ANNÉE 2021
Jeudi 30 décembre 2021
Miel de lune
La lune était ce soir comme un fin croissant pâtissier doré au miel
la grosse tête d'épingle d'argent de l'Etoile du Berger flamboyait à son côté
Au drap de velours du couchant toutes deux semblaient piquées
avec, entre elles, l'ombre obscure d'une nuée passagère...
J'ai pensé à toi, mon elfe tendre dans la beauté sereine du crépuscule.
Toi
que j'aime à la folie...
Francis BELLIARD
Mercredi 29 décembre 2021
Le cirque des oiseaux
Je suis l’oiseau
aux ailes déployées
très haut dans le ciel
mes ailes
larges et longues et souples
relèvent leurs trois plumes
dans l’air courbe
noire spirale des heures
à la pointe des thermiques
qui me bercent
Je suis l’oiseau
aux ailes en va-et-vient
mon corps monte et s’abaisse
comme au fil des vagues
et je file dans l’air
qui caresse mon corps en fuseau
et mon bec de mouette
perce l’invisible élément
qui me porte
au-dessus de l’océan
Je suis l’oiseau
qui vrombit
corps oblique immobile
mes ailes qui palpitent
me suspendent
face à la corolle épanouie
qui s’offre à mon long bec fin
de colibri
Je suis l’oiseau
l’infatigable coureur des mers
et des tempêtes
qui se moque du temps
je dors en vol
ni jamais ne me pose
toute ma vie se passe
dans l’espace
moi que les hommes nomment
albatros
Je suis l’oiseau-poète
qui tourne solitaire
affrontant les tempêtes
au-dessus de la terre
et je m’appuie sur l’air
l’air qui coule en filets
sur mes plumes mouillées
que chauffe le soleil
je m’élève vers l’arc multicolore
au-dessus des nuages
dans l’azur
pur
Je suis l’oiseau
Francis BELLIARD
Dimanche 26 décembre 2021
D’où vient que mon âme est amère ?
J’avais gros de colère en moi…
Pour qui, pourquoi, mon Dieu ?... Le sais-je ?...
J’étais comme un morceau de bois,
Comme une bête prise au piège.
Mon cœur était donc en souffrance ?
J’en ai oublié la raison.
D’où venait donc ma véhémence ?...
Et cet insidieux poison ?...
N’avais-je pas tout pour être heureux ?
On est injuste dans la colère.
Quoi me rendait si ténébreux ?
D’où vient que mon âme est amère ?
Francis BELLIARD
Fin d’automne
Qu’importent les amis, les amours, les enfants ?...
La barque t’en éloigne…
À peine, de loin en loin,
se retournent-ils vers toi
et t’adressent-ils un geste de la main…
Déjà la brume de l’oubli
a commencé de t’ensevelir…
et tu glisses dans l’ombre en silence…
Francis BELLIARD
Samedi 25 décembre 2021
Les loups de la nuit
Le vent de l'hiver
a lâché ses loups
et tous ses ministres
sous toutes mes portes
mille courants d'air
rôdent en hurlant
mélopée sinistre
qui s'enfle et retombe
au cœur de la nuit
sur mes années mortes
Les doigts de la pluie
mitraillent mes combles
la meute des loups
par tous ses murmures
raille et s'époumone
mélodie morose
à ma porte close
les loups de l'automne
venu à grands pas
miaulent sous mes murs
La cendre froidie
au foyer sans feu
ne réchauffe pas
mes chambres glacées
mes chambres sans jeux
le vent de l'automne
des saisons passées
corne monotone
par tous mes pertuis
et tous ses fantômes
cognent à mon huis
suis à leur merci
et me pelotonne
au fond de mon lit
Francis BELLIARD
Vendredi 17 décembre 2021
Amusons-nous ce soir avec les mots...si vous le voulez bien...
Avoir un ver solitaire est-ce avoir un ver à soi ?
Mais si ce vers est solitaire, est-ce vraiment un vers ?...
Pour que c’en soit, il en faut d’autres autour de lui
…ce qui n’en fait pas forcément un vers …luisant…
Vers solitaires
Si le poète est solitaire
et noie son chagrin dans les verres,
il n'est pas forcément sévère,
tout juste un peu, parfois, austère.
Mais comment saurait-il se taire,
lui qui s'exprime toujours en vers ?
C'est qu'il en faut, du caractère,
pour rester seul, sur cette terre,
tel l'albatros de Baudelaire,
quand on n'est pas très terre à terre,
qu'on est rêveur, et tête-en-l'air.
S'il vivait dans un monastère,
de trois ave, quatre pater,
on calmerait ce locataire.
Mais comme les vieux pots de terre,
il reste sourd et réfractaire,
ne les trouvant pas salutaires,
aux règlements régimentaires,
aux lois des gens autoritaires,
et rarement il obtempère.
Ainsi, trouvant la vie amère,
noyant son chagrin dans ses vers,
ce qui souvent le désespère,
le poète est un solitaire.
Francis BELLIARD - 20/04/2010
Dimanche 12 décembre 2021
Je t'emmènerais…
Si tu voulais,
je t'emmènerais loin, très loin…
en des terres inconnues, parsemées de tourbières
de granites en lichens, d'herbe rase et de vent,
de landes de légende aux bruyères en fleurs,
de lacs sombres enchâssés dans les bois aux troncs gris
aux feuillages en pleurs, sous la lune, à minuit,
en des contrées lointaines où l'on boit de la bière,
du whisky et du thé, dans les pubs en rêvant…
tout en haut des falaises où monte la rumeur
de l'océan grondant qui se brise aux récifs
en gerbes violentes d'écume de neige…
en des côtes sauvages où de fragiles esquifs
portent des marins roux partant pêcher en mer…
en de verts pâturages où broutent les moutons…
où la harpe celtique égrène ses arpèges…
et le son du bôdrann aux échos des vallons…
où la bière coule à flots, toute brune et amère…
Si tu voulais,
nous irions loin, très loin…
nous tenant par la taille, nous tenant par les mains,
sur les plages désertes laisserions nos empreintes
au sable découvert par une marée basse
te prenant dans mes mains comme une calebasse
pour étancher ma soif en une longue étreinte
je boirai à tes lèvres sans souci de demain…
Si tu voulais…
Et moi je rêve…
Francis BELLIARD
Jeudi 9 décembre 2021
Brive-Sur-Charente
Quelle étrange sensation que celle de se sentir comme "dématérialisé". Étranger à son propre être. Le soleil d'hiver saintongeais colore de jaune acide et vif les branchages des frênes et les lierres vernissés qui les ont envahis. Dans cette salle d'attente, la musique est relaxante et propice à la rêverie. Je repense à mon enfance, à ma vie. Des scènes passent, fulgurantes, de mon passé. En vrac. Sans lien logique.
