Année 2020
Mardi 29 décembre 2020
Tricher
À pas de serpent
dans l'arpent
de la chambre
éclair d'ambre
elle se love vers toi sur les draps mauves
son corps est nu
sa chair est fauve
ton cœur à nu
elle attire ta tête tenue
de ses deux mains
têtues
vers le triangle tendre
du bas ventre
doux antre
attendre
encore
un peu
et prendre
en feu
les deux seins
mûrs
et ronds
aux tétons
durs
sous tes paumes vivantes
de ton amante…
où est-elle
aujourd'hui
celle
que tu chéris ?…
de ses "je t'aime"
il ne reste
tonnerre de Brest
que ce poème
Francis BELLIARD
Mercredi 16 décembre 2020
Bon, d'accord, je vous le concède, je ne suis pas très assidu ici. En guise d'excuse – à supposer que j'aie quelque excuse à vous présenter – sachez que j'ai entrepris un travail assez complexe et assez long. Il occupe vraiment la plus grande part de mon temps. Je souhaite éditer un recueil de toutes mes chansons, paroles et musiques. Or, de nombreuses mélodies que j'avais créées jadis (à l'âge de dix-sept, dix-huit, dix-neuf ans...) n'avaient jamais été écrites. Il n'en reste que les paroles et, parfois, les accords. La mémoire est extraordinaire : elles reviennent, le plus souvent. Je dois cependant les réécrire, le plus fidèlement possible. Donc, gros travail à l'ordinateur pour transcrire toutes ces musiques dans un format idoine, et je dois donc tout recalibrer. Or, j'ai composé à ce jour quelques 167 chansons. Je n'en suis qu'à la 73ème. Mais ça avance.
Je vais néanmoins ce soir vous présenter deux poèmes : l'un pour introduire l'autre : en effet, quel poète contemporain serait assez fou pour se lancer dans l'écriture de formes anciennes, voire moyenâgeuses d'expression poétique ? Le premier poème vous expliquera pourquoi je m'y aventure néanmoins parfois...
Bon divertissement poétique !...
Épithalame à la liberté
Je me sens libre en mes écrits.
J’écris en vers souvent moroses,
en rimes vieilles, surannées,
en vers à pieds à l’eau de rose,
maints quatrains, depuis des années,
ou quelques sonnets, mais j’écris.
Allitérations, assonances,
épigrammes ou lais, élégies,
églogues ou pantoums amers,
et j’ai perdu mes égéries
et ne suis que le groom d’une mer
qui se libère en consonances…
S’il me prenait la fantaisie
d’écrire une ode, une épopée,
épitaphe ou chanson de geste,
ou litanie, ou mélopée,
ou fabliau, en anapestes,
cela sentirait le moisi ?…
Peu importe, en poésie,
que de sainteté mon odeur
n’ait jamais été ou ne soit.
Je me sens comme un maraudeur
d’octosyllabes, de vers à soi,
et ne bois pas la tanaisie[1]…
Je compose dans le silence
de ma compagne solitude
de noires orchidées vénéneuses,
des bouquets de mots, en préludes
à des cantates lumineuses
aux acanthes de mes cadences…
Derrière le mur est un jardin ;
si vous osez, poussez la porte :
c’est mon domaine d’herbes folles,
de vents odorants qui m’emportent,
de folles passions qui m’affolent,
de poèmes de baladin…
Et puis enfin, quelle importance
que mes pauvres vers soient lombrics,
petits poissons d’argent ou iules,
nés dans l’ombre de l’alambic,
ou qu’y poussent des majuscules ?…
Je rêve de mouettes en partance…
Il faut que dans ma poésie
mes cris déchirent mes silences…
ô, mes orchidées vénéneuses…
sur les plages de mes errances,
aux effluves si capiteuses…
je ne bois pas la tanaisie !…
Francis BELLIARD
Villegâts, 2006
[1] tanaisie : plante des bords des chemins, à vertu vermifuge…
Le lai d'Obéric
Voici l'histoire un peu magique
De Gibeline et d'Obéric.
Un beau matin, sous les futaies,
Les frondaisons d'une forêt,
Par les allées j'allais errant
Et ma chienne vagabondant.
Qui n'a jamais en solitaire
Foulé le sable et les bruyères
Au fond des bois, des sapinières,
Aux laies perdues dans les fougères,
Sous les chênes et sous les grands pins,
Suivi les traces des lapins,
Ne saurait ouïr mon histoire :
Nul n'est obligé de me croire.
C'est une forêt magnifique
Que la forêt de Chézéric.
Y croissent toutes les essences,
Il y règne un épais silence.
La chaude chaleur de l'été
Et du jour toute la clarté
Ont laissé place à la fraîcheur,
À la pénombre, et aux senteurs
D'humus, de mousse et de lichens,
De menthe, et sauge, et puis verveine.
Au pied des hêtres et des chênes
Est un tapis de glands et faînes,
Et puis tout un champ d'asphodèles,
Et puis à ce marais ces prêles.
Et près de la source ce frêne,
Et sous son feuillage l'haleine
D'une brise douce qui passe :
Sous son feuillage me délasse...
Ne m'étais-je point assoupi ?
Je m'étire et puis m'assouplis,
Puis reprends le sentier joli,
Cette sente bellement fleurie
Qui m'emmène dans le sous-bois.
Ma chienne en chasse au loin aboie...
Il fait plus sombre sous la chênaie
Les buissons se font plus épais.
Tous les chemins se ressemblent.
Me voici perdu, ce me semble.
J'ai tant et tant tourné en rond !
Moi qui ne suis pas trop poltron,
Je frémis soudain et me fige :
On froisse les feuilles et tiges !
On me renverse, on me bouscule,
Je suis à terre, je gesticule ! ...
Et c'est ma chienne qui me lèche !
Il fait nuit noire. Une chevêche
Pousse son cri. Et puis, plus rien.
Je m'endors auprès de mon chien.
Bientôt une douce musique
M'éveille et m'attire, magique.
C'est, au centre d'une clairière,
Comme un ballet d'un éphémère
Que la lune, à son plein, éclaire :
Une fée danse, si légère,
Que c'est à peine si elle effleure
La prairie, les joncs et les fleurs.
Sous la lumière de la lune
Elle danse, chantant l'infortune,
Dans une triste mélopée
Qui monte droit vers Cassiopée,
De tout un peuple disparu :
Les elfes en bonnet pointu.
Ses ailes scintillent et poudroient
Dedans la brume qui s'accroît.
Je me suis approché vers elle,
Sans faire de bruit plus que ses ailes
Qui vibrent, diaphanes, dans l'air.
Qu'elle est belle ! Qu'elle est légère !
Et svelte, et gracieuse comme aucune !
Et sa peau est couleur de lune !
Mais tout soudain elle me voit,
S'arrête et pousse un cri d'effroi,
Dans un froissement de ses ailes,
Dans un poudroiement d'étincelles,
Elle disparaît dans la brume
Qui par-dessus la prairie fume.
Me sens si seul que je frissonne.
Entends une cloche qui sonne.
Belle dryade, tu m'abandonnes !
Encore en moi ton chant résonne...
Ne suis qu'humaine créature
Mais je t'aime, je te le jure ! ...
C'est alors que j'entends sa voix.
Elle s'est posée tout contre moi,
Prenant ma main tout tendrement,
Me donne un long baiser d'amants.
« Bien impossible est notre idylle.
Tu dois t'en retourner en ville.
Car tu es un simple mortel,
Et ma vie quasi éternelle.
Je ne veux pas te faire souffrir.
Je ne veux pas te voir mourir.
À chaque lune tu reviendras
Dans la brume me retrouveras.
Pour nous le temps s'abolira.
Onc notre amour ne s'éteindra... »
Dans le froid du petit matin,
Il s'en retourne vers son jardin,
Par les halliers et les futaies,
Se demandant s'il a rêvé...
Mais moi je sais que sous le frêne,
Quand luit à plein l'astre sélène,
Dans la forêt de Chézéric,
Sont Gibeline et Obéric.
Francis BELLIARD
Villegâts - 2006
Dimanche 6 décembre 2020
La belle Hoëlig
Le bateau prit la mer et la mer était belle
Et la blonde Hoëlig reste à quai
Son amoureux s’en va par les flots, hisse et ho !
Les amants se séparent, faut quitter La Rochelle
Faut hisser la misaine et l’perroquet
Et vogue le trois-mâts sur les flots, hisse et ho !
L’vent pousse au cul
Vers l’inconnu
Le navire a fait route tout au nord vers l’Islande
Nous étions vingt marins à hâler
Les gars et les doris sont à l’eau, hisse et ho !
Nous étions vingt marins dans la brume d’Islande
Dans le brouillard glacé à pêcher
À pêcher la morue, l’cabillaud, hisse et ho !
Des sept ioles à la mer y’a un doris qui s’a perdu
L’est pas rentré à bord à la nuit
La cloche qu’a sonné sur les flots, hisse et ho !
L’a neigé. Nos copains n’en sont pas revenus
L’a bien fallu rentrer au pays
Avec la cale pleine mais sans les matelots
L’vent pousse au cul.
Vers l’inconnu
Du haut de la falaise elle attend dans le vent
Une voile au matin apparut
Elle vole à la grève, l’cœur battant, jusqu’au port
Quand le bateau accoste, l’est pas là son amant
Hoëlig en grand chagrin elle s’en fut
Verser sur le rivage tout’les larmes de son corps
Sa douleur est profonde tout au haut des falaises
Les mouettes y tournoient et les goélands
Elle s’a jeté dans l’vide tout du haut, hisse et ho !
A rejoint son amant dans les brumes islandaises
Le glas tinte lugubre à son enterrement
Une goélette glisse sur les flots, hisse et ho !
L’vent pousse au cul.
Vers l’inconnu
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 16 avril 2014
Jeudi 3 décembre 2020
Ami-e lectrice-lecteur
Voici des années que je me livre à toi dans les pages de ce site, à cœur ouvert. Tu as appris à me connaître, j’imagine, un peu ?...Je n’ai qu’une frustration : je ne te connais pas. J’ignore ton visage, la couleur de tes yeux, le fond de tes pensées…J’ignore ce que ressent ton âme en découvrant par lambeaux ces quelques fragments de la mienne. Je ne sais ce qui te vient à l’esprit, si tu pleures ou si tu souris…
Mais j’ai appris à me détacher de cela. C’est peut-être mieux, au fond. Toute comparaison écartée, Rimbaud connaît-il ses lecteurs-trices ?...Ou Verlaine ?...et tous les autres, dont l’histoire de notre anthologie poétique a retenu les noms ?...Peu importe, ami-e…je n’attends rien de toi…que ton assentiment silencieux…
Je devine que tu m’es fidèle, car le nombre des fréquentations de ce site, s’il varie considérablement selon le fil des évènements qui suscitent la curiosité de celles et ceux qui me découvrent, garde un socle stable, témoignant de ta fidélité, j’imagine. Et cela me suffit. Je me sens alors le devoir de continuer à te présenter de nouvelles pièces, car si tu reviens parfois me lire, c’est que tu n’y trouves point trop de déplaisir, n’est-ce pas ?...Alors je te remercie, ami-e, de ta présence silencieuse et invisible au bout du fil de mes poèmes à toi offerts ici au long des jours qui passent…et pardonne l’irrégularité de mes apparitions, qui suivent les caprices du vent de ma vie…
Mercredi 2 décembre 2020
Rendez-vous de manège
J’ai revêtu tantôt ma vêture de poète
Et je m’en suis allé par laies et sous la pluie
Vers des visages obscurs, rendez-vous de manège,
Et me voici couvert d’un noir manteau de suie
Et ma tête chenue est couleur de la neige
Et mes vers sonneront comme une triste fête
Dérisoire et futile tel un pierrot lunaire
Insignifiant dans l’ombre d’un fol Apollinaire…
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 20 octobre 2014
Mardi 24 novembre 2020
(26ème jour du second confinement)
-Paroles d'une de mes chansons-
La mariée était en blanc
La mariée était en blanc
Et c'était un jour de printemps
De boutons d'or parmi les champs
La mariée allait devant
Sous les nuages dans le grand vent
À son bras son père va pleurant
Et suit le cortège des gens…
La mariée était en blanc
Sous les grands peupliers chantant
Et trois musiciens ambulants
Mènent la noce tambour battant
Vers le clocher carillonnant
La mariée s'en va-t-en riant
À la mairie s'y mariant…
La mariée était en blanc
Par les chemins s'en retournant
Par les hameaux déambulant
La noce derrière suivant
Au son du violon les menant
Son homme à son bras souriant
Et ils s'embrassent en riant…
Et la nappe de tissu blanc
Sur les tréteaux de bois branlants
S'agite au gré du vent violent
Sous leurs beaux habits s'abritant
Les invités et les parents
Mangent et boivent et tout en criant
Se pourchassent en courant les enfants…
Dieu ! Que ce jour est du bon temps !
