Aigre (16), le lundi 13 janvier, à 14 h 30, au Café PMU du Commerce, à l’initiative de quelques lectrices d’Aigre, dont notre amie Marie-Claire Schaeffer. Elle était présente à notre 1er Café littéraire du 5 novembre et nous avait présenté des ouvrages fort intéressants, dont Des orties et des hommes, de Paola Pigani, dont l’épatant Raymond Fiabane nous avait lu des extraits le 10 décembre dernier.
Nous avons tout intérêt à développer ces échanges de participation pour faire vivre notre ruralité. En outre, partager autour de nos lectures, ici ou à Aigre est toujours gratifiant, je trouve. C’est pourquoi je serais heureux que quelques-un(e)s d’entre nous puissent y assister. J’essaierai moi-même de m’y rendre.
Je vous en remercie.
Et puis, comme vous l’indique le visuel, nous recevrons l’auteure Odile REBEYRAT le samedi 18 (même semaine : nous sommes comblés).