Par la baie vitrée ce carré de vision de ciel bleu et gris recouvert du fouillis des ramilles baignées de l'or solaire, c'est mon cœur d'enfant qui bondit, retrouvant l'exacte sensation de ce bonheur fugitif, identique en ce moment à celui de ce jour perdu de mon enfance où il bondit de la même façon, il y a plus d'un demi-siècle…
Dans l'auto, cette nuit-là où nous revenons de Tasdon[1], enfant, je fixe la nuque de mon père qui conduit, et celle de ma mère, devant moi. Mon frère est à ma gauche, déjà étranger. Soudain cette pensée me transperce, prise de conscience aiguë et douloureuse qu'un jour mes parents seront morts, qu'ils ne reverront plus la lumière du soleil, et que je serai abandonné…
Ainsi, plus vite que cette lumière elle-même, vont mes souvenirs, comme des éclairs, chassant les autres aussitôt que surgis. Je suis comme spectateur de cet être assis sur un siège quelque part sur la terre. La présence fortement matérielle de ces deux vieilles femmes proches[2] (des sœurs ? …), tellement traditionnelles, vestiges de deux vies du cru, leur accent si familier du terroir, leurs préoccupations si terre-à-terre…J'ai l'impression étrange d'être très loin, détaché des choses et de moi-même…Me voyant comme un autre, me jugeant froidement….Qui suis- je ? …Le même, au final, que cet enfant inquiet et déjà solitaire, et traqué que je fus jadis…Toujours aussi vulnérable, et tendre, et paumé…Mon cœur, comment finirai-je cette existence terrestre ?…
Je revois notre amour si pur, nous deux, qui nous aimons…mais aussi, ma solitude…
Francis BELLIARD -15 /01/10
Mercredi 8 décembre 2021
Saintonge gelée
La Charente avait envahi ses berges.
Champs, marais et peupleraies étaient baignés d'immenses plaques couleur de l'étain et de l'acier, venant jusqu'au bord de la route, des deux côtés même, à l'occasion.
Là où cette plaque laissait émerger les troncs des peupliers ou les piquets des clôtures, tranchaient les collerettes blanches de la glace. À de certains endroits, ces immenses étendues mornes et figées, prises par elle, avaient un gris verdâtre et sombre sous les ramures enchevêtrées et dépouillées du troupeau bien ordonné des peupliers. À d'autres, dégagées de tout obstacle, elles n'étaient qu'un vaste miroir immobile au-dessus duquel le vol lointain d'un corbeau ou d'une aigrette animait passagèrement le paysage. À d'autres, encore, les roselières d'un gris jaunâtre et sale émergeaient de cette prison d'eau durcie par le gel en maints endroits, environnées de buissons morts.
Même ainsi figés par le froid, ces bords de Charente saintongeaise avaient une beauté sauvage et solitaire troublante.
Francis BELLIARD - 11/03/11
Lundi 6 décembre 2021
J'ignore si vous avez apprécié ma prose dans les publications précédentes. Je vous en propose une autre page ce soir...
Retour en Saintonge
Comme les bords de Charente étaient beaux cet après-midi, sous le pâle soleil d'hiver !
Les troncs gris-verts des frênes, le lierre qui fait aux arbres comme un manteau vert et luisant, sur le ciel gris-bleu, les prairies reverdies, et cet éclairage si particulier à ma Saintonge, celle de mon cœur…
Le mouvement lent et puissant du fleuve Charente, paisible comme une bête apaisée, qui laisse couler son flux paresseusement…
Quel plaisir soudain de me retrouver plongé dans cette simple et belle nature saintongeaise, unique !
Et ces fouillis de ramilles en résilles infinies, des plus grosses branches aux plus ténues brindilles entrecroisées, gris-vertes sur le gris-bleu du ciel ! …Et tout cela bouge, tout cela remue, s'agite, chaque feuille de lierre tremblote nerveusement, sous l'âpre bise d'hiver : tout cela vit !
St Sever de Saintonge, jeudi 17 décembre 2009
Mardi 30 novembre 2021
Côtes charentaises
4ème et dernier épisode :
La dune ondule du mouvement incessant de ses oyats si fins au vert pâle unique, parsemés des piquants des chardons pâles et hérissés, agressifs aux pieds tendres. Des immortelles jaune pâle exhalent leur parfum épicé que le vent s'empresse toujours de porter aux narines. Et, sous les pins, soudain c'est le calme et le silence, car la dune est un écran formidable. Les petits lapins y foisonnent, on en voit leurs crottes qui parsèment, sèches, le sable envahi d'herbes rases, au pied des bouquets d'arbustes rabougris où le chêne vert, ou yeuse, domine.
Là, au retour d'une longue journée de soleil, de chaleur cuisante comme un four, de courses, d'ébats et plongeons dans les vagues salées, du bruit incessant du ressac, on est frappé de la qualité de ce silence et de la fatigue qui nous accable alors.
Cet océan immense, vu du haut de la dune, est parfois plat et tranquille, luisant sous la lumière cendrée des nuages, parfois étincelant des mille feux des mille diamants que l'astre solaire se plaît à casser à sa surface. À d'autres moments, il rugit, se déchaîne et fait peur. Toujours cette immense vastitude pousse à la contemplation et à la méditation. Souvent, tapi au creux de la dune entre les oyats, j'ai passé des heures à observer les mouettes, planant dans le flux aérien, à quelques brasses de moi, au-dessus de ma tête, me regardant de leur œil curieux. Merveilleux oiseaux : planeurs, coureurs, plongeurs, chasseurs, aussi à l'aise sur terre, sur l'eau que dans l'air, dans la brise d'été comme dans les tempêtes, au plumage immaculé, ce blanc crayeux où j'aimerais poser mes doigts…Mouettes, mes amies criardes…Mon emblème…Vivez longtemps encore …
Francis BELLIARD - 22/12/09
Lundi 29 novembre 2021
Côtes charentaises
3ème épisode :
La laisse, dont je parlais tout à l'heure, est pour la plus grande part constituée d'algues sèches, noircies, d'œufs de seiche racornis, de méduses perdues, d'une multitude de coquilles vides des plus insignifiants animalcules aux plus gros des coquillages : huîtres, moules, coques, patelles…, toutes de nacre aux roses pâles, opalescente ou irisée, usées, polies, laminées, creusées, perforées, fragmentées jusqu'aux débris pour les plus anciennes, colorées de manière encore si vive, pour les plus récentes, qu'on s'attend toujours à en voir bouger des cornes. Des galets, des plus minuscules aux plus gros, tous de forme patatoïdale, grossièrement ronde, mais le plus souvent calcaires, blancs comme la crème, et qui laissent au toucher une fine poussière au bout des doigts. Et tous ces minéraux forment dans un amoncellement incroyable de désordre, une richesse de couleurs et de formes, qui fait la joie des chercheurs de trésors. Les bois rongés par le sel et leur long séjour dans l'eau ont des formes étranges, insolites, mais le toucher si doux qu'on a de la peine à ne pas les caresser. On y trouve aussi de nos jours, hélas! moult débris de notre civilisation : tout ce qui est en plastique, souvent rejeté par les marins pêcheurs eux-mêmes à la mer : la mer poubelle, en somme : débris de cordages, cageots plastiques cassés, bouteilles plastique, etc, etc…quand ce ne sont pas des galettes noires ou brunes de mazout…