L'orage qui tonne en crevant
Et les éclats de rire au vent
La mariée toujours en blanc
Qui tient sa robe tout en valsant
Et les vieux salivent en bavant
Sur ceux qui titubent en buvant…
La mariée n'est plus en blanc
Personne ne fait plus semblant
Ce sont les enfants en jouant
Qui l'ont trouvé se balançant
Au bout de sa corde pendant
C'était un ancien prétendant
Ou peut-être bien son amant…
La mariée n'est plus en blanc
C'est un beau jour de frais printemps
Des renoncules plein les champs
Sous les peupliers frissonnant
Et son amant s'en va devant
Vers le clocher carillonnant
Sous un grand drap noir reposant…
Francis BELLIARD
(La Bourrache, le 29/05/2010)
Mardi 17 novembre 2020
Comme une pluie de plumes
Il neige sur mon cœur
Comme une pluie de plumes
Mon cœur est une enclume
Sous le marteau des heures
Et mon amour s’enrhume
Sous le grand vent d’hiver
Le sable de la mer
Frissonne sous l’écume
Oh ! Mes rêves de rives
Sauvages et lointaines !...
Ne suis qu’une quintaine
De poète en dérive
Boule de plumes à terre
On a lardé l’oiseau
De grands coups de ciseaux
Et d’aiguilles de fer
Qu’il neige sur mon cœur
De doux flocons de plumes
Pour alléger l’enclume
De mon âme qui pleure…
Francis BELLIARD
26/01/16
Dimanche 15 novembre 2020
Du cœur de ce jour sombre et pluvieux d'un hiver naissant, je vous offre ce bouquet de senteurs d'été, d'un été ancien ; laissez-vous porter par la beauté de ce poème à la puissance évocatrice irrésistible...
D'un vanneur de blé aux vents
À vous, troupe légère,
Qui d'aile passagère
Par le monde volez,
Et d'un sifflant murmure
L'ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,
J'offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses,
Tout fraîchement écloses,
Et ces œillets aussi.
De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Cependant que j'ahanne
À mon blé que je vanne
À la chaleur du jour.
Joachim DU BELLAY
1522 - 1560
Jeudi 12 novembre 2020
Bien sûr, le texte précédent était fort sombre, j'en conviens. Aussi je me sens obligé d'en contrebalancer l'atmosphère par celui-ci, tellement plus serein, ci-après.
Il est évident que notre passage sur Terre comporte alternativement des épreuves, parfois douloureuses, mais aussi des récompenses, des passages lumineux. Lumière et ténèbres ne se complètent-elles pas pour l'équilibre de ce monde ?...L'un, sans l'autre, n'est pas...
Un jardin
un jardin
un jardin de lumière
un jardin de senteurs
un jardin de parfums
un jardin avec une source
en son creux de mousse et de pierres
qui cascade et glougloute
et se perd sous les herbes vertes
un jardin
avec comme une brume bleue légère légère
autour des arbres qui dorment
car il fait tiède ici et frais aussi
autour des feuillages en repos
et des troncs très tranquilles
ce jardin tout empli du silence
des oiseaux qui s’appellent heureux
sans crainte qui volettent
sans crainte qui se posent
sans crainte sur mes épaules
ce jardin tout plein de cette chose
discrète et tendre et douce et absente
et présente à la fois,
que je respire, que je bois comme une sève
fraîche
je n’ai plus mal je n’ai pas mal
je n’ai jamais eu mal
ici
j’ai oublié les souffrances
infligées et reçues
les souffrances déchirantes
lancinantes
là
ce jardin où j’avance
seul
où pourtant je sens
oui je sens d’autres vies
qui pénètrent aussi
ici
la source est là si douce
la mousse si douce aussi
dans l’air des insectes
planent et coulent et passent
ce jardin après ce long tunnel
après cet étouffant tunnel
après cet obscur tunnel
où j’ai couru oppressé
des années…
des années immobiles
et soudain
ce merveilleux jardin
des biches paissent au loin
dans la paix de ce soir
qui n’en finit pas
je n’ai plus mes années
je n’ai plus de demain
plus d’hier
et j’avance tranquille
dans la rose rosée
vers
mon fils
qui me sourit de son sourire si doux
vers
mes filles
qui me sourient de leur sourire très doux
et la lumière vous nimbe
et nous allons
dans ce jardin aux senteurs de fougères et de champignons
de menthe et d’orange amère
et nous allons
heureux jusqu’à l’éternité
(Un peu plus tard, nous avons retrouvé Jacques et puis Pierre, et Paul, et puis Matthieu ; puis d’autres encore ; certains étaient très vieux, d’autres bien jeunes ; certains étaient ridés, mais les rides semblaient comme effacées de l’intérieur ; et le groupe que nous formions s’était grossi des êtres aimés ; et d’autres groupes paisibles, innombrables, silencieux et heureux, s’en allaient aussi dans ce jardin de lumière où toute haine avait été oubliée à jamais.)
Francis BELLIARD
02/10/82
Lundi 9 novembre 2020
Ballade de Mère Misère
Chaque jour de ma vie
fut à la croisée de vilains calvaires tristes et noirs
à vilaines et bien laides figures de potences
chaque nuit de ma vie
ces laquais pendouillant aux vents glacés des gibets
se rendaient à tant triste sabbat de si sinistres songes
où gesticulaient pantins décharnés aux caves yeux
chaque pas sous la lune sur mon échine brisée
fut comme une portée de moellons cabossés à mon dos bien hottés
je t’ai vu t’ennoyer dans l’eau limoneuse et boueuse de Sèvre
mainte fois, misérable carcasse,
la moutonneuse et sale écume,
mainte fois affleurant mes lèvres décolorées
tant et tant de fois rejeté au long des berges de désespoir,
périssable cadavre, ton cœur n’en pouvant mais
sous gantelet de fer de Mère la Misère tant de fois a saigné...
Murée vivante dans les silences d’impossibles partances,
sapience, ô ma sapience,
tu t’en enfuis, je te le dis
maudit je suis tout ensellé à si sinistre haridelle
méchante araigne, si vilaine damoiselle,
putrescente pucelle,
dès ce jour d’hui,
de toi je m’en délie.
Car, vois-tu, ma toute belle, ma mie,
ce ne peut être que Lui, le Seigneur,
qui en mon cœur a mis
Son épée de la Joie
apaisé ma douleur
et même, je le crois,
m’aura oint d’un petit grain de Sa Grâce
et de cela que jusques à mes derniers abois
que bien remercié il en soit.
Adieu, la garce !
Francis BELLIARD
Lundi 2 novembre 2020
[Jour 4 du second confinement]
J'ai composé plus de 150 chansons. Je me permets d'extraire de cette hotte les paroles de celle-ci afin de vous les offrir...
En bulles de savon
Où vont
Ces troupeaux de nuages
Sans âme et sans bagages,
Poursuivant leurs voyages ?
Où vont
Les troupeaux de mes rêves
En dérive et qui crèvent
Sur d'improbables grèves ?
Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons
Où sont
Mes naïves enfances
Et mon adolescence
Mes rêves en partance ?
Où sont
L'innocence enfantine
Mes amours clandestines
Aux parfums d'Indochine ?
Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons
Voici
Les gras labours d'automne
Les feuilles qui tourbillonnent
L'enfant s'encapuchonne
Voici
Qu'on allume les feux
Que finissent les jeux
Et que l'on devient vieux
Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons
J'entends
Là-haut dans les nuages
Passer les oies sauvages
Et les grues de passage
J'entends
La triste cantilène
Sur la lande et la plaine
Du vent qui se déchaîne
Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons
Ma reine,
Sous les branches d'un frêne
Couvre mes épaules frêles
D'un chaud manteau de laine
Ma reine,
Tout près de la fontaine
Un brin de marjolaine
Un rameau de verveine
Mes chagrins et mes peines
En bulles de savon
Que le vent les emmène
Aux lointains horizons
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 29/07/13
Lundi 19 octobre 2020
Vent d’ouest
Voici le vent venant du lointain océan,
Vent d’ouest humide courant sur la plaine assombrie,
Déversant ses averses sur les bois et les champs.
Aux horizons de plomb c’est un rideau de pluie.
Il enfle sa complainte aux cimes des ramures.
Du sous-bois me parvient l’agreste odeur d’humus
Et de mousse et de terre. Et dans ce clair-obscur
Les noirs flocons des feuilles tombent des cumulus.
Toutes choses se fondent : c’est la tombée du jour.
Les herbes et les arbres déchirent la pénombre
Qui gagne peu à peu, ennoyant les labours.
Au loin des feux clignotent qui s’accrochent aux ombres.
Ce vent d’ouest est glacial sur la plaine assombrie,
Et, sinistre, mugit en mordant les haubans
Du grand mât éolien érigé dans la nuit,
Comme d’un bâtiment sur les champs naviguant.
Francis BELLIARD
La Bourrache, 29/11/2015
Jeudi 15 octobre 2020
Voici le tout début d'une nouvelle que j'ai écrite il y a quatre ans, publiée dans le recueil de nouvelles éponyme, puisque celle-ci lui a donné son nom.
Derrière le silence des choses
La campagne creusoise est d’un très beau gris argenté ce matin. Chaque branche ou brindille de chaque arbre est recouverte d’une délicate carapace de givre. Ici tout n’est que bois et vallons. Les champs pentus sont poudrés de blanc.
La ferme de Montleu se tasse derrière un épaulement rocheux. De la fumée monte du tas de fumier où grattent les poules. Une vache meugle dans l’étable.
Un homme sort d’un bâtiment, poussant une brouette de betteraves.
En passant devant le logis, il hèle rudement : « Lorrain, fainéant, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ? », avant de reprendre le chemin de l’étable.
L’enfant n’a pas bougé. Derrière la vitre son visage au regard fixe semble fermé.
Un soupir dans son dos.
- Allons, Lorrain ! Traîne pas trop ! Le père va encore te battre…
Lorrain s’éloigne de la fenêtre. Il enfile sa veste. Chausse ses sabots.
Il pousse la porte, quittant la tiédeur relative de la cuisine où brûle, dans l’âtre, une souche de châtaignier.../...
Francis BELLIARD - 2016
Jeudi 8 octobre 2020
Voici les paroles d'une de mes chansons :
Ma fille
Il est neuf heures ce soir.
Sur le canapé tout confort,
En croquant des bonbons je dors.
La télé me berce à mi-noir.
La chatte grise ronronne.
La main dans son poil chaud,
Je m'emmitoufle, il est tôt
Pour éteindre, je me pelotonne.
La porte de la salle, soudain,
S'entr'ouvre. Les bruits se partagent.
Ses pieds nus sur le carrelage,
Ma fille me tend les mains.
Tiède, sa chair rose perdue,
Sous sa chemise de nuit,
Ce petit bout qui a grandi
A des larmes sous ses cils pendues.
Mon cœur se gonfle et je la serre
Sous la couverture, contre moi,
Sans rien dire de notre émoi,
Toi, ma fille, et moi, ton père.
Tu caresses ta châtaine-minette
Tout en laissant se fondre
Ce chagrin qui est né dans l'ombre
De ta chambre, dans ton lit, seulette.
Après bien du temps tu m'as dit,
Au silence d'un vieux moment :
"Où est-elle partie, maman ? "
Je ne sais plus comment j'ai réagi.
Ton petit corps s'est assoupi,
Brisé de fatigue, rassuré.
A côté de nous enlacés,
Minette, enfin, s'est rendormie.
Il est dix heures, ce soir.
Sur le canapé tout confort,
Tout contre ma fille je dors.
La télé nous berce à mi-noir.
Francis BELLIARD
Entre 1972 et 1974
Dimanche 27 septembre 2020
Paroles d'une de mes chansons :
Mon fils
tu prends ma tête dans tes bras
tes doigts s'enfouissent dans ma barbe
et tu m'embrasses sur la joue
et tu me serres très très fort
à m'étouffer
mon fils
tu me parles de tes copains
tu me parles de ta maîtresse
de ton école et de tes jeux
de ta mamie et de ta vie
là-bas là-bas
mon fils
tu emportes, à chaque fois,
quelque nounours quelque joujou
c'est un peu de ton univers
qui dort chaque soir avec toi
très loin de moi
mon fils
chez moi tu retrouves un à un
les objets endormis les jouets
les livres les peluches et ton lit
comme tu les avais laissés
la dernière fois
mon fils
quand il te faudra à nouveau
ranger ton vélo tes affaires
laisser tes bêtes tes chaussons
nous n'aurons pas bien eu le temps
de jouer ensemble
mon fils
tu traînes un peu c'est bien normal
mais pourtant sans trop rechigner
mon petit déjà résigné
dans l'auto tu reprends ta place
tout contre moi
mon fils
tu me dis des secrets tout bas :
que jamais tu ne me quitteras
que nous vivrons heureux longtemps
dans une très vieille maison
tous deux ensemble
mon fils
que peut-être je pourrai rester
dans la même ville que toi
et tu m'embrasses passionnément
étreintes n'en finissant pas
pour me garder
mon fils
pourtant il nous faut nous quitter
encore une fois encore une fois
et tu te jettes dans mes bras
et j'ai tes cheveux dans les yeux
et je m'en vais
mon fils
Francis BELLIARD, 14/02/85
Lundi 14 septembre 2020
Ne te moque pas d'autrui : ni de son physique, ni de ses idées, ni de sa foi : tu t'avilis en le raillant, tu restes digne en le respectant...