Dimanche 28 novembre 2021
Côtes charentaises
2ème épisode :
On entend toujours ce grondement sourd de l'océan qui bourdonne en fond sonore, au point qu'on n'y prête plus attention que par moments. L'air est vif, iodé. Car toujours il accompagne la montée de l'élément liquide. Il s'inverse souvent à la renverse (la marée descendante). Sur la plage, sur la zone la plus proche – toujours le sable est en pente et fait un vaste tablier plat et lisse, ocre, entre le bas de l'estran et la "laisse"(ainsi nommée en raison des dépôts de toutes sortes que les vagues ultimes de la marée haute, le jusant, ont apportés du large ou de la côte, et abandonnés là) – sur cette zone idéale qui nous attire tous petits ou grands, on peut marcher pieds nus, ou courir. C'est une surface absolument plane, parfois ridée de vaguelettes, de sable durci. On peut y écrire de son doigt, y dessiner, y laisser des messages éphémères que l'on sait voués à l'effacement rapide, y creuser le sable et l'entasser en châteaux forts que les vagues bientôt vont assaillir de toute part, inexorablement, face à l'effarement impuissant des enfants qui les ont érigés…
Le sable, ce matériau si fin qu'il coule entre les doigts en filet chatouillant la peau, quand il est chaud, si résistant quand il est mouillé que les architectes, des débutants aux plus audacieux, ne cessent de voir leur imaginaire déborder d'audace en concevant des merveilles…ou de simples pâtés. Le sable insidieux que le noroît[1] instille sournoisement sur chaque parcelle de notre peau, jusqu'au moindre interstice de nos orifices ou à la racine des cheveux…
[1] Vent de "nord-ouest"; on dit aussi, en langage des pêcheurs : le nordet, pour le vent de nord, ou suret (suroît) pour celui du sud…
Samedi 27 novembre 2021
Je vous propose aujourd'hui un long texte en prose, sous forme de feuilleton.
Ce soir, 1er épisode :
Côtes charentaises
J'aimerais beaucoup te faire découvrir nos côtes et nos îles, dont je suis, tu l'as compris, amoureux.
La marée rythme mon enfance, et ma vie d'adulte. Ce mouvement puissant de flux et de reflux est fascinant.
Ce que je préfère parmi toutes les manifestations de ce phénomène, c'est peut-être la découverte de l'estran, cette zone que l'océan se plaît à couvrir et à découvrir deux fois par jour, tout en décalant chaque jour l'horaire et l'amplitude de ses rendez-vous. Je garde les souvenirs émerveillés, de ma plus tendre enfance à aujourd'hui, de ces rochers humides et glissants de varechs, des bassins où l'eau retenue prisonnière, claire et transparente sous le soleil des beaux jours, laisse voir la vie qui les habite : crevettes, crabes, petits poissons, coquillages aux cornes mobiles sous leurs drôles de chapeaux calcaire…Les anémones tendres et sombres aux tentacules qui flottent, bercés par d'invisibles mouvements de l'eau, les algues même, bref, toute cette vie en microcosme rythmée par la venue et le retrait des eaux. Parfois les vaguelettes courent à l'assaut des "casses" (c'est ainsi que nous nommons chez nous ces petites retenues), en friselis, très vite et délicatement, envahissant progressivement les trous des roches pour tout niveler. Le goémon reprend son mouvement de va-et- vient au rythme des vagues successives…
(À suivre...)
Jeudi 26 novembre 2021
Ne sonnez plus de l’olifant
Tous les enfants sont mes enfants
Et je récuse toutes les guerres
Ne sonnez plus de l’olifant
Aux enfants qui n’ont plus de père
Oui je récuse toutes vos guerres
De Charlemagne et de Roland
De celles que l’on fit naguère
À toutes celles du moment
Ne sonnez plus de l’olifant
Qui fait pleurer toutes les mères
Occupez-vous de vos enfants
Il y aura moins de misère
Les enfants qui n’ont plus de père
Grelottent en claquant des dents
Aux quatre coins de cette terre
Cessez de faire couler le sang
Cessez de jouer de l’olifant
Vous Présidents vous militaires
Tous les enfants sont vos enfants
Que vous jetez dans la misère.
Francis BELLIARD
Vendredi 19 novembre 2021
L'hiver s'est annoncé ce soir
C'est un jour de novembre et qui n'en finit pas de vouloir être jour et qui s'en va mourir...
L'hiver s'est annoncé ce soir tellement soudainement...
C'est un jour de ciel bas aux lointains incertains
étouffé d'une étrange lumière fantomatique
qui se cache sous le couvert d'un ciel infiniment très gris
et qui n'est plus le jour et qui n'est pas la nuit
et c'est un peu l'Irlande
du nord...
horizons brumeux
de vagues landes perdues
des bois roux à l'agonie aux cimes engluées de brouillard décidément infiniment très gris
des champs verts humides et froids de blés et de colzas
de gras labours
terre à nu terre d'automne au corps encore creusé des rides des charrues
terre de frimas terre de deuil
terres perdues au tréfonds des campagnes
terres de gens durs à la peine et travaillant la terre
vieux hameaux de pierres vieilles en sommeil tassés au creux de vieux coteaux
et le vent du nord souffle aux bois de chênes frissonnant
odeur de cèpes, de feuilles mortes et de mousses
cette haleine glacée comme la mort me mord et me transperce
hiver arrive
où fut automne absent cette année déréglée ?
pas de bêtes aux prairies
quelque ombre lente au loin trouant le crépuscule d'un papillon orange :
paysan solitaire rentrant sur son tracteur comme un fantôme par des chemins de terre...
Ce soir est beau comme un tableau antique...
Francis BELLIARD - 2011
Lundi 15 novembre 2021
La démence bat la semelle au plafond
Tout au long de mes longs silences
Je soliloque et je débloque.
Ma chienne dort en confiance
Au clapotis des petits blocs
De mon clavier poussiéreux.
Tout au long de tes longues absences,
Au creux de mes nuits d'insomnie,
Je songe à toi, pas très sérieux,
À notre amour, ses avanies,
Et à l'ivresse de nos sens.
Je vais te dire, en confidence,
À qui je rêverai ce soir,
Qui j'invite à ce tour de danse,
À ce tour de ma balançoire,
Aux airs désuets de mon manège.
Mes amours ont le goût du rance.
Il n'est personne au rendez-vous.
Je sens que tout se désagrège.
Au bout du square, je suis debout
Et ma solitude est immense.