Dimanche 13 septembre 2020
Caresse
Caresse
ô mon amante
comme un nard
rare
de l’amphore versé
comme huile de benjoin
sur un corps renversée
comme brise d’un été ancien
aux rumeurs de la mer
au parfum iodé de dune
et d’huître
caresse
ô mon amante
comme la paix d’une prière
comme coule le sable entre les doigts
tes doigts la douceur infinie d’alizés
qui me portent et m’emportent
vers ces îles lointaines
où se penchent des palmes
qu’une brise balance
caresse
ô mon amante
caresse-moi encore
ta main est plus légère
que duvet de palombe
que le mufle des bêtes
qui mangent dans mes mains
que le souffle de l’âne
sur mon âme blessée
apaise ma douleur
ô mon amante
Sais-tu bien le pouvoir
de ta seule présence ?
…que du noir catafalque
où gis comme un noyé
tu fais le blanc vaisseau
au roulis de berceau ?...
caresse
ô mon amante
comme une aile une voile
en un nid
où l’orange et le bleu
et le vert et le roux
m’enivrent et me ravissent
cet ailleurs merveilleux
où je marche avec toi
sous cent sycomores centenaires
six cèdres du Liban
majestueux et sombres
sur des mousses très douces
où des sources murmurent
en ce pays d’amour
et je m’y sens serein
apaisé hors du temps…
inespéré miracle !
…et c’est toi,
ô mon amante merveilleuse !...
La Bourrache, le 30 mai 2015
Francis BELLIARD
Mercredi 26 août 2020
Angélus
Des hameaux mouillés
aux grilles rouillées
rameaux dépouillés
nuages salis
tachant le ciel gris
la pluie clapotis
chacun se blottit
au bourg assoupi
tout est assagi
les lampes s'allument
les cheminées fument
les vieux qui s'enrhument
je vais solitaire
marchant dans la terre
grasse et nourricière
l'averse clapote
les herbes les mottes
collent à mes bottes
aux branches noircies
où s'accroche un nid
les pies sont parties
deux corbeaux s'envolent
mon âne somnole
sous l'abri de tôle
dimanche pluvieux
les prés et les cieux
tout est silencieux
et ma chienne court
au bout des labours
c'est la fin du jour
triste paysage
nulle âme au village
saluant mon passage
vivre est éphémère
songeant à l'hiver
rentre solitaire
sous les cumulus
le soir sent l'humus
teinte l'angélus
Francis BELLIARD
La Bourrache, 21/11/2010
Dimanche 23 août 2020
Absence
J'étais là quelque part
tout entouré des gens qui passaient...
absent et présent à la fois
indifférent...
Et tes yeux m'obsédaient...
Pour passer le temps
le sablier d'un livre...
Mais tous les poèmes de Cadou
ne sont pas parvenus à
t'occulter,
mon amour
si doux
si chaud !...
tu ne m'as pas quitté...
Francis BELLIARD
Gémozac le 6 mars 2012
Je suis la bougie
Je suis la bougie
dans ta nuit
ce falot ce fanal
qui tremblote et qui luit
au bord du temps
qui t’attend
tout au bout du canal
je suis ce veilleur de lumière
celui qui tient ouverte
pour toi la porte
aujourd’hui comme hier
et qui maintient pour toi
la soupe au coin du feu
et la lumière au fond des yeux
je suis ton veilleux
ce phare
au bout d’un monde
au tréfonds des ténèbres
je suis la sentinelle oubliée
quelque part
ce reflet orangé dans l’ombre du couchant
sur le meuble de noyer ciré
la vigie cœur battant
qui guette tes passages
et l’ombre de tes pas
à ma porte poussée
je te garde toujours
au chaud de ma maison
le lumignon tremblant
quelques bûches dans l’âtre
et le feu de mes mains
la chaleur de mon cœur
la fièvre de mes lèvres
en sus de ma tendresse
ta place au creux de moi
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 30 novembre 2012
Samedi 15 août 2020
Pour faire bon poids bonne mesure je vous propose également les paroles de ma dernière chanson. Elle ne détonne pas avec ce qui est ci-dessous...
Ci-contre, vous avez une vue de Mars, c'est à dire de notre planète la Terre bientôt. Voici ce à quoi elle ressemblera dans fort peu de temps. Au fait, les humains proviennent peut-être de Mars, avant qu'ils ne la rendent stérile, comme nous le faisons en ce moment avec notre belle bulle bleue ?...l'histoire, alors, ne serait qu'un éternel recommencement...Non, je blague, rassurez-vous...Tout va bien, dormez, braves gens !...on veille sur vous...
La Terre meurt, frères !
La Terre meurt, frères ! La terre meurt, sœurs ! Réveille-toi, dis ! Secouez-vous, frères ! Secouez-vous, les gens ! Il est grand temps ! Il est grand temps !
Trop d’canicules, trop d’séch’resses, trop d’’incendies ! Nos forêts brûlent
et tout crève, les gens ! Il fait trop chaud et tout fout l’camp !
Les bagnoles, partout, on en crève tous !
Partout nos déchets, tout est souillé !
Debout, frères ! Debout, sœurs ! Debout, tous !
Plus d’lamas, plus d’ours blancs, tout crève…
Nos forêts, nos lacs bleus se meurent !
Y’a qu’des pierres dans vos cœurs !...(bis)
Y’a qu’des guerres, femmes ! Y’a qu’des guerres, hommes ! Tant d’misère, les gens ! Tant de sang coule !
Tant d’douleur aussi ! Tout est gris, là, tout est gravats !
Que de bombes tombent ! Que de haines flambent ! Tant d’injustices, de souffrance, fils !
Trop d’enfants crient ! Trop d’enfants sans vie ! Trop d’enfants en pleurs !
Y’a qu’le fric qui compte, dans ce monde pourri…
On se fout des autres, chacun n’pense qu’à lui…
Le nez dans l’sable, comm’des autruches, dormez…
N’voyez-vous pas tout c’qui vous pend au nez ?
C’est la fin d’un monde de grande corruption,
d’une insane folie, de toute l’humanité…
La Terre meurt, frères ! La terre meurt, sœurs ! Réveille-toi, dis ! Secouez-vous, frères ! Secouez-vous, les gens ! Il est grand temps ! Il est grand temps !
La Bourrache, le 9 août 2020
Ce texte ci-dessous illustre à merveille la célèbre phrase qui débute l'Ecclésiaste 1:2, dans la bible : "Vanitas vanitatum, omnia vanitas, sic transit gloria mundi" (vanité, tout n'est que vanité, ainsi passe la gloire de ce monde" ). La vanité s'entend dans les deux sens, et c'est cela qui est intéressant, je trouve : l'orgueil, mais aussi, l'inutilité, l'illusion de l'importance que l'on se donne au cours de sa vie. La plupart des grands de ce monde n'échappent pas à cette règle, mais pas seulement eux. Combien de civilisations conquérantes ont fini poussière !...Ce texte ci-dessous est d'une grande sagesse, à mes yeux, et reflète tout à fait ma perception de ce monde...Tout ne finit-il pas en ruines ?...
Je vous l'offre en écho de ma chanson Gaïa, inspirée librement du livre de Valérie Cabanès (réf; citées en fin de poème) et de quelques sentences de sagesse amérindienne (les références aussi sont indiquées)...Bonne méditation...
Samedi 15 août 2020
Urgence absolue
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
« Quand le dernier arbre aura été abattu
Quand la dernière rivière aura été empoisonnée
Quand le dernier poisson aura été pêché
Alors on saura que l’argent ne se mange pas »
Géronimo (Chef apache)
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Plus de 40% de la surface terrestre est couverte de bois et de forêts ;
Plus de 1,6 milliards de personnes dépendent de la forêt pour vivre.
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
L'océan Mondial, qui abrite la majorité des espèces vivantes sur Terre (50 à 80 % selon les estimations), génère plus de 60 % des services écosystémiques qui nous permettent de vivre, à commencer par la production de la majeure partie de l'oxygène que nous respirons.
L'océan Mondial régule à plus de 80 % le climat de la Terre. Il joue un rôle majeur dans la température terrestre.
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Le bleu de tes mers
Le bleu de tes lacs
Le bleu de ton ciel
Le vert de tes forêts
Le vert de tes prairies
Le vert de tes steppes
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Ces peuples nomades
Indiens d’Amérique
Pygmées ou tziganes
Peuple aborigène
Tsataans ou Khazaks
Paisibles bergers
Libres dans le vent
Tout est écrasé
Et tout disparaît
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
« On ne vend pas la terre sur laquelle on marche »
Crazy Horse(Chef Lakota)
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Si ce système se maintient, c’est qu’il s’est construit sur une croyance commune bien ancrée en chacun de nous : celle que le bonheur est lié au confort matériel. Les grandes entreprises qui alimentent le modèle économique auquel la grande majorité des États se réfèrent l’ont bien compris et construisent leur fortune sur ce rêve consumériste collectif, faisant fi de la finitude des ressources terrestres.
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
La sphère politique est guidée par deux objectifs : la logique électorale et la croissance nationale dans une véritable guerre économique entre pays.
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Homme blanc
Où sont tes poètes ?
Où sont tes aînés ?
Où est ta sagesse ?
Où est ton honneur ?
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Homme blanc
Tu as tout détruit
Les plantes et les arbres
Des insectes aux poissons
En passant par les oiseaux
« Les blancs se moquent de la terre, du daim ou de l’ours. Lorsque nous, Indiens, cherchons des racines, nous faisons des petits trous. Lorsque nous édifions un tipi, nous n’utilisons que le bois mort. L’homme blanc, lui, retourne le sol, abat les arbres, détruit tout. »
Femme sage de la nation Wintu
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Homme blanc
Tu as tout corrompu
Tout défiguré
Tout sali
Ce coin de paradis
Perdu dans l’espace
Tu nous l’empoisonnes
Tu nous l’asphyxies
Tu en as fait un enfer
Tu en fais un désert
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
« Quand le sang de tes veines retournera à la mer et que la terre de tes os retournera dans le sol, alors peut-être te rappelleras-tu que la terre ne t’appartient pas, mais que c’est toi qui appartiens à cette terre. »
Sagesse amérindienne
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Tous aveugles et sourds
Mais votez pour moi
Achetez encore
Enrichissez-moi
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Mais que sont les pauvres
Ceux qui meurent de faim
Ceux qui meurent de soif
Ceux que le déluge
Chasse de leurs îles
Mais pauvre imbécile
Mais moi je m’en fiche
Car moi je suis riche
Et moi je survis
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Mais les gyres deviennent progressivement de vastes continents flottants de plastiques, asphyxiant l’océan et contaminant toute la vie marine, et la nôtre, par voie de conséquence.
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
« Chaque pas qui est fait sur la terre devrait être comme une prière »
Black Elk (Chef spirituel, nation Oglala)
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Il n’y a plus d’amour
Il n’y a plus d’humain
Plus de lendemains
Que des robots qui courent
Et qui ne voient plus rien
Qui n’entendent rien
Et qui ne comprennent rien
Gaïa agonise
Gaïa devient grise
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 11/05/19
Citations de :
- Valérie Cabanès (« Un droit pour la terre », le Seuil éd.) : en italique
- Sagesse amérindienne (Agenda 2017, chez Joé éd.) : entre guillemets
Jeudi 13 août 2020
Voici un texte fort ancien, qui témoigne d'une époque particulièrement éprouvante que je dus affronter, terriblement douloureuse. Nul ne l'a jamais lu : c'est une chanson...comme si le malheur ou la désespérance pouvaient se chanter...C'est sans doute pour ça que je ne la chante jamais, mais elle existe. Pour vous, les quelques personnes qui semblez prendre plaisir à venir ici me lire...
C'est ma fête
Vous, Bernard et Stéphane et Jean-Louis,
Cécilia, Janine et puis Sylvie,
Je suis là encore aujourd'hui,
Gtâce à vous, mes amis.
Quand tout le poids de mes amours mortes
Et de mon passé trop lourd m'emporte,
Vos paroles me réconfortent
Quand je cogne à vos portes.
Je me trimballe avec ma valise,
Mon linge sale, mes pulls et mes chemises.
J'ai perdu de vue mes balises.
J'suis paumé. L'aube est grise.
Sur ce très long chemin de misère
Voici que j'ai perdu mes repères.
Mes enfants, mes amours, mes frères...
Que la coupe est amère!...
Me voilà tout au pied de la croix :
J'y ai posé mon sac, ô, mon Roi.
Tu n'as pas voulu de mon choix.
Je repars donc pour Toi.
Dans la nuit noire souffle la tempête
Et les lames ont très blanches leurs crêtes,
Et les larmes blanchissent ma tête.
Ami, bois, c'est ma fête...
Mercredi 05 août 2020
Aux chariots des jours
Aux chariots des jours qui roulent
Toutes les boussoles s’affolent
Toutes les forteresses croulent
Ils tuent les enfants des écoles
Aux chariots lourds des jours de fer
Le gris des gravats sous les bombes
Le roulement des chars de guerre
Les cris les crachats sur les tombes
Aux charrettes dans le silence
Flottent de noirs lambeaux d’étoffe
La vie a si peu d’importance
Sous le feu des Kalachnikov
Aux quatre vents des échafauds
Tout comme des épouvantails
Tout piquetés par les gerfauts
Cent cadavres, rouges poitrails
Aux bruits sinistres des convois
Ce sont des femmes que l’on viole
Ce sont des têtes que l’on voit
Roulant après qu’on les décolle
À la valse des corbillards
S’invitent la haine et la mort
En robe de suie et brouillard
Et blanc linceul au vent du nord
Aux déments charrois des vendanges
De ce vent de folie qui court
Ne viendra-t-il donc pas un ange
Sur cette Terre, portant l’Amour ?...
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 16 février 2015
Mardi 28 juillet 2020
Je n'ai pas d'image ce soir pour illustrer mon texte. Tant pis ! Il vous faudra vous en passer...je vous prie de m'en excuser...
L'hiver s'est annoncé ce soir
C'est un jour de novembre et qui n'en finit pas de vouloir être jour et qui s'en va mourir...
L'hiver s'est annoncé ce soir tellement soudainement...
C'est un jour de ciel bas aux lointains incertains
étouffé d'une étrange lumière fantomatique
qui se cache sous le couvert d'un ciel infiniment très gris
et qui n'est plus le jour et qui n'est pas la nuit
et c'est un peu l'Irlande
du nord...
horizons brumeux
de vagues landes perdues
des bois roux à l'agonie aux cimes engluées de brouillard décidément infiniment très gris
des champs verts humides et froids de blés et de colzas
de gras labours
terre à nu terre d'automne au corps encore creusé des rides des charrues
terre de frimas terre de deuil
terres perdues au tréfonds des campagnes
terres de gens durs à la peine et travaillant la terre
vieux hameaux de pierres vieilles en sommeil tassés au creux de vieux coteaux
et le vent du nord souffle aux bois de chênes frissonnant
odeur de cèpes, de feuilles mortes et de mousses
cette haleine glacée comme la mort me mord et me transperce
hiver arrive
où fut automne absent cette année déréglée ?
pas de bêtes aux prairies
quelque ombre lente au loin trouant le crépuscule d'un papillon orange :
paysan solitaire rentrant sur son tracteur comme un fantôme par des chemins de terre...
Ce soir est beau comme un tableau antique...
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 23 novembre 2011
Samedi 18 juillet 2020
Presbytère
Presbytère.
Soir d’été.
Senteurs de fraîcheur
et de cave.
Le chèvrefeuille embaume.
Sa fragrance s’invite par la porte
ouverte sur le carrelage
vieux
de la cure.
Bahut d’antan
cossonné[1] et ciré.
Les carreaux luisent
de la lumière du soir
qui meurt par la croisée.
Odeur de miel et de lavande.
La servante porte la soupière
comme une offrande.
Le vin sommeille en sa carafe.
Le pain bis entamé dort
sur la nappe à carreaux
près de l’assiette ébréchée.
Le chat lape à petits bruits de langue
son écuellée de lait.
Le balancier de cuivre
balance grain à grain
le riz du temps qui passe
clouant à petits coups secs
les heures dans le silence.
Chaque bruit se terre.
Le vieux prêtre chantonne
en faux-bourdon
une antienne perdue.
L’ombre envahit les recoins
du jardin
où volette en aveugle
une chauve-souris.
La stridulation ténue d’un grillon…
Voix lointaine d’un chien
du village…
Et cette paix qui monte de la terre
ou qui tombe des cieux peut-être ?…
paix du soir
dans l’ombre de l’église…
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 30 mai 2015
[1] Criblé de trous par la vrillette (loc.)
Lundi 13 juillet 2020
Maumusson
Comme tu sais, je dérive sur la barque du rêve.
J'avais glané pour toi des coquilles à la grève
Et je ramais tout seul avec mon cœur en feu.
Oui, je n'ai plus seize ans et ce n'est plus du jeu...
J'ai ramené pour toi ces quelques paysages.
N'est-on pas ridicule quand on a passé l'âge ?
N'empêche. Je marchais, tout seul, en te rêvant :
« As-tu vu ces oiseaux ?...Sens-tu pas trop le vent ?...
Entends ce grondement. Vois-tu, c'est Maumusson.
C'est dimanche. Il fait bon marcher en Oléron... »
Mais ta main n'est pas là...Trois tout petits galets
Roulent au fond de ma poche entre mes doigts mouillés...
Je te montre là-bas un vol d'oiseaux de mer...
Le vent est un peu froid, et c'est encore l'hiver...
Il est tant d'arbres morts et tout un bric-à-brac
Sur la grève, regarde, laissés par le ressac...»
De mes rêves ma barque a ses planches disjointes,
Et, pour la calfater, je n'ai plus que des pointes...
Je rapporte pour toi de la côte sauvage
Trois petits galets ronds et quelques coquillages...
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 3 mars 2012
Mardi 7 juillet 2020
Il te parle d'amour
Il te parle d’amour avec des mots très doux,
du vent et de la pluie, de roses et de vin doux,
de la mer et du sable, des oyats et des dunes,
il te parle d’étoiles et caresse la lune ;
il enfile les mots comme d’autres les perles
en guise de sautoir pour t’en faire un poème ;
il caresse ta peau pour te dire je t’aime ;
ce rêveur un peu fou met ton cœur à l’envers
quand ses mains te parcourent, et il t’écrit des vers ;
il est, dis-tu souvent, sûrement magicien
et ses baisers t’enivrent bien mieux que le vin ;
il fait couler sur toi de ses doigts des ruisseaux
de frissons comme d’autres de l’eau ;
il fait battre ton cœur en mille carillons
et enfler ton désir jusqu’à son explosion ;
et il parle aux oiseaux, aux ânes et aux bêtes,
aux nuages qui passent au-dessus de ta tête ;
il accroche ses mains aux ronces des chemins
et des baisers mutins de ton cou à tes reins ;
il te parle et tu aimes ses regards et sa bouche,
qu’il t’approche, et tu trembles aussitôt qu’il te touche ;
il vivait retiré comme un anachorète :
le voici fou de toi, et il est …
… Ton Poète …
Francis BELLIARD
La Bourrache, 31 juillet 2012
Vendredi 3 juillet 2020
Ces matins-là
Ces matins-là tu pousses la porte
De ma maison
Ton sourire balaye les noires cohortes
De ma déraison
Et je sors la théière
Et les tasses
Ou bien la cafetière
Tu m’embrasses
Les chocolats et le café brûlant
Sur la table de bois
Ton parfum m’enivre infiniment
Et s’emmêlent nos doigts
Je me souviens de nos longues étreintes
Dans la soupente
Ta pudeur mise à nu et tes plaintes
Soupirantes
Tu gémis doucement
T’abandonnes
Aux caresses d’amant
Que je te donne
Les chocolats et le café brûlant
Sur la table de bois
Ton parfum m’enivre infiniment
Et s’emmêlent nos doigts
Oh ! Ces doux moments qui suivent l’ardeur
Nous étions loin
De tout dans un monde plein de douceur
Nous étions bien
Je ferme mes paupières
Oh ! si lasses !
Tes caresses légères
Tu m’enlaces
Les chocolats et le café brûlant
Sur la table de bois
Ton parfum m’enivre infiniment
Et s’emmêlent nos doigts
Je me souviens de tes absences
Des longs silences
De mes attentes et de ces latences
De ma déshérence
Je gémis doucement
Au souvenir
De tes baisers brûlants
De ton sourire
Les chocolats et le café brûlant
Sur la table de bois
Ton parfum m’enivre infiniment
Et s’emmêlent nos doigts
Francis BELLIARD
La Bourrache, 8 novembre 2016
Mardi 30 juin 2020
Rose d’outremer
Rose d’outremer,
Rose, ma dernière
Ton beau jupon rose
De crépon déteint,
Tout froissé, tout chose,
S’est fripé tout plein
La pluie, la saison,
Ô fleur de passion,
Ont clos ta corolle
Ta rose vêture
Penchée vers le sol
N’est plus que fripure
L’été s’est enfui
Aux chariots des pluies
Passent les nuages
Aux vergers sans fruits
Des grues de passage
On entend les cris
Passe ainsi la rose,
Rouge passerose,
Rose des passions
Rose d’outremer
Aux vents des passions
Comme aux vents de mer,
Rouge rose trémière[1]
Francis BELLIARD
La Bourrache, 19/11/14 et 10/12/14
[1] La rose trémière, ou passerose : déformation de « rose d’outremer » ; passerose : rose de la passion
Dimanche 28 juin 2020
Poème écrit à l'intention de l'Atelier Poésie de Cognac sur le thème "DIre" :
Faut-il le taire, faut-il le dire ?
Faut-il pleurer faut-il en dire
Avant qu’après avoir vécu mourir !
Combien de tourments et d’enfers
Au lieu de dire ce qu’il faut taire !
Croiser le fer croiser les mots
Garder ses rêves et puis ses maux
Et les vérités s’interdire
Dans son silence se maudire…
Comme je ne suis pas bien fier
Quand un lourd secret m’oblitère
De m’obliger à ne rien dire
De me contraindre, me circonscrire
Ensevelir les calomnies
Les causes de mes insomnies
Et tout ce qui se dit dans mon dos
Ce qui est vrai ce qui est faux.
Avant que te dire mon amour
Ce que je t’aime au fil des jours
Aura-t-il fallu que j’en dise
Avant qu’enfin tu me comprennes
Qu’on s’effleure et puis qu’on se grise
Qu’on se prenne et qu’on se reprenne !...
Je resonge à nos confidences
Amoureuses dans le silence…
Dans l’ombre du confessionnal
Derrière une grille de bois
Dire ce que tu as fait de mal…
Tout ce que trahissent nos voix
Et tout ce que masquent nos rires
Ce qu’il me faut parfois écrire
Qui ne peut jaillir à mes lèvres
Et qui me broie et qui m’enfièvre…
On a beau faire on a beau dire
Il n’est pas facile de dire
Il est plus facile de taire
Mais, mon Dieu ! que c’est délétère…
Dans mes chansons dans mes poèmes
Je vous livre tout ce que j’aime
Toutes mes joies et mes souffrances
Mes espoirs ma désespérance
Dites-moi tout, cela soulage
N’en ferai point mauvais usage
Suis ce muet à qui l’on peut dire
Tout, comme au moment de mourir
S’il est des choses à masquer
Il en est d’autres à exprimer :
Tout ce que vous ne dites pas vous plombe
Ne l’emportez pas dans la tombe !...
La Bourrache, le 27 juin 2020
Francis BELLIARD
Dimanche 21 juin 2020
(Je vous offre ce soir un extrait d'une de mes nouvelles :"Les yeux noirs", qui a donné son nom au recueil paru en mai 2014)
« Comment allons-nous faire ?
- Pose-moi dans l’herbe, je vais ramper sous la perche du bas, tu m’aideras, et tu me reprendras de l’autre côté »
Il la pose délicatement dans l’herbe. Elle s’allonge, s’accroche aux touffes d’herbes rêches et tire de toutes ses forces. Elle a progressé un peu. Elle tire sur ses jambes, chiffons mous qui la suivent comme ils peuvent.
Le cœur du jeune homme se serre. Il la regarde faire en silence.
Parvenue de l’autre côté, elle se retourne, souriante.
« Eh bien, paresseux. Que fais-tu ? Je t’attends… »
Il franchit les perches fixées horizontalement aux poteaux qui barrent l’entrée du champ, saute auprès de la jeune fille.
Il se baisse vers elle. Elle s’accroche à nouveau à son cou.
« Emmène-moi, Cyprian ! »
Ses yeux noirs sont plongés dans les siens, si bleus. Le vent léger mêle leurs chevelures, la noire et la blonde.
D’une voix rauque et basse, elle répète, tout près de sa bouche :
« Emmène-moi, Cyprian… »
Ils sont restés longtemps ainsi, sans bouger, les yeux dans les yeux, sans plus rien dire.
Un oiseau a lancé son cri, très proche.
Il s’est relevé, emportant son précieux fardeau dans ses bras vers le grand frêne.
Il l’a installée le dos au tronc, très doucement. Puis il s’est assis à ses pieds.
« Viens plus près, Cyprian. »
Jamais il n’aurait cru qu’elle fût capable d’une telle douceur.
Il s’est assis à côté d’elle, lui a souri.
« Plus près », a-t-elle dit.
Alors, il s’est serré contre elle.
Ils sont restés là, longtemps, sans bouger, regardant la rivière, les poules d’eau, les hirondelles et les hérons, et la buse qui tournoie au-dessus d’eux."
Francis BELLIARD
(mai 2014)
Vendredi 19 juin 2020
La buse
Immobile oiseau minéral
du haut du piquet vertical
d’une cépée horizontale
obliquement fichée
sous ta cape brune figée
tes serres crochues accrochées…
- comme les roches
dures sont les mottes de terre,
la toile a du gel le cristal –
…mais ce n’est pas pour une épeire
que ton œil cruel
étincelle,
que le croc en crochet
de ton bec de rapace
sur l’azur
se détache…
- quel beau matin d’hiver !…
…c’était hier…-
superbe et fière,
tes yeux me fixent et me glacent,
immobile et sans ruse,
implacable buse…
Francis BELLIARD
21 mars 2007
Vendredi 19 juin 2020
Saintonge gelée
La Charente avait envahi ses berges.