Il n'y a plus que la démence
Qui bat la semelle au plafond
Les samedis et les dimanches,
S'accompagnant du balafon
Et du tambour de la déroute.
J'ai perdu ma carte de France,
Amis, amours, et même le nord.
La bise a tout semé en route
Et j'ai mal encore et encore
Et le grand vent secoue mes branches.
Francis BELLIARD - 2009
Mercredi 3 novembre 2021
Vous ne trouverez guère de blues dans mon catalogue ; celui-ci fait exception...(paroles d'un de mes chansons)
Un bout d’carton
J’suis sur l’trottoir près des boutiques
J’suis qu’un pauv’gamin rachitique
Sur mes épaules sweat en coton
Assis tailleur sur mon carton
J’te tends la main
Car j’ai grand faim
J’ai pas d’papiers
J’suis un immigré
J’viens de très loin je viens d’Afrique
J’rêvais d’vot’pays fantastique
Chez moi c’est rien que d’la misère
J’ai d’abord traversé l’désert
Écoute un peu
Si tu le veux
J’ai pas d’papiers
Pas d’identité
J’tais sur un canot pneumatique
Nos mains pour rames c’est pas pratique
On voulait traverser la mer
On voulait juste fuir la guerre
Donne un peu d’pain
C’est presque rien
J’ai pas d’souliers
J’ai pas d’foyer
J’ai plus d’village ils l’ont brûlé
Ma mère ma sœur les ont violées
Mon père mon frère sont morts noyés
J’n’ai plus nulle part où aller
J’n’ai plus d’maison
Que ce carton
J’n’ai pas d’paletot
À m’mettre sur le dos
Il a fait froid cette nuit-là
Implora-t-il Dieu ou Allah ?
On l’a trouvé sur le trottoir
Recroquevillé dans sa peau noire
Ça s’passe en France
L’indifférence
Mort sans papiers
Sans identité
C’tait sur l’trottoir près des boutiques
On l’a r’couvert d’une bâche plastique
Il reste plus qu’un bout d’carton
Et nul n’y prête guère attention
J’suis pas passeur
J’suis pas meilleur
Aveugle et sourd
J’ai plus d’amour
Francis BELLIARD, décembre 2016
Lundi 1er novembre 2021
Ce serait un clair matin d’été
Fuligineux et sombres
les bouchers vont au bal des ombres
dans l’aube grise
il pleut des bombes
et des gravats
et tout se brise
vole en éclats
de ciment et de fer
et de poussière…
et tous ces cris !...
Fuligineux et sombres
les bouchers vont au bal des ombres
noires silhouettes de carton-pâte
dans la brume opaque
des petits matins froids
les tyrans valsent au pied des tombes
des moutons morts dans l’effroi…
Que le glas tinte à vos beffrois !
Ces hideux bourreaux ricanent
et frappent à grands coups de cannes
tout un peuple de pauvres gens
à genoux et les implorant
Ces personnages de carton
sinistres monstres de coton
depuis l’aube des temps
hantent notre monde de laiton
ivres de pouvoir et d’argent
et font couler le sang.
Ces bourreaux sont de vraies ordures
jouissant d’infliger la torture
à la foule des innocents.
Fuligineux hideux et sombres
les bouchers vont au bal des ombres.
C’est un frileux matin d’automne
noyé de brume et de silence.
Dérisoire la plainte qu’un oiseau entonne
dans ce monde en déliquescence.
Qui mettra fin à l’hécatombe
qui parsème le monde de tombes ?
Ce serait un clair matin d’été
empli des odeurs des fleurs.
L’hiver des fous serait oublié,
et le tonnerre des guerres absurdes,
et les persécutions des Kurdes,
et toutes celles de l’histoire,
et les cortèges de bêtises,
et les ivresses du pouvoir
et les idéologies qui attisent
la haine et le mépris de son frère,
qui ont tant fait prospérer nos cimetières…
Ce serait un clair matin d’été
comme l’aube d’une humanité
plein des fragrances des cytises
et les hommes se souriraient
sans hâte ni haine ni convoitise,
et les gens s’aimeraient…
Francis BELLIARD - 11 avril 2018
Dimanche 24 octobre 2021
Voici les paroles d'une de mes premières chansons :
Au creux de l'oreiller
L'amour a défait ton visage
Entre les draps déliés ;
Ton corps est un bateau sauvage
Aux voiles dépliées
L'oiseau que je suis envisage
Comme une île enchantée
Tes sources, tes forêts, tes plages,
Quand il a trop venté
Je sais, quand je te dévisage,
Au creux de l'oreiller,
Que, pour façonner ton visage,
Les vents se relayaient
Tu as, comme les tussilages,
Des pouvoirs merveilleux :
Tu calmes mes angoisses, mes rages,
D'un baiser sur mes yeux
L'amour a défait nos visages
Entre nos bras liés ;
Nos corps sont des bateaux très sages
Aux voiles repliées
Francis BELLIARD
(octobre 1978)
Dimanche 17 octobre 2021
C’est l’heure rougeoyante
Oh ! Ces ors flamboyants
À nos vitres flamandes
Que le soleil couchant
Plaque comme une offrande !
C’est l’heure rougeoyante
Où les noirs oiseaux fuient
Dans un ciel amarante
Vers leurs gîtes de nuit ;
Où l’océan s’apaise,
Où les astres basculent,
Où les bêtes se taisent.
Voici le crépuscule.
Les fenêtres s’allument
Aux voiles de la nuit,
Dans l’ombre et dans la brume.
L’étoile soudain luit.
Et l’incendie s’éteint
Aux fenêtres flamandes,
Noyé dans les lointains ;
L’ombre envahit la lande…
Francis BELLIARD
Mardi 12 octobre 2021
Paroles d'une de mes chansons...
Beau samouraï
Aux sables des grèves, face à la mer,
Trotte Akémi le solitaire.
Par dunes, forêts et marécages.
La lune luit sur son passage.
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Son daisho[1] à la ceinture,
Akémi trotte à l'aventure,
Sous les pins et les cerisiers,
Sur les chemins et les sentiers.
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Jeune et fier et beau samouraï,
Akémi livre ses batailles
Au cœur des pierres et des montagnes,
De par les plaines et les campagnes.
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Ses ennemis sont des chimères,
Dragons de feu imaginaires.
D'Honshu[2] au Fuji, au Kita[3],
Akémi poursuit son combat.
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Près de l'étang aux blancs lotus
La brise endort les hibiscus.
Obi noué sur kimono,
Fleurs aux cheveux, rêve Aïko.
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Passe Akémi près de l'étang,
Sous un prunier en galopant.
Heurtant du front une branche basse,
Akémi tombe dans l'herbe grasse.
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Ouvrant les yeux, à son réveil :
Pâle visage, pure merveille !
Aïko sur lui qui se penche,
Pansant sa plaie dessous les branches…
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Akémi prend son katana[4],
Le plante en terre et s'inclina :
"Belle Aïko, ici s'achèvent
Ma course solitaire, mes rêves…
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
M'acceptes-tu pour ton époux,
Je te le demande à genoux ? …"
Mais Aïko le refusant,
Mit fin à sa vie sur-le-champ.
Je suis guerrier de la Lumière.
Sur mon cheval, par les plaines et les rivières.
Francis BELLIARD (2010)
[1] Les deux sabres du samouraï
[2] La plus grande île du Japon
[3] Monts japonais
[4] Celui des deux sabres qui est le plus long
Lundi 4 octobre 2021
De saphirs et d'hibiscus
La cascade de saphirs
inondait de sa fraîcheur
les hibiscus
la caresse du zéphyr
leur apportait les senteurs
des lotus
Dans un palais de porphyre
dansait Isis toute en rubans
sous l’œil d’Horus
des felouques vers Ophir
lourdes d’amphores et d’olibans
de l’Indus
Dans l’ombre des moucharabiehs
sommeille l’eau d’alcarazas
profond silence
noirs soleils des yeux maquillés
requiem de Cimarosa
désespérance
Il pleut des diamants et de l’or
sur une lune de cristal
soleil vert
les amants las s’aiment encore
l’écume sur les sables s’étale
ciel d’hiver
Francis BELLIARD
11 février 2014
Mercredi 22 septembre 2021
(Van Gogh, à droite)
Angélus
Des hameaux mouillés
aux grilles rouillées
rameaux dépouillés
nuages salis
tachant le ciel gris
la pluie clapotis
chacun se blottit
au bourg assoupi
tout est assagi
les lampes s'allument
les cheminées fument
les vieux qui s'enrhument
je vais solitaire
marchant dans la terre
grasse et nourricière
l'averse clapote
les herbes les mottes
collent à mes bottes
aux branches noircies
où s'accroche un nid
les pies sont parties
deux corbeaux s'envolent
mon âne somnole
sous l'abri de tôle
dimanche pluvieux
les prés et les cieux
tout est silencieux
et ma chienne court
au bout des labours
c'est la fin du jour
triste paysage
nulle âme au village
saluant mon passage
vivre est éphémère
songeant à l'hiver
rentre solitaire
sous les cumulus
le soir sent l'humus
tinte l'angélus
Francis BELLIARD
21/11/2010
Mercredi 15 septembre 2021
Que l'histoire tristement se répète ! Nous venons de perdre Gilles, notre ami contrebassiniste du groupe O+ ; en décembre 2018, c'était Jean-Pierre, notre ami ACI cofondateur de cette formation, à mes côtés.
Voici quelques années déjà, je perdais un autre ami. J'avais alors écrit pour lui cette chanson :
Le maillet
(À Éric, mon ami disparu)
Mon ami disparu,
Je pense à toi ce soir
En voyant cet objet
Sur un coin de mon bar :
Et ce n'est qu'un maillet…
Je le tiens dans mes mains.
Il n'a jamais servi
Depuis qu'un beau matin
Cet outil tu m'offris.
Tu avais rigolé
Me voyant dans mon mur
Aussi mal emmanché,
Tapant dans la pierre dure…
En simple menuisier,
Tu fabriquas pour moi,
En orme ou merisier,
Ce bel outil de bois.
Je n'ai jamais voulu
Abîmer ce marteau,
Car tu m'avais ému
Par ce simple cadeau.
Nous connaissant à peine,
Tu vins avec ton cœur
Quand grande était ma peine
Et que coulaient mes pleurs.
À peine reconnu,
Camarade, mon copain,
Tu avais disparu
Aux croisées des chemins.
Tu laissais sur la route
Deux petits orphelins
En pendant sous la poutre
En ce soir incertain.
Pourquoi t'es-tu hâté,
Ne laissant pas le temps
Pour notre amitié,
Et pour les bons moments ? …
Je pense à toi souvent,
Mon frère, mon ami.
Mon cœur saigne en songeant
À toi trop tôt parti.
Il me reste ce bois
Par tes mains façonné
Tout en pensant à moi,
Et que tu m'as donné.
Il est un triste vide
Qui m'arrache le cœur.
Depuis, j'ai pris des rides,
Mais toujours je te pleure,
Mon ami disparu…
Francis BELLIARD
19/05/10
Jeudi 9 septembre 2021
Arrière-saison
J'ai mis à sécher les girolles
et les bogues des châtaigniers
j'ai fait un grand feu d'herbes folles
et j'ai chassé mes araignées
la colombe aux nuages s'envole
par les trous du vieux pigeonnier
mon chat rêve de campagnols
je clos la porte du grenier
l'automne a posé sa langueur
sur les forêts et les étangs
aux champs d'éteules sa tiédeur
jusqu'aux lointains sa paix s'étend
oh ! douceur de l'arrière-saison
par les chemins et par les champs
j'entends d'amères oraisons
et les pleurs de cent gens marchant
voici les grolles[1] croassant
toutes noires sur le tapis blanc
et voici la lune en croissant
tombant des branches dans l'étang
et voilà qu'on plume le ciel
la dame blanche soudain s'élance
aux haies nues durcies par le gel
qu'est cette plainte dans le silence ?
nulle lumière à mes carreaux
aucun feu à mon âtre vide
que le froid derrière mes rideaux
et mon corps roide et si livide
adieu beaux automnes si doux
les lents troupeaux rentrant le soir
et la poésie de Cadou
et les grappes dans le pressoir
adieu à tout ce que j'aimais
enfants qui fûtes mon vin doux
à celles et ceux que j'aimai
voici que je repose en vous
Francis BELLIARD
[1] Grolle : corbeau
Jeudi 2 septembre 2021
Nuit d’été
Oh ! la douceur de cette nuit !…
Marcher dans l’obscure touffeur
des haies et des cultures…
les bouffées de fraîcheur,
les haleines tièdes exhalées de la terre…
Solitaire,
un chien aboie très loin dans la profondeur du soir…
les odeurs montent mêlées de menthe et de jasmin,
du ventre du sol, lentes
et un peu écœurantes…
Francis BELLIARD
Samedi 28 août 2021
Désappointement
Il
s'est approché d'elle
il l'a trouvée belle
elle lui a souri
sous ses beaux cils
lui a tendu la main
dans le petit matin
il a gravi l'escalier derrière elle
si belle
dans la soupente
il a payé le prix convenu
se sont mis nus
dans la pénombre rouge
du néon de l'hôtel
qui bouge
sa peau a goût du sel
du ressac océan
en caresses
ses doigts ont parcouru sa peau de sable fin
et ses seins
et ses fesses
et remontant entre ses cuisses offertes
ouvertes
douceur
il est saisi
d'horreur :
il a saisi
un sexe
mâle en érection!
elle est il
cruelle déception!
quel-est-il?
quelle est-elle,
si belle?…
dans la nuit
malheureux amant, tu t'enfuis...
Francis BELLIARD
Vendredi 27 août 2021
Je viens d'exhumer cette vieille chose de mes tiroirs. Amusant, non ?...