Champs, marais et peupleraies étaient baignés d'immenses plaques couleur de l'étain et de l'acier, venant jusqu'au bord de la route, des deux côtés même, à l'occasion.
Là où cette plaque laissait émerger les troncs des peupliers ou les piquets des clôtures, tranchaient les collerettes blanches de la glace. À de certains endroits, ces immenses étendues mornes et figées, prises par elle, avaient un gris verdâtre et sombre sous les ramures enchevêtrées et dépouillées du troupeau bien ordonné des peupliers. À d'autres, dégagées de tout obstacle, elles n'étaient qu'un vaste miroir immobile au-dessus duquel le vol lointain d'un corbeau ou d'une aigrette animait passagèrement le paysage. À d'autres, encore, les roselières d'un gris jaunâtre et sale émergeaient de cette prison d'eau durcie par le gel en maints endroits, environnées de buissons morts.
Même ainsi figés par le froid, ces bords de Charente saintongeaise avaient une beauté sauvage et solitaire troublante…
Francis BELLIARD
11 mars 2011
Lundi 15 juin 2020
Mouroir
Mouroir
antichambre de la mort
corridor
du désespoir
chambres du bout du monde
ultime station dernier quai de gare
sans bagages et sans valises
veilleur de nuit tu fais ta ronde
au couloir des ombres grises
ombres d'un monde à part
Mouroir
plus morts que vifs nous errons
sans avenir
que demain
mourir
demain…après-demain…
quelques semaines
quelques nuits blanches
avec au cœur peut-être comme un reste de haine
mon dernier lit sans baldaquin
c'est quatre planches de sapin
mon temps n'est pas le vôtre
où les heures passent si lentes
de silence en silence
de vagues sommes en vagues songes
et les paroles des bons apôtres
assemblée de vieillards éponges
édentés déglingués cassés
tordus rapiécés
déformés défigurés enlaidis
avec encore un souffle de vie
nous voici ici rassemblés
laids
abandonnés
dans nos chariots dans nos bavoirs
en ce morne parloir
par la vitre le cyclamen
fané
et l'herbe folle des allées
les souvenirs de mes années
de ma lointaine enfance
de mes amours et de mes haines
de mes enfants mes joies mes peines…
Que tout en moi a goût de rance !
Oh ! la terrible solitude
quand on est loin de son foyer !
c'est le désespoir des noyés
constatant leur décrépitude
inutiles encombrants dérangeants
pas même des gens
nous voilà prisonniers dans nos murs
et ma voix déjà n'est plus qu'un murmure
ce n'est pas vivre que végéter
hébétés
chahutés
des nourrices sévères
des mégères
rarement dorlotés
les rictus des folles
et les cris des vieux hagards
déchirent mon intimité
les regards
lointains et troubles de la démence
m'affolent
aussi l'incoercible incohérence
des bavards
qui bavent sur leurs lèvres de papier buvard
Mouroir
salle des pas perdus
hôtel du terminus
je suis perdu
seul !
et mes mains distendues
couleur fleurs de tilleul
et froissées comme du papyrus
tremblent d'un incompressible tremblement
un froid glacial
glace mon corps
et mon cœur :
j'ai peur
de la mort !
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 26/03/2010
Jeudi 11 juin 2020
Longtemps après (chanson)
Longtemps après le cataclysme
Qui aura tout détruit sur terre
Quand seront passés les séismes
Dissoutes les vapeurs délétères
Longtemps après la destruction
Une fois calmées les colères
Apaisées toutes les passions
La paix venue sur cette sphère
La la la…
Les hommes alors seront heureux
Dans le grand jardin de la terre
Vivant de fruits, vivant de peu
Ayant tout oublié des guerres
La pluie douce et les arcs-en-ciel
Et les soleils, les brumes bleues
Les colombes dans des bruits d’ailes
Les matins calmes et lumineux
La la la…
N’y aura plus comme naguère
Envie, ni haine ni jalousie
Que le laboureur solitaire
Et les familles réunies
Une brise chargée de senteurs
Circulera dans les vergers
Sur les prairies semées de fleurs
Et les oiseaux dans l’air léger
La la la…
Ce sera belle renaissance
Que celle de cette humanité
Sans tumulte et dans le silence
Parmi les monts et les forêts
Et les sources et les fontaines
Au creux des bois, au creux des pierres
Couleront d’une eau pure et saine
Et les humains seront tous frères
La la la…
La vie sera belle sur cette terre
Francis BELLIARD
La Bourrache, 27 février 2019
Juin 2020
Si les draps se souviennent
Les draps gardent encore
dans l’écume des plis
la tiédeur de nos corps
et l’écho de tes cris ;
l’oreiller la senteur
de jasmin de ton cou,
le musc de nos sueurs ;
et moi le souvenir
du rouge de tes joues
quand je te fis gémir.
Si les draps se souviennent…
Ces vagues du désir
qui enflent et puis deviennent
ouragan du plaisir…
Pour nos sens en tempête
quand vibrent nos caresses
je n’ai plus d’épithètes.
Je sais que je t’emmène
aux rives de l’ivresse
où plus rien ne te freine.
Les draps gardent l’empreinte
de nos corps en délire,
de nos folles étreintes,
de nos éclats de rire,
des choses délicieuses
que je te fis subir.
Ma langue malicieuse,
indiscrète et coquine
aux rives du plaisir
t’emporte et te taquine.
Tu t’arques et tu murmures
des prières ardentes
pour qu’enfle et que perdure
cette extase insolente,
en mots fous de bonheur
et c’est l’apothéose…
Éperdus de douceur,
sombrons sous l’accalmie
qui apaise et repose
les amants endormis…
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 5 février 2014
Juin 2020
L'ibis
Sur l'étang de jade vert
le reflet des myosotis
sur ce miroir à l'envers
et celui des tamaris
les carpes royales glissent
aux tiges des papyrus
telles l'ombre d'Anubis
parmi les eucalyptus
- est-ce la demeure d'Horus
ou de l'incestueuse Isis ? –
son eau est laque d'ébène
dans la pénombre du soir
et peints sur cette obsidienne
des blancs nymphéas l'ivoire
les taches bleues des lotus
et la pâleur d'un ibis
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 21/05/09
Lundi 1er juin 2020
Essuie-larmes
Au travers des balais des essuie-larmes
de mon âme
il tombe à trombes
des nuages
la pluie des grains
de mon chagrin
faut-il que j’aie mal et j’en pleure
je suis la route du retour
mais Dieu ! que j’en ai le cœur lourd !...
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 3 février 2016
Jeudi 28 mai 2020
Tes mains
Tes mains : deux merveilleux papillons
qui, soyeuses,
telles des phalènes,
m'effleurent
et me butinent
s'accrochent aux déchirures
de ma nuit
et font battre mon sang
comme du plomb fondu
Tes mains sont deux bêtes vivantes
et douces et chaudes
deux magiciennes
deux ailes musiciennes
qui, de leurs effleurements,
légère respiration,
vont et viennent
sur les courants de mes frissons
Sous elles je sonne et je résonne et je vibre
comme la peau trop tendue d'un tambour noir
Et tout mon corps explose
en autant de cymbales !
Oh ! ...Tes mains ! ...
Tes mains si riches
de douceur et si
pleines
d'amour ...
Francis BELLIARD
Gémozac, le 6 mars 2012
Lundi 25 mai 2020
Je vous avais informé(e)s (voir plus bas) de ce projet de recueil d'Œuvres du Temps de Confinement, et avais fait appel à écriture. Eh bien le projet a bien avancé. Il arrive à son terme. Sauf aléas de dernière minute, cet ouvrage sortira dans une quinzaine de jours.
Il rassemble les œuvres de toutes celles et ceux qui ont décidé de prendre la plume lors de ce confinement, néophytes ou plus expérimenté(e)s, et de nous les adresser pour constituer cet opuscule. Aquarelles et autres œuvres graphiques l'illustrent. Pour en avoir une idée, je vous invite à vous rendre sur le site Facebook des Amis de la Bourrache.
Le recueil sera disponible au prix de 10 € (prix coûtant). Plus de 150 pages - chaque texte est illustré (illustration d'artistes ou photos) - quadrichromie.
<lesamisdelabourrache@orange.fr>
Lundi 25 mai 2020
Volubilis
Ce matin,
dans mon jardin,
c'est inouï :
ipomée, joliment,
pendant la nuit,
tu avais déplié secrètement
ton parapluie !
Volubilis
de mon jardin,
qui t'enroules savamment
le long des tiges de mon jasmin,
tu n'es point lys,
ni myosotis,
car ta corolle,
large coupole,
en une nuit
s'est épanouie ! …
Quel bleu ! … Si pur
que l'on croirait éclat d'azur ! …
De plus sombres voisines
- tes cousines -
ont des tons de violet,
de mauves et de parme…
De moi secrètement vous seriez-vous éprises ?…
Est-ce pour moi cette surprise,
pour qu'en ouvrant tôt mes volets,
je découvre soudain vos charmes ? …
Pendant que je dormais,
gentilles ipomées,
vous vous êtes hâtées, dans le secret nocturne,
de défroisser votre jupon,
sous la lumière de Saturne.
Alors que s'enfuira Orion,
quel méchant gnome passant par là
la nuit prochaine vous flétrira ? …
Quel bien triste destin
que si belle parure,
ô fleur d'azur,
ne dure
qu'un matin ! …
Francis BELLIARD
La Bourrache, 27/07/09
Samedi 23 mai 2020
J'ai voulu ce jour vous offrir ce poème, et ces roses de mon jardin...
Les roses
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir.
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
Marceline Desbordes-Valmore
(1786 – 1859)
Jeudi 21 mai 2020
Eh !...eh !..Eh bien, aujourd'hui, je vous offre le début d'un conte de mon cru, qui a paru dans mon recueil "Contes de la Bourrache"...
Shaonang et le tigre blanc
C'était il y a bien longtemps. En un temps si reculé que nul ne saurait dire aujourd'hui si Shaonang exista vraiment.
Shaonang naquit sur les rives d'une rivière qui descend des plus hautes montagnes du monde. Dans une cahute enfumée, d'une mère aveugle, qui nourrissait comme elle pouvait ses sept enfants, en faisant pousser de son mieux un peu de riz sur la maigre terre concédée par le Roi. Son père était mort peu de temps après sa naissance. Ses frères ne cessaient de se chamailler, et ne pensaient qu'à faire des bêtises. Seul Shaonang demeurait près de sa mère, l'aidant dans toutes ses tâches du mieux qu'il pouvait. Mais une chose le préoccupait au plus haut point : comment fallait-il s'y prendre pour rendre la vue à sa pauvre mère ?
Il partit donc pour la ville, un beau matin, en chantonnant.
« Je suis sur le chemin cherchant qui me dira
des mystères cachés qui aveuglent ma mère
l'obscure résolution, et qui la guérira,
lui retirant son ombre, lui rendra la lumière... »
Quand il fut arrivé dans la ville, malgré la grande surprise que lui causait tout ce remuement de bêtes et de gens, il retrouva vite sa détermination et demanda à un passant l'officine de l'apothicaire.
Après avoir patiemment attendu son tour, il exposa sa requête au vieil homme.
« Maître, s'il vous plaît, j'aimerais savoir comment je pourrais rendre la lumière à ma pauvre mère, qui ne peut aller qu'à tâtons. »
Après avoir longuement réfléchi en se caressant la barbiche, qu'il avait fort longue, le vieil homme lui dit :
« Mon garçon, il se pourrait que je puisse t'aider. Mais ici-bas, rien n'est donné pour rien...
Es-tu prêt à travailler pour moi, en échange de mon précieux savoir ? »
« Shaonang réfléchit un instant et répondit :
« Si tu m'enseignes tes secrets, alors je travaillerai pour toi. »
« Tu es malin, Shaonang. Entendu comme cela. Tu commences tout de suite. »
Jeudi 21 mai 2020
Aujourd'hui, j'ai envie de vous offrir les paroles de ma chanson "La maison derrière la dune" : voici :
La maison derrière la dune
Ce serait une maison basse
Aux volets bleus, derrière la dune
Creusant le dos elle se tasse
Et se ramasse sous la lune
Une treille vieille y courrait
Sur ses murs blanchis à la chaux
Des roses trémières colorées
Un jardinet y est enclos
Avec des haies de tamaris
Et des guirlandes de volubilis
L’allée bordée de tubéreuses
Mènerait au seuil usé de pierre
La porte est ouverte et, frileuse,
Tu entres dans la pièce claire
Tu t’assois sur le banc de bois
Au sol est un vieux carrelage
Sur ma main se posent tes doigts
Les meubles luisent polis par l’âge
Et les draps blancs sentent l’iris
Quand nos corps dévêtus s’y glissent
Les fenêtres sont entr’ouvertes
Le vent agite les rideaux
Ma main glisse à tes cuisses offertes
Tes doigts qui courent sur mon dos
Senteurs de pins et d’immortelles
Ma bouche te couvre de baisers
Tu t’abandonnes et tu es belle
Et tu frissonnes au soir d’été
Les vagues brisent sur la grève
Aux vents de mer volent mes rêves
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 22 mai 2014
Samedi 16 mai 2020
Vous pouvez accéder à d'autres poèmes en cliquant sur "Mes œuvres" puis, à gauche, sur "Ma poésie"
Il semble que vous soyez quelques-unes et quelques-uns à apprécier un peu ma poésie, ami(e)s.