Le dit della dolor
Dolor, ô dolor !
Onc ne me lâcheras
donc !
Attachée à mes pas
Te voici qui m’oppresses, et me pousses et m’essores,
Ô grand’vilaine dolor
Souffrance, ô ma souffrance !
Pourquoi si terrible attachement ?
Conscience, ô ma conscience !
Ne desserreras-tu point un jour
Ta si pressante amour ?
Mal, ô mon mal,
Toi qui tant fort m’étreins,
Je savais bien qu’enfin,
De guerre lasse, je te mettrai à mal.
Las ! En sa main Dieu qui me tient
Bellement fortement, n’a point
daigné
tant belle faveur m’accorder
Las ! m’a remis sur mes deux membres,
Et insufflé le vent de vie dans mes narines
Que je m’en ressens tout en épines
Dans pauvre corps qui m’en cambre
Et que j’ai bien mal encor et en cœur !
Eh quoi, lâche animal ! Vil pécheur !
Tu voulais donc quitter le bord
Avant le port ?
Que nenni !
Je t’interdis !
Vilain mari,
Sombre infidèle,
À toi je suis,
Reste ta belle.
Ô combien il est vrai que tu m’es fidèle, vilaine ma mie,
Et que me traques
Et me matraques !
Que m’importe désormais ?
Car voici, je te le dis,
Méchante compagne de mes nuits :
Tu es perdue, dès ce jour d’hui
Puisque désormais partager devras
La couche de ton vieux mari
Avec le suaire de la Joie et les draps
Avec la belle Lumière du Mai nouveau
Qui s’est allumé en mon âtre très beau.
Vilaine bête, pousse-toi donc un peu
Et fais place en mon cœur à la douceur du nouveau feu.
Francis BELLIARD
Jeudi 26 août 2021
Je vous propose ce jour un poème de Luc Bérimont, illustré de cette toile de Van Gogh (Les peupliers à St-Rémy)...
Rémouleur
Septembre avait l’ardeur d’un chien roux dans les vignes
Une flamme tremblait au bord de la maison
Maintenant, c’est le vent qui dévale les combes
Les arbres calcinés qui rongent les gazons.
La pluie pieds nus, la pluie rôdeuse d’avant l’aube
Marche sur les hangars et les troupeaux transis
La fenêtre capture un vol d’oiseaux sauvages
Qui rament des forêts de bronze dans l’air gris.
Il ne restera rien que le pain, que la neige
Que le layon gelé dans le bas du coteau
Le ciel des quatre vents vire comme un manège
Et l’hiver, sur les grès, aiguise ses couteaux.
Luc Bérimont
(Œuvres complètes T1, Le cherche-midi éditeur – PU d’Angers)
Lundi 23 août 2021
Vous penserez, c'est évident, que ce texte n'est guère joyeux, selon mon habitude...Je le sais. Mais il peut faire réfléchir, je crois. Je ne sais de quand il date : de mon présent passage ici-bas, c'est certain, en un temps totalement indéterminé, où le moral n'était pas au beau fixe, une fois de plus...Mais c'est ainsi. Il est parfois des circonstances, dans cette vie, qui ne prêtent guère à rire, mais qui sont des épreuves proposées à notre construction...à condition d'en tirer la quintessence...
Soir de naufrage
ce soir est un soir de naufrage où l'âme est en dérive
allez savoir pourquoi
me retrouver seul sous un toit
étranger
et vide comme une éponge desséchée
descendre en vrille au fond de tout au fond de soi
au fond de quoi
en fait ?…comme un cadavre de noyé rejeté sur la rive
et sans aucune tristesse ou alors celle de la vanité des choses
remonter moteurs à fond derrière mon hélice qui m'aspire vers le ciel en spirale
déception dégoût mauvais goût dans la gorge quelque lie morose
au bout de tout ce vertige abyssal
qui es-tu à la fin de ces chemins de traverse
trempé de la désespérance des avrils en averses
et pourquoi encore es-tu là dans la vieille fripure de tes vêtements de peau de buffle
à t'entêter à vouloir renouveler les vieilles connexions désuètes
à crier à tue-tête dans ton silence sépulcral
dis que fais-tu ici dans ta vanité insignifiante de tartuffe
à faire naître éternellement d'incertaines chimères
bien sûr comme toujours tu t'accroches au fil ténu des musiques ancestrales
mais tu n'es rien qu'un fantôme sous le myrte une ombre errante
être n'est pas une certitude amère
mais un mirage reflet d'un autre monde
sans plus de réalité que les remous douteux de ta subjectivité délirante
non je ne suis pas car qu'est-on sans le miroir de l'autre qu'une onde
qui ne sait seulement plus où elle en est de sa propre existence
être seul c'est ne pas être puisque nul n'atteste ta présence
quoi de vrai peut déchirer le silence qui t'entoure
épais comme une bouillie de brouillard
de coton et de bourre
où es-tu qui es-tu en quel temps en quel lieu en quel corps
et si tu n'étais qu'un songe un fantasque cauchemar
une suite d'accords
en dissonance
serait-il une frontière entre ce monde et l'autre aussi ténue
qu'une toile de quelque invisible aragne
si donc nul n'est là pour en juger peux-tu prétendre à la raison ou la démence
que sais-tu lors de l'ingénue
de la clémence
du pardon
"At Dido regina…" - "Alors la reine Didon…"
femme qui voyant ton amant s'éloigner de toi pour toujours
te jetas dans le bûcher pour réduire en cendres ton amour
en cendres
pauvre cassandre
quel sens peux-tu donner à tout ce chaos ce fatras
quelle lassitude au bout du compte
que voulait-on que je comprenne
de ce fracas
de l'humaine
épopée de ses contes
et si je n'y comprends rien c'est peut-être qu'il n'y a rien à comprendre
rien à comprendre rien à comprendre rien à comprendre…
…n'y aurait-il rien à comprendre ? …
Frrancis BELLIARD
Jeudi 19 août 2021
Pour changer d'atmosphère, je vous propose un poème d'Yves BONNEFOY, qui évoque en moi de nombreuses images et émotions délicates...
Il pleut sur le ravin
I
Il pleut, sur le ravin, sur le monde. Les huppes
Se sont posées sur notre grange, cimes
De colonnes errantes de fumée.
Aube, consens à nous aujourd’hui encore.
De la première guêpe
J’ai entendu l’éveil, déjà, dans la tiédeur
De la brume qui ferme le chemin
Où quelques flaques brillent. Dans sa paix
Elle cherche, invisible. Je pourrais croire
Que je suis là, que je l’écoute. Mais son bruit
Ne s’accroît qu’en image. Mais sous mes pas
Le chemin n’est plus le chemin, rien que mon rêve
De la guêpe, des huppes, de la brume.
J’aimais sortir à l’aube. Le temps dormait
Dans les braises, le front dans la cendre.
Dans la chambre d’en haut respiraient en paix
Nos corps que découvrait la décrue des ombres.
II
Pluie des matins d’été, inoubliable
Clapotement comme d’un premier froid
Sur la vitre du rêve ; et le dormeur
Se déprenait de soi et demandait
À mains nues dans ce bruit de la pluie sur le monde
L’autre corps, qui dormait encore, et sa chaleur.
(Bruit de l’eau sur le toit de tuiles, par rafales,
avancée de la chambre par à-coups
dans la houle, qui s’enfle, de la lumière.
L’orage
A envahi le ciel, l’éclair
S’est fait d’un grand cri bref,
Et les richesses de la foudre se répandent.)
III
Je me lève, je vois
Que notre barque a tourné, cette nuit.
Le feu est presque éteint.
Le froid pousse le ciel d’un coup de rame.
Et la surface de l’eau n’est que lumière,
Mais au-dessous ? Troncs d’arbres sans couleur,
rameaux
Enchevêtrés comme le rêve, pierres
Dont le courant rapide a clos les yeux
Et qui sourient dans l’étreinte du sable.
Yves BONNEFOY
[Les planches courbes ; NRF Poésie/Gallimard]
Dimanche 8 août 2021
Ci-après, les paroles d'une de mes chansons :
La douce-amère
On l’appelait la douce-amère
Dans les rangs toujours la dernière
Les autres disaient qu’elle était fière
C’était la fille de l’épicière
Y’en a qui lui lançaient des pierres
Ils la trouvaient particulière
C’est vrai qu’elle ne souriait guère
Et qu’ses vêt’ments n’dataient pas d’hier
Y’avait des larmes sous ses paupières
Et des trous à ses pull-overs
Même l’hiver
Il l’a croisée en bord de mer
Adolescente solitaire
Elle n’était plus cette écolière
Au creux de ce chemin de terre
Il l’appelait ma douce-amère
Elle avait connu la misère
Lui trouvait pas qu’elle était fière
Il la trouvait particulière
Dans ses yeux y’avait d’la lumière
Le vent jouait dans ses mèches légères
Il aima sa démarche altière
Et la fleur à sa boutonnière
Des larmes coulaient sous ses paupières
Elle tremblait sous son pull-over
C’était l’hiver
Il l’a aimée au bord de mer
Au creux de ce chemin de terre
Ne sois plus jamais solitaire
Sois plus jamais qu’ma douce-amère
Francis BELLIARD
La Bourrache, 13 janvier 2018
Jeudi 5 août 2021
Très ancien poème exhumé des archives, du temps que j'étais jeune...
Tiens, je t’offre ma mélancolie
Cet accord mineur neuvième
je te l’offre à ce moment
où j’ai un très gros paquet sur le cœur
ou dans la tête, peut-être,
en pensant à toi,
ma folie suprême…
…je t’offre les chalands de Seine
les quais de Seine
les rues du Paris d’automne
où nous promenons en flânant
les boutiquiers
les enseignes, les pavés,
les bistrots, la pluie
du soir…
toi blottie contre mon bras
heureuse
insouciante
regagnons notre nid sous les toits
découvrons notre amour
tout nu, sans habits,
à dormir, à corps perdu,
à rendre l’âme…
sortir sous son pull
à Montmartre la nuit
l’escalier
la taverne où festoyons
aux bougies, à l’alcool
de nos yeux
loin des réalités des choses
seuls nous deux
à nous aimer
le rêve
je t’emmène
prends mon bras
prends ma taille
repose à mon épaule
et partons à jamais
à dérive
tous deux
tant belle folie !
Tiens ! tu sais, ce jour d’hui
j’ai joué au piano
quelques accords mineurs
sans fin, et tristes, et beaux :
je te les offre, avec mon mal de toi !
Vendredi 30 juillet 2021
Je n'ai pas conservé la date de ce poème, mais il date d'il y a fort longtemps, entre quarante et cinquante ans, dirais-je...
Il n’y a plus de feu ce soir mon amour
Il n’y a plus de feu ce soir mon amour
que quelques braises que j’attise en vain
car il n’y a plus de bois mon amour
plus de bois à brûler.
La chaise basse est seule
face au foyer noirci, face à ces quelques braises
qui meurent ;
très doucement aussi meurt Ysolde
aux archers de Wagner à la télé
ce soir très tard.
Il n’y a plus de feu ce soir mon amour
que ce grand vide en moi cette grande tristesse
les enfants que l’on aime, et ce très grand dégoût
des choses – il faut vivre
sans écrire, sans créer,
sans penser, conformément à sa propre volonté - ;
mon père disait : « L’amère joie du sacrifice »…
Cette grande lassitude au fond de moi…
Vois-tu on ne sait jamais tout le mal qu’on fait
mais si on ne faisait rien, que serait-on ?…
Comme je me sens détaché des choses et
cependant tant de bouffées de chaleur sommeillent en moi
comme ces braises sous la cendre.
Il n’y a plus de feu ce soir mon amour
parce qu’il n’y a plus de bois ;
le soufflet traîne sur le carrelage froid
j’ai abandonné la chaise basse.
Rougeoie-t-il cette nuit vraiment sous la cendre
quelques braises à cet âtre sans feu ?…
Francis BELLIARD
Dimanche 25 juillet 2021
Voici un poème que j'ai composé il y a fort longtemps, inspiré par le célèbre artiste Folon :
Lundi 12 juillet 2021
Encore les paroles d'une de mes chansons, née également du confinement premier...
Dimanche 4 juillet 2021
(Chanson)
Dans l’ombre la lampe brûle
Dans l’ombre la lampe brûle
C’est ici ta maison
Chaque objet te le rappelle
Et le chien t’appelle
Les ombres du crépuscule
Assombrissent nos fronts
Sous la lampe tournent les phalènes
Et les heures s’égrènent
Les aiguilles de la pendule
Tournent et tournent en rond
Voici l’heure de tes départs
Et l’on se sépare
Cet amour qui nous brûle
Jusqu’à la déraison
Et toujours cette alternance
D’étreintes, de silences
Dans l’ombre la lampe brûle
C’est ici ta maison
Chaque objet te le rappelle
Et moi je t’appelle (bis)
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 03/07/2014
Samedi 3 juillet 2021
Anne et Martial
(Chanson)
La pluie a chassé les passants
passants pressés en parapluie,
les enfants jouent aux caniveaux,
on referme ses contrevents,
l'asphalte luit
sous les autos
La pluie a noirci les façades
sans façon effacé les affiches
les cheminées de brique fument
une suie liquide embrigade
les maisons riches
qui s'enrhument
La pluie a mouillé les salades
les choux, les feuilles du lilas
au jardin soudain tout changé
cet automne a un goût très fade
le ciel est bas
comme étranger
La pluie a glissé aux vitrines
les mille gouttes de lumière
déchirent le visage des gens
qui sous le porche s'agglutinent
contre la pierre
sont deux amants
La pluie clapote sur les toits
et dégringole dans la dalle
le vent fait claquer le volet
dans la soupente, sous les toits,
Anne et Martial
se sont aimés
Francis B ELLIARD
Marans, le 22/11/78
(Chanson - ci-dessous)
Lundi 21 juin 2021
Voici les paroles d'une chanson née du confinement, puisqu'il m'était impossible de chanter pour les gens, alors je chantais pour mes oiseaux...