Je juge donc opportun de continuer à vous l'offrir : puissiez-vous y trouver quelque agrément...
Vendredi 15 mai 2020
Le sémaphore
il peut venter il peut pleuvoir
aux carreaux de mon corridor
je suis tel ce vieux sémaphore
planté au bout du promontoire
ses feux comme des photophores
face aux tempêtes dans le soir
comme le phare au bout du port
quand la mer montre ses dents noires
que ses lames hurlent à la mort
préfigurant le purgatoire
j'entends venter j'entends pleuvoir
aux carreaux de mon corridor
Francis BELLIARD, la Bourrache, 30/04/13
Jeudi 14 mai 2020
Certains d'entre vous m'ont déjà entendu leur dire ce poème ; pour eux, l'effet de surprise est un peu gâché, qu'ils men excusent...
Tigre d'orient
Feulement
dans la nuit
d’encre de Chine…
Sur l’étang,
nappe d’argent luisant
décline
ronde et blanche
la lune
au bout d’une
branche
telle
prunelle
divine…
Tel une ombre,
le tigre glisse
sombre
entre les tiges des bambous…
Sous les sourds roulements de tambour
qui courent par la jungle hindoue
des couples s’adonnent à l’amour
nus sur des nattes de papier froissé
dans la moiteur des corps enlacés…
Entre les jonc endormis glissent
fantôme étrange
ma pelisse
orange
zébrée de noires rayures
les sabres laiteux de mes crocs durs
et la fente
de mes yeux jaunes dans le soir…
Attente …
À la diète
depuis de si longs jours
je guette
sur mes pattes de velours
cette
petite chèvre bêlante
qui me tente
et que je croquerais bien,
nom d’un chien !
Dans la chaude nuit d’orient
senteurs de miel et d’origan
j’imagine
son sang coulant
sur mes babines…
Hélas !
Je le sais
quoi que je fasse
jamais le fauve que je suis
n’aura sa robe de sang tachée !
jamais n’assouvirai mon appétit
féroce !...
Pourtant véloce
et sans pitié
je resterai bloqué sur la laque de ce bureau
bien calé sur mes doigts de pieds
né des dix doigts de mon bourreau
à bayer nuit et jour aux corneilles
avant que, pauvre tigre de papier,
ne sois jeté à la corbeille…
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 23 juin 2013
Dimanche 10 mai 2020
Le passant
Je ne suis qu'un passant,
moins qu'une ombre déjà
un quidam un errant
une image sépia
personnage incertain
promeneur inconnu
aux allées de fusains
où les statues sont nues
je ne suis qu'un passant
émergé de la brume
qui se tourne en rêvant
au son clair des enclumes
mon pas n'est dans la rue
à côté de ma chienne
qu'un écho disparu
d'une chanson ancienne
je ne suis qu'un passant
un cœur d'enfant qui pleure
fantôme ou revenant
la vie n'est donc qu'un leurre ?
je quitterai ce monde
comme j'y suis venu
suis entré dans la ronde
et n'y suis déjà plus
je ne suis rien de plus
qu'un passant anonyme
qui a pris l'autobus
et fait sa pantomime
j'étais là sans raison
me nourrissant de rêves
au travers des saisons
que la vie semble brève !
dans l'épopée humaine
n'ai point trouvé ma place
sans rancœur et sans haine
ne laisse aucune trace
déjà évanescence
se dilue mon image
de si peu d'importance
qu'est-ce donc qu'être sage ?
que de joies et souffrances !
que d'amitiés déçues
et d'amours dans la danse !
et se sentir perdu !
qu'est-ce donc que vivre
si ce n'est que d'attendre
s'agiter pour survivre
et puis finir en cendres ?
ne suis qu'une ombre grise
une illusion passée
un passant une brise
à peine une pensée...
Francis BELLIARD
La Bourrache, 14 juillet 2010
Vendredi 8 mai 2020
Dans l'ombre la lampe brûle (chanson)
Dans l’ombre la lampe brûle
C’est ici ta maison
Chaque objet te le rappelle
Et le chien t’appelle
Les ombres du crépuscule
Assombrissent nos fronts
Sous la lampe tournent les phalènes
Et les heures s’égrènent
Les aiguilles de la pendule
Tournent et tournent en rond
Voici l’heure de tes départs
Et l’on se sépare
Cet amour qui nous brûle
Jusqu’à la déraison
Et toujours cette alternance
D’étreintes, de silences
Dans l’ombre la lampe brûle
C’est ici ta maison
Chaque objet te le rappelle
Et moi je t’appelle
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 03/07/2014
Mercredi 6 mai 2020
La photo jaunie
La brise est douce haleine
au-dessus du berceau
le voile bouge à peine...
le chant pur d'un oiseau...
sous l'ombre qui balance
et danse sur le tulle
émane du silence
un petit bruit de bulles
un tendre gazouillis
fragile voix qui jase
elle s'élève du nid
au travers de la gaze
le chat fait sa toilette
aux pieds de la nacelle
un papillon volette
au souffle de ses ailes
il y a si longtemps !
Les beaux jours sont enfuis...
ne reste de ce temps
qu'une photo jaunie...
Francis BELLIARD
1er mai 2012
Mercredi 6 mai 2020
Je suis ce bois rongé déposé sur la grève
Je suis ce bois rongé déposé sur la grève
Par l'écume des vagues au milieu des méduses
Je reste cette épave abandonnée des rêves
Là-bas au pied des dunes et des flots gris céruse
J'ai le bruit du ressac de tous mes souvenirs
Aussi les cris des mouettes et ceux des goélands
Qui tournent dans mon crâne m'empêchant de dormir
Je suis ce naufragé rejeté sur l'estran
Cette côte est sauvage et sa plage est déserte
Nulle âme sur ces sables et c'est toujours l'hiver
Les vents soufflent en tempête et les vagues sont vertes
Au chevet des calvaires les veuves en prières
Je refais le chemin de tous ces promontoires
D'où je devais partir pour de si beaux voyages
Je porte sur le cou mes rêves en sautoir
Comme des barbelés me griffant au visage
Et les embruns ruissellent comme gouttes de sang
Sur mes joues de papier. Je ne suis qu'un pantin
Sur un récif posé comme un noir cormoran
Tous les fils sont coupés je n'ai plus de destin
En vérité je crois qu'en ma vie tout fut vain
Mes amours mes amis et tout ce que je fis
De tout ce grand fatras pas même quelque levain
Tout est si dérisoire les songes et les envies
Souvent dans mes nuits troubles volent les cauchemars
Ces oiseaux de malheur venus je ne sais d'où
Qui m'assaillent d'angoisse et me laissent hagard
Et je m'éveille en sueur tel une proie vaudoue
C'était donc ça la vie ! Voyage sans escale
Passager clandestin d'un sinistre cargo
Que j'avais cru voilier dans les mers tropicales
Me voici en cale sèche victime d'un embargo
Je suis ce bois rongé déposé sur la plage
A moitié ensablé sous les oyats des dunes
Mais j'ai toujours aimé la course des nuages
Et, le nez aux étoiles, le manège des lunes
Et quand je vous revois, mes enfants, mes oiseaux,
Allez savoir pourquoi, j'ai les yeux qui me brûlent
Et le cœur qui déraille comme piqué de ciseaux
Vous partis le silence retombe…
…et c'est le crépuscule
Francis BELLIARD
Le 25/08/09
Dimanche 3 mai 2020
Portrait à la cire
Personne ne saura jamais
Ce qui se passe dans ses pensées
De son enfance, de son passé
Des femmes qu’il a eu aimées
Rien ne paraît des mille songes
Ni de tous ses rêves fantasques
De toutes ses anciennes frasques
Pas plus de l’ennui qui le ronge
Rien ne le trahit sous le masque
On ne sait rien de ses voyages
De ses périples dans les nuages
De ce qui dort en cette vasque,
Le bocal clos de son cerveau.
On ne sait rien de ses tempêtes
Non plus de tout ce qui l’entête
Il garde tout dans ce caveau
Pensées insanes ou désirs flous
Ses désespoirs et ses bonheurs
Ses délires noirs et ses candeurs
Celle qu’il aime comme un fou
Ses yeux ni son front ne diront
Quels sont les secrets qui l’obsèdent
Les peines et tracas qui l’excèdent
Les espoirs qui le nourriront
Derrière le visage de cire
Sous les mains disposées en conque
Il est impossible à quiconque
D’expliciter ce long soupir,
Ce qui l’occupe ou le dérange.
Est-il un fou ?...Est-il un sage ?...
N’est-il qu’un oiseau de passage ?...
Serait-il diable ?...Serait-il ange ?...
Cet homme a connu tant d’orages
D’hivers et de saisons anciennes
Tant de joies, d’amours et de peines
Que les rides ont creusé son visage
Tout ce qu’il sait !...Sa tête est pleine
Des milles choses de sa vie
Au fond de sa mémoire enfouies
Et son sang fait battre ses veines
Il partira sans que l’on sache
Vraiment ce qu’il sut, ce qu’il fut
Emportant ses mystères, en sus,
Son doux sourire sous ses moustaches…
Francis BELLIARD
La Bourrache, 28 août 2019
Jeudi 30 avril 2020
J'ai des souvenirs de perdrix
J'ai des souvenirs de perdrix
de lièvres au pelage gris
de grands chênes au feuillage qui bruit
dans les cours de fermes des cris
et l'odeur des bonheurs enfuis
L'étable est vide de ses bêtes
des remugles chauds qui m'entêtent
des vaches et des veaux qui tètent
du bruit du lait dans les seaux
du foin tiré dans les crèches et de l'eau
des chats lapant le lait tiède à la traite
des hirondelles sous les poutres
qui me frôlaient de leurs ailes
dans leur tournoyant carrousel
pour emplir les petites outres
qui dans les nids crient à tue- tête
La cour est vide du fumier
du va et vient de ses charrettes
du chant du coq et des poussins
de ceux des poules et des ramiers
du grincement de la girouette
des hommes près du chai à vin
des chevaux que l'on menait boire
le soir aux pierres des abreuvoirs…
Mais qui songeait à l'avenir ?…
Ce temps fut celui de l'enfance
Ne reste que le souvenir
d'une tranche de vie enfuie
le temps béni de l'insouciance
avant les longs jours de suie…
Et le passé s'est assoupi
sagement sur ce qu'il en reste :
quelques pierres et quelques tuiles
et puis les traces de nos gestes
ô combien vains et inutiles…
les ronces et le lierre qui courent
recouvrent les cailloux de la cour….
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 07/08/2009
Mercredi 29 avril
Hommage à l'arbre...
Le peuplier
Moi, peuplier de la rivière,
suis comme un pinceau à l’envers
dans la tourbe de la prairie.
Où j’ai vu le jour j’ai grandi.
Ne serai jamais voyageur :
ici resterai à demeure.
Allongé sous mon ombre sage,
entends le chant de mon feuillage
que le vent caresse au passage
dans les clairs matins de printemps
ou la brise du soir mourant.
Quand la colère de l’orage
courbe violemment mon branchage,
la pluie dépose son bagage :
respire l’odeur que je dégage.
Ma vêture est d’un vert éclatant
au-dessus des champs du printemps.
Mais c’est le jaune que j’arbore
quand l’automne me drape d’or.
Je m’endors alors et je penche…
L’hiver, il n’est plus que mes branches,
noires et nues, comme baguettes.
La bise secoue mon squelette
érigé au gris des nuages :
j’effraie les oiseaux de passage.
Ma grise écorce se craquelle ;
le lichen a poussé sur elle.
Je ne compte plus mes années,
je me sais bientôt condamné.
Si je vous disais les tempêtes
qui m’ont brisé branches et tête…
Quatre générations de saules
ont vécu contre mon épaule.
Je me sens las et oublié,
solitaire, et vieux peuplier.
La foudre et les hommes venus
depuis longtemps ont abattu
mes amis et mes compagnons.
Il n’est plus que les champignons
sur leurs souches et leurs moignons.
Une ânesse et puis son ânon
méditent le front sur mon tronc.
Des amants y gravèrent leurs noms.
Le gui qui de moi se nourrit
encore un peu plus m’affaiblit.
Voici que ma sève se freine,
que pour aller aux bouts elle peine.
Hiver ! Ta morsure est cruelle !
Ce linceul glacé, c’est le gel.
Et, grand peuplier solitaire,
ton âme, l’emporte ta rivière…
Francis BELLIARD
La Bourrache, 16/10/13
Dimanche 26 avril 2020
Élégie
Que le vent seul effleure ma sépulture.
Que croisse en liberté l’avoine folle
alentour des pierres que veux vieilles et dures ;
si la bourrache, azur en sa corolle…
Qu’un if oblique et sombre les ombrage
l’été ; que la brise douce y murmure ;
qu’y gronde aussi des vents d’hiver la rage.
Que pluie et neige lustrent sa ramure.
Que le compagnon blanc, coquelicot
timide et rouge, un brin de marjolaine,
quelques orties, fleurissent ce tombeau :
qu’y dorme en paix mon âme souterraine.
Qu’on édifie tout près un banc de pierre
pour les ami(e)s qui viendraient d’aventure,
par les allées en herbe du cimetière,
me faire gentiment un brin de lecture.
Laissez, je vous en prie, tous les oiseaux
du ciel s’ébattre sur ma tombe :
chardonneret, mésange, sombre corbeau,
belle hirondelle, et aussi la palombe…
Du soleil et des nuages la course lasse
et puis l’ombre des branches qui balancent…
les cris et les rires des enfants qui passent…
mon âme enfin s’empreint de l’infini silence…
Francis BELLIARD
La Bourrache le 15/02/2014
Samedi 25 avril 2020
Ce serait un peu comme un tableau...
C’est l’heure rougeoyante
Oh ! Ces ors flamboyants
À nos vitres flamandes
Que le soleil couchant
Plaque comme une offrande !
C’est l’heure rougeoyante
Où les noirs oiseaux fuient
Dans un ciel amarante
Vers leurs gîtes de nuit ;
Où l’océan s’apaise,
Où les astres basculent,
Où les bêtes se taisent.
Voici le crépuscule.
Les fenêtres s’allument
Aux voiles de la nuit,
Dans l’ombre et dans la brume.
L’étoile soudain luit.
Et l’incendie s’éteint
Aux fenêtres flamandes,
Noyé dans les lointains ;
L’ombre envahit la lande…
La Bourrache, le 23 janvier 2014
Francis BELLIARD
Vendredi 24 avril 2020
Railleur
Ainsi tu n’as été, sans paraître gouailleur,
Poète, ni soldat, ni artisan tailleur,
Encore moins écrivain, ou paysan d’ailleurs.
Tu ne fus, je le sais, qu’un mauvais gribouilleur,
Va-nu-pieds du stylo, piètre poétailleur,
Et, soyons bon seigneur, très mauvais rimailleur,
Pas même, je le confesse, passable écrivailleur.
Eusses-tu pu, seulement, être bon ferrailleur,
Pour nous pondre à grand peine quelque limaille de vers,
Quelque œuvre de vers forgés, quelques rimes à l’envers,
Tel un vieil orpailleur quelques rimailles de fer ?
N’as-tu été sur terre qu’un vrai faux-monnayeur ?
Je t’eusse mieux vu, en fait, en simple travailleur
Du verre, du bois, des pierres, peut-être rempailleur.
Tordre les mots n’est pas ton fort, pauvre essayeur.
Des feuilles mortes de tes rimes, petit railleur,
Fais un ballot, et sois au moins bon balayeur.
Et pour clore le chapitre de tes alexandrins,
Je te baille, heureux pitre - car ton labeur est vain -
Le titre de raseur, celui d’empoisonneur,
Et te prie maintenant de te faire pendre ailleurs.
Francis BELLIARD, décembre 2002
Jeudi 23 avril 2020
Bien peu de chose en vérité que ma modeste offrande de ce soir, mais je l'offre de tout cœur à votre méditation...
Mardi 21 avril 2020
Ce soir, pour changer un peu, ce sont les paroles d'une de mes chansons que je vous offre...
C’n’est qu’un enfant
Est-ce un bateau cette bulle de lumière ?
C’n’est qu’un berceau sous la gaze légère
Un battement de paupières
C’n’est qu’un enfant à l’aube de la vie
Fragile esquif au destin indécis
Un petit d’homme qui sourit
C’n’est qu’un enfant qui grandit
Contre sa mère blotti
Choyez-le, ce petit
Ne lui donnez jamais de fusil
C’n’est qu’un enfant dans les bras de sa mère
Un enfant mort de faim et de misère
Ne verra plus la lumière
C’n’est qu’une enfant abîmée par la guerre
Que les soldats ont traînée en enfer
Son corps gît dans la poussière
Tous ces enfants en souffrance
De par le monde ou en France
Oh ! Mon Dieu ! Faites silence !...
Faites que cesse la violence !
Est-ce un vaisseau cette bulle de lumière ?
C’n’est qu’un berceau perdu dans l’univers
Portant la vie en bannière
Fragile esquif au destin indécis
Une humanité à l’aube de sa vie
Une graine qui se détruit…
Une graine qui se détruit…
Francis BELLIARD
La Bourrache, 15/07/19
Lundi 20 avril 2020
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre
Frères humains qui après moi vivrez
N’ayez contre moi le cœur endurci
Gardez par devers vous votre pitié
Voyez ! Ne suis plus de ce monde-ci
N’ai plus de mal encore moins de soucis
Ce sont vers que ma chair pourrie nourrit
Plus rien en moi ne reste endolori
Ne crains plus vent ni la pluie ni la foudre
Peu me chaut que dès lors de moi l’on rie
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre
Si d’aventure sous cette yeuse passez
Et sur ma pierre vous vous êtes assis
Ayez pour ce défunt douce pensée
Avant que d’être une ombre qui rôde ici
Passant entends l’histoire que voici :
Je fus enfant puis homme pauvre mari
Fétu de paille que le grand vent charrie
Joies et peines appris aussi les ris
Et l’ouvrage des jours tisser et coudre
Si malgré moi mal fis en suis marri
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre
Pluies et vents ont ce tombeau délavé
L’herbe folle et les mousses l’ont tout verdi
Sous terre n’est guère tourments à braver
Jamais ne pleure ni ne souris pardi
Que m’importent quolibets et moqueries
Pour mes erreurs me pardonner vous prie
De là-haut n’entendrez plus mes cris
Mon âme à son moulin qu’a-t-elle à moudre ?
Demeurera-t-elle à jamais meurtrie ?
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre
Christ Jésus qui sur la croix a péri
Pour mes fautes et celles de la confrérie
Là-bas faudra-t-il encore en découdre ?
Hommes ! Soyez point contre moi aigris
Mais priez tous que Dieu me veuille absoudre
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 20 avril 2020
(Vous aurez aisément reconnu dans cette pâle imitation, la très célèbre Ballade des pendus, de François Villon - Vous trouverez une autre ballade "à la manière de..." , toujours de Villon, ci-dessous)
Samedi 18 avril 2020
Au bout de quelle éternité ?
Ce qu’on vivait était étrange
C’était un temps bien singulier
Angoisse et colère en mélange
On était comme anesthésiés
Aucun de nous n’avait connu
À telle échelle autant d’angoisse
La maladie avait couru
À travers toutes les paroisses
Nul n’y croyait au tout début
On en riait on s’en moquait
Et puis très vite elle est venue
Comme la peste a débarqué
Au vu de sa croissance folle
De tant de pauvres gens fauchés
Voici alors que tous s’affolent
Comme sous flèches des archers
C’est alors qu’il fut décidé
Afin d’éviter tout contact
Que tous ne soient pas décimés
Et pour limiter son impact
Que l’on resterait sous son toit
Claquemuré dedans ses murs
Sans plus sortir chacun chez soi
Jusqu’à la fin de l’aventure
Les rues des villes et villages
Balayées par un vent morose
Toutes les autos aux garages
Et toutes les boutiques closes
Régnait une atmosphère étrange
Où tout restait silencieux
Tout près le chant d’une mésange
Et puis ce printemps radieux
Toutes ces fleurs qui embaument
Les tracteurs tournaient dans les champs
Et dans nos hôpitaux mouraient
Par milliers tant de braves gens
Dans les cours vides de nos écoles
Ne fusaient plus les cris les rires
Des enfants et leurs courses folles
On avait très peur de mourir
Et moi je marchais solitaire
Par des laies des sentes de loups
Par de secrets chemins de terre
Et me tenais encore debout
Enivré de mille senteurs !
Et tant de verdure aux feuillages !
Et tant et tant de gens qui meurent !
À quand la fin de mon voyage ?
Tous les braves gens se terraient
Comme rats au fond de leurs trous
Il fallait vivre confinés
Beaucoup en devenaient fous
C’était alors grande misère
Qui dévastait tous les royaumes
C’était un peu comme les guerres
Où il se tue tellement d’hommes
Si notre belle humanité
Soudain venait à disparaître
Au bout de quelle éternité
Arriverait-elle à renaître ?
La Bourrache, le 18 avril 2020
Francis BELLIARD
"Quand je vous disais qu'il ne raconte que des âneries, mon maître !..."
Samedi 18 avril 2020
L'âne chargé de punch et l'âne chargé de faisselles
Un marchand menait au licol
Deux ânes sur la route d'un col.
Celui de faisselles chargé
Fonçait devant comme un coursier,
Sans souci de son compagnon.
Et l'autre, malheureux grison,
Peinait sous le poids des bouteilles
Chassant les mouches de ses oreilles.
« Attends-moi !...
Aide-moi !... »
Criait-il tout au long du chemin
À l'autre déjà loin.
« Que nenni !
Mon ami !... »
Trottant comme s'il avait des ailes,
Celui qui portait les faisselles
Et qui faisait son fier,
Sa charge étant légère,
Caracolait devant
Sur les pas du marchand.
Il fallut tout soudain gravir les raidillons :
Essoufflé, celui-ci grimpe sur Aliboron
Et le fouette tant et tant
Qu'il s'arrête, haletant.
Cependant, loin derrière,
Flairant la bonne affaire,
Trois voleurs par l'odeur alléchés
Ont vidé les bouteilles sans tarder.
Plus léger, notre Cadichon
Part au trot vers ses compagnons,
A tôt fait de les rattraper,
S'arrête un instant à côté.
«Ami, aide-moi, s'il te plaît !... »
Clame l'autre croulant sous le faix.
« Que nenni !
Mon ami !...
N'est-ce pas ce que tu m'as dit ?
Pour moi je me suis affranchi.
Et puis, ne sois pas si grognon :
N'as-tu pas un bon compagnon ?...
Pardi si !... »
Ayant dit,
Il leur fait une belle pétarade
Puis s'enfuit vers sa vie nomade...
Francis BELLIARD
La Bourrache 29 décembre 2012
Jeudi 16 avril 2020
Ballade aux princes de ce monde
(En pensant très fort à Villon, dans sa « Ballade en vieil langage françois »)
Vous, de ce monde, petits ou grands,
De lin vêtus ou de nippaille,
Tout de cravates et de cols blancs,
Ou en vêtements de travail,
Que vous fassiez ou non ripaille,
Agités tels moulins à vent
Ou hirondelles au blanc poitrail,
« Autant en emporte ly vens ».
Or, que vous fûtes président
Ou que vous fûtes une racaille,
Et que vous fûtes un tyran
Ou de la simple valetaille,
Il faudra bien, vaille que vaille,
À reculons ou en avant,
Quitter ce monde de mitraille.
« Autant en emporte ly vens ».
Que seront dès lors votre argent,
Vos biens, vos richesses de paille
Devenus si ce n'est que vent ?
N'êtes que tristes épouvantails,
Tout comme un troupeau de bétail
Vers l'abattoir courant, bêlant.
À quoi bon toutes vos batailles ?
« Autant en emporte ly vens ».
Princes de cour n'êtes que volaille.
Mais fîtes grand tort à vos gens.
N'êtes en fait que des détails.
« Autant en emporte ly vens ».
La Bourrache, 28 novembre 2011
Lundi 13 avril 2020
Oh ! Les si doux pizzicati !...
Oh ! Le crépitement de la pluie
Butinant les tuiles du toit
Le doux murmure dans la nuit
À petits bruits à petits doigts
Oh ! Les doux moments de folie
Dans ce petit lit de grenier
Des amants sous ce toit qui bruit
Et nos amours de braconniers
Oh ! La courbe de ton épaule
Sur mon oreiller de satin
Ton doigt m’effleure et puis me frôle
Ma bouche lutine tes seins
En gardes-tu le souvenir
Des gouttes et de leur clapotis
Accompagnant notre plaisir
De leurs si doux pizzicati ?
La Bourrache, 12 avril 2020
Vendredi 10 avril 2020
Aujourd’hui c’est dimanche
J’ai cueilli ce matin
Ce bouquet de pervenches
Sur le bord du chemin
Brisant les longs pétioles
En ma main les recueille
Le parme des corolles
Et le vert cru des feuilles
Ont attiré mon œil
La cloche de l’église
Me fait songer aux deuils
À bien des aubes grises
Je t’offre dans ce vase
Ma très modeste offrande
Quelques vers sans emphase
En guise de provende
Sur la table de bois
Mes pervenches se meurent
Sans que tu ne les voies
Absente en ma demeure…
La Bourrache, le 10 avril 2020
Francis BELLIARD
Mardi 7 avril 2020
Une fois n'est pas coutume, je vous dédie ce court poème sur le mode de l'auto-dérision, né de cette étrange période qui nous impose l'enfermement chez soi. Une pensée à toutes celles et ceux qui en souffrent plus durement que moi, privilégié, puisque vivant au cœur d'une campagne à l'écart de tout...mais je pense à vous, mes ami(e)s, pous qui c'est très dur : courage, patience, dignité...détachement...
Con-finement
Oh ! Mais dis donc !
Mais qui t’es donc ?
Et qu’as-tu donc
Avec ce vilain air ronchon,
Dans le miroir, rubicond,
Sortant des eaux ? Poséidon !
Avec ta barbe, tes cheveux longs
Encore tout poudrés de savon
Des oreilles jusqu’au menton…
C’est pas du savon, pauvre con !
C’est la chenure d’un vieux grison
Du coup je sors à reculons
Quelle importance, tout ça, au fond,
Puisque cloîtré, comme en prison,
Nul ne me voit en caleçon,
Puisque nous sommes tous « finé-cons ».
La Bourrache, 6 avril 2020
Lundi 06 avril 2020
Je vous invite à jeter un œil sur le site Facebook des "Amis de la Bourrache" et sur le mien aussi : un beau projet d'écriture sur les Temps du Confinement s'y déroule...
(Ci-dessous : toute la beauté timide d'un sous-bois printanier : "anémone des sous-bois")
mardi 31 mars 2020
Projet de recueil de textes produits lors du Confinement
de mars-avril 2020
____
Groupe des Cafés littéraires d’Aigre
et
Association « Les Amis de la Bourrache »
Projet d’action commune
Ami(e)s de nos groupes des Cafés littéraires
Adhérentes et adhérents, sympathisantes et sympathisants des Amis de la Bourrache
…et vous toutes et tous, qui que vous soyez…
Marie-Claire et moi nous vous proposons de participer à un projet simple, qui n’a qu’un but : nous évader de la morosité ambiante que le confinement nous impose à toutes et à tous.
Il s’agit de recueillir textes ou œuvres graphiques nés de notre besoin de nous exprimer pendant cette période austère de confinement.
Une seule règle nous sera imposée : ne livrer que des œuvres créées durant cette période.
Que produire en commun ?
La production d’écrits de tous types, sans aucune règle thématique, syntaxique, sémantique ou formelle. L’essentiel est d’écrire, si et quand nous en avons envie, en dehors de toute contrainte, hormis celles que nous nous imposerons à nous-mêmes.
Qui dit écrit dit orthographe. Soyons clairs : les « fautes » n’ont aucune importance ici. Que l’orthographe ne soit en aucun cas un frein à notre besoin d’expression. Elles pourront être corrigées ultérieurement par nos soins (Marie-Claire et moi), si vous le souhaitez, dans la plus totale discrétion. Nous ne nous autoriserons aucune censure et respecterons scrupuleusement et intégralement vos œuvres.
Il ne s’agit pas d’un concours. Simplement, celles et ceux qui le désireront pourront nous confier leurs textes (poèmes, prose, etc…) : à l’issue du confinement, nous clôturerons la collecte de vos textes et en établirons un recueil en plusieurs exemplaires, accessible à tout le monde.
Nous ne publierons pas vos œuvres sans votre consentement.
Le principe est le suivant : dès que vous vous sentez en mesure de livrer un texte ou plusieurs, envoyez-le(s) moi par mail. Assisté de Marie-Claire, je procèderai éventuellement à leur correction orthographique, si vous le souhaitez.
Ainsi, nous collectons vos productions dès maintenant et jusqu’à la fin du confinement.
Toute exploitation pécuniaire est proscrite. Votre droit d’auteur(e) sera respecté.
Vous pourrez faire apparaître votre nom, ou pseudo, ou rester dans l’anonymat.
Nous pensons qu’écrire, en cette période compliquée à vivre de repliement sur soi peut être une occasion de méditation, de création. Ce lien aussi qui vous reliera peut-être à nous, toutes et tous ensemble, est important sur le plan social.
Les dessins, peintures aquarelles…seront aussi les bienvenus. Toute forme d’expression écrite nous semble avoir sa place dans ce futur recueil des temps du confinement, dont le titre restera à définir.
Nos ressentis à toutes et à tous ne peuvent que nous enrichir mutuellement.
Soyez nombreuses et nombreux à nous envoyer vos productions. Si notre initiative n’est pas géniale, elle se veut un outil de lutte contre le désarroi qui nous menace, et peut-être, une aide morale pour surmonter ce passage difficile.
Merci à vous toutes et à vous tous, ami(e)s
Quelques pistes d’écriture (uniquement pour vous lancer sur la voie, si vous étiez à court d’idée) :
- poèmes : en poésie, aucune obligation à la prosodie (la prosodie étant l’ensemble des règles qui codifient ce genre d’expression, purement conventionnelles) : écrivons des sonnets, des ballades, des lais, des pantoums…ou en vers libres, peu importe, selon les seules règles que nous nous imposerons ;
- prose : là aussi, liberté absolue : nouvelles, contes, journal de bord, jouer avec les grands romanciers (prolonger un extrait d’une œuvre de Chateaubriand, Genevoix, Mauriac, Lévy…selon vos goûts et votre fantaisie) ;
- théâtre : écrire des saynètes ou de courtes pièces peut être amusant.
Cette liste n’est pas limitative, bien au contraire…
NB : n’hésitons pas à nous entraider et à nous contacter en cas de panne d’écriture.
Toute idée ou suggestion de votre part seront les bienvenues.
lesamisdelabourrache@orange.fr
Mercredi 25 mars 2020
En raison du confinement imposé par la pandémie de Covid 19, voici, jusqu'à ce jour, les trois derniers évènements que nous n'avons pas pu ou que nous ne pourrons pas produire...
Dimanche 22 mars 2020 - Jour 6 du Confinement
Inutile d'expliquer de quoi il s'agit : nous sommes tous forcément au courant, puisque concernés, et éprouvés.
Je ne veux pas rajouter ma voix au concert. Juste, je me permets de vous inviter, puisque vous avez le temps et la nécessité de l'occuper utilement, à (re)découvrir les contenus de mes pages. Par exemple, (re)lisez mes "Âneries", excellent contrepoison de la morosité...ou un peu de ma poésie, voire...écoutez un peu de mes chansons.
Puisse ma modeste contribution vous aider à mieux supporter votre confinement...
Tenez bon, protégez-vous et protégez les autres...
Bon courage à toutes et à tous !...
Lundi 9 mars 2020
« Eh oui ! Un concert n’est pas passé que nous pensons déjà au suivant. Ce mois-ci, le 27, ce sera le Prince du flamenco, Jonathan, que nous recevrons. Beaucoup d’entre vous le connaissent. Il s’est produit plusieurs fois à Villegâts, et toujours avec un immense bonheur, particulièrement pour les amoureux du flamenco. Jonathan est un prodige de la guitare. Il s’approprie aussi bien les mélodies des Gypsy Kings que celles de Trénet ou de tout tube actuel pour vous les offrir à sa façon époustouflante de dextérité et d’inventivité, de passion et d’énergie. Ne ratez pas sa prestation. Et soyez rassurés : il y aura moins de 5 000 personnes. …»
Dimanche 1er mars 2020
« Il est certain que bon nombre d’entre les spectateurs de cette session de vendredi dernier (44ème Vendredi de la Bourrache) ont découvert un univers de Guy Béart qui leur était en grande partie
inconnu. C’était d’ailleurs l’objectif de ce récital de Patrick JEAN, excellemment réussi, parfaitement maîtrisé, professionnel et captivant. Patrick est ACI (auteur-compositeur-interprète). Nous
l’avions reçu le 30 août dernier dans un programme de ses propres compositions, et l’avions beaucoup apprécié. Cette fois-ci ; il avait choisi de mettre son art de l’interprétation au service de ce
grand poète de la chanson française: Guy Béart. Si l’on ne retient de lui que « L’eau vive », on passe à côté de trésors : et notre artiste, ce soir-là, avait parié de nous faire découvrir justement
avec bonheur ces trésors enchantés : pari réussi. Ce fut, de l’avis général, une soirée bien agréable. L’infatigable Thierry Renoux, au piano, assure parfaitement, connaissant sans faille le déroulé
du programme. D’ailleurs tous deux font montre d’une mémoire impressionnante : ni papier, ni partitions ! Que du bonheur, une fois encore ! Merci au tandem qui a réjoui nos âmes vendredi.
Le mois prochain, nous recevrons Jonathan Arenas el Youni, le Prince du flamenco. Attention, ça va décoiffer !...Un prodige du flamenco ! Ambiance chaude, c’est certain…»
Lundi 17 février 2020
« La ronde du temps poursuit sa course : voici qu’approche le prochain concert de nos Vendredis de la Bourrache. Le 28 février prochain, c’est un bouquet des chansons de Guy Béart que nous offrira notre ami et voisin Patrick Jean, accompagné au piano de son compliceThierry Renoux. Il était venu vous présenter ses propres compositions en août dernier, car il est aussi auteur-compositeur-interprète, mais a souhaité vous faire découvrir pour cette soirée ce grand poète de la chanson française : Guy Béart. Vous serez surpris de découvrir dans ce récital un peu plus long que de coutume de nombreuses perles méconnues du grand public. Soyez au rendez-vous, si vous voulez bien, pour partager avec nous cette soirée qui sera, à coup sûr, un régal…»
Dimanche 2 février 2020
« Impériale ! Veronika Bulycheva nous offrit une prestation impériale, incroyable. Toute l’âme russe dans un mélange subtil de joie et de mélancolie, dans des explosions de passion et des retenues pudiques. Le tout avec un talent éblouissant. L’utilisation qu’elle fait de la guitare, dont elle maîtrise la technique à la perfection, sert à merveille une voix surprenante, capable de gronder dans les graves expressifs à souhait comme dans les aigus les plus surprenants. Sa simplicité et son humour ont séduit le nombreux public venu la découvrir (salle à peu près comble). Merci à elle, grande artiste parisienne, d’avoir daigné nous honorer de sa présence, nous, modeste association d’un modeste petit village de Charente. Merci aussi à vous, cher public, d’avoir répondu présent en si grand nombre vendredi soir à notre invitation. Je doute que vous regrettiez d’être venus vous perdre à Villegâts, ce 31 janvier…Je vous donne rendez-vous dans un mois avec un artiste tout aussi professionnel, dans un autre style : ce ne sera pas pour interpréter ses propres chansons, cette fois, que Patrick Jean sera présent le 28 février prochain dans nos Vendredis de la Bourrache, mais pour vous offrir un récital Guy Béart, grand poète de notre chanson française. Je ne doute pas que vous viendrez nombreux pour l’applaudir. »
Vendredi 24 janvier 2020
43ème « Vendredi de la Bourrache » à Villegâts :
« Pour sa 43ème édition de leurs concerts mensuels gratuits dans notre petit village charentais, c’est une grande dame russe de la chanson que les Amis de la Bourrache recevront. Elle descend de la
capitale spécialement pour vous, public habitué de ces concerts. Professionnelle du chant et de la guitare, née en Ukraine, Veronika se fera un plaisir de vous offrir son récital…Soyons nombreuses et
nombreux à l’accueillir et à l’applaudir. Notre association n’ayant pas encore les moyens de rémunérer ses artistes, nous disposerons, comme à l’accoutumée, un chapeau à son intention : nous
compterons sur votre générosité, bien sûr, afin qu’elle puisse au moins se défrayer…Merci d’avance pour votre compréhension…À vendredi de la semaine prochaine !...»
Dimanche 19 janvier 2020
« Très intéressante causerie que celle dans laquelle notre invitée de ce Café littéraire du 18 janvier, Odile REBEYRAT, présentait son ouvrage Le clochard de Dieu.
Beaucoup d’émotion, un haut niveau d’échanges. De toute évidence, Odile, à l’évocation de ce pan de sa vie, si bien raconté dans son roman en grande partie autobiographique, rayonnait d’une belle
aura. Il nous parut évident que cet amour interdit qu’elle a partagé avec un prêtre l’a marquée profondément. Au travers de l’évocation de celui-ci, l’on comprit vite que cet homme fut
exceptionnel à plus d’un titre. Il fut, d’une certaine façon, un « envoyé du Seigneur », mettant en actes les paroles de Jésus, plus prédicateur engagé qu’attaché aux dogmes de la religion
catholique. Le débat sut se limiter à la thématique du mariage des prêtres sans déborder outre mesure sur les autres aspects religieux.
Dans l’auditoire, chacun, athée ou Chrétien de quelque église que ce soit, put y trouver son compte, dans le plus grand respect de ses croyances.
On aime de tels échanges, si authentiques et profonds.
Un grand merci à Odile pour la qualité d’écriture de son livre comme pour l’intensité de sa prestation. »
Au fil des activités...
Lundi 30 décembre 2019
Mes ami(e)s
Je vous invite à participer, si vous le souhaitez, au Café littéraire qui se tiendra à Aigre (16), le lundi 13 janvier, à 14 h 30, au Café PMU du Commerce, à l’initiative de quelques lectrices
d’Aigre, dont notre amie Marie-Claire Schaeffer. Elle était présente à notre 1er Café littéraire du 5 novembre et nous avait présenté des ouvrages fort intéressants, dont Des orties et des hommes, de
Paola Pigani, dont l’épatant Raymond Fiabane nous avait lu des extraits le 10 décembre dernier.
Nous avons tout intérêt à développer ces échanges de participation pour faire vivre notre ruralité. En outre, partager autour de nos lectures, ici ou à Aigre est toujours gratifiant, je trouve. C’est
pourquoi je serais heureux que quelques-un(e)s d’entre nous puissent y assister. J’essaierai moi-même de m’y rendre.
Je vous en remercie.
Et puis, comme vous l’indique le visuel, nous recevrons l’auteure Odile REBEYRAT le samedi 18 (même semaine : nous sommes comblés).