Je chante pour les oiseaux
Je chante pour les oiseaux
Qui vivent sous mon préau
Mes tourterelles mes moineaux
Mes pinsons mes passereaux
Et aussi pour trois petits lérots
Été comme hiver frappent à mon carreau
Je chant’pour le peuple des oiseaux
J’ai la visite des mésanges
Qui jamais ne me dérangent
Le roug’gorge et le pinson
Écout’sag’ment mes chansons
Par la porte ouverte de ma maison
Sont ma compagnie en toutes saisons
Je chant’pour le peupl’ de ma maison
Je n’chante plus pour les gens
Qui n’sont pourtant pas méchants
Qui vivent dans un autre monde
Mon âme est libre et vagabonde
Navigue toujours au fil de l’onde
Ne m’écoutez pas mon âme divague
Comme ballotée au fil des vagues
Je chante pour les oiseaux
Pour les petits et les gros
Qui volent au-dessus des eaux
Ceux qui volent dans les roseaux
Et qui planent dans l’azur très haut
Vous qui mes amis volez dans les nuages
Portez mes chansons dans vos voyages
Je n’chant’plus qu’pour les oiseaux
Qui accompagn’ront mon tomb’reau
Vers le cimetièr’du village
Sans se soucier de l’orage
Qui assombrira le paysage
Chantez et chantez mes petits moineaux
Enchantez mon âme pour son repos
Francis BELLIARD
La Bourrache le 27/06/20
Mardi 15 juin 2021
C'est un soir d'été
C'est un soir d'été, un soir de pénombre :
c'est la volupté des senteurs dans l'ombre,
c'est un chèvrefeuille qui embaume,
c'est ta voix, caresse, comme un baume…
La fraîcheur qui monte du jet d'eau :
Oh ! La chaleur revêt son manteau…
Ta main timide qui m'effleure,
ton souffle enfiévré, ta langueur…
un frisson soudain me parcourt,
des voix murmurent dans la cour,
la maison ouvre ses persiennes sous le lierre,
des airs au piano nous parviennent, un éclair
a furtivement nimbé les buis…
Par bouffées l’air du soir sent la pluie.
Allons! Il est l'heure. Gagnons la chambre.
Nos draps ont le doux parfum de l'ambre,
et, par la fenêtre, quelques bruits
montent, comme jaillis de la nuit :
un homme au loin fredonne sa peine…
des rires étouffés…un phalène
s'est pris les ailes aux rideaux…
le cri nocturne d'un oiseau…
S'emmitouflant dans son halo,
la lune en blanc, telle un falot…
Le vent d'orage qui nous vient, le tilleul
exhale à plein tous ses parfums et les feuilles
s'agitent à grand bruit dans le jardin…
Tu dors et ton corps sent le jasmin…
C’est un soir de paix dans la pénombre
C’est la volupté des amants dans l’ombre
La sérénité gagne la chambre
Les draps ont le frais parfum de l’ambre
Gourvillette le 01/03/03
Cette chanson-là
pour écrire cette chanson-là
il en aura fallu tant d’autres auparavant !
il aura fallu tant de joies et de peines auparavant !
il aura fallu tant d’amours déçues
et tant de jours sans gloire !
il aura fallu toute mon histoire
pour aboutir ce jour à cette chanson-là
la plus belle peut-être, la plus touchante
pourtant tout n’est que futilité je crois…
cependant cette chanson-là n’est pas futile :
elle te dira combien je t’aime
et je te l’offre à bout de bras à bout de cœur
à bout de larmes
à bout de chemin aussi
et tu es le bout de mon chemin …
Francis BELLIARD
Vendredi 21 mai 2021
Caresse
Caresse
ô mon amante
comme un nard
rare
de l’amphore versé
comme huile de benjoin
sur un corps renversée
comme brise d’un été ancien
aux rumeurs de la mer
au parfum iodé de dune
et d’huître
caresse
ô mon amante
comme la paix d’une prière
comme coule le sable entre les doigts
tes doigts la douceur infinie d’alizés
qui me portent et m’emportent
vers ces îles lointaines
où se penchent des palmes
qu’une brise balance
caresse
ô mon amante
caresse-moi encore
ta main est plus légère
que duvet de palombe
que le mufle des bêtes
qui mangent dans mes mains
que le souffle de l’âne
sur mon âme blessée
apaise ma douleur
ô mon amante
Sais-tu bien le pouvoir
de ta seule présence ?
…que du noir catafalque
où gis comme un noyé
tu fais le blanc vaisseau
au roulis de berceau ?...
caresse
ô mon amante
comme une aile une voile
en un nid
où l’orange et le bleu
et le vert et le roux
m’enivrent et me ravissent
cet ailleurs merveilleux
où je marche avec toi
sous cent sycomores centenaires
six cèdres du Liban
majestueux et sombres
sur des mousses très douces
où des sources murmurent
en ce pays d’amour
et je m’y sens serein
apaisé hors du temps…
inespéré miracle !
…et c’est toi,
ô mon amante merveilleuse !...
Francis BELLIARD
30 mai 2015
Dimanche 16 mai 2021
Le chat sommeille au coin de l’âtre
L’aïeule a des rêves bleuâtres
En ses souvenirs en fouillis
Du berceau fuse un gazouillis
Le chat sommeille au coin de l’âtre
Aux chemins blanchis d’aubépines
Aux frais tapis des fleurs des champs
De joyeuses bandes d’enfants
En folles rondes enfantines
Puis vient l’amour, le mariage,
Et toute une vie en partage,
Et puis les enfants qui grandissent…
Aux jours vieux s’écaillent les plâtres
Les veines aux poignets bleuissent
Et l’on somnole au coin de l’âtre…
Francis BELLIARD
17/12/2015
À paraître bientôt…
Mardi 11 mai 2021
Je suis sur le point de commander à un imprimeur la fabrication d’un recueil de toutes mes chansons (150), textes et musique (leurs paroles et leurs partitions écrites – solfège, donc).
Il ne s’agit pas d’enregistrements vocaux de mes chansons mais bien uniquement de leurs paroles accompagnées de leurs musiques écrites.
Originellement prévue pour ma descendance, j’ai décidé de faire profiter de cette publication le plus large public, à prix coûtant.
Si vous souhaitez acquérir cet ouvrage, je vous propose de le commander dès maintenant, afin que je sache quelle quantité je dois prévoir.
L’ouvrage sera édité sous 3 formes :
- 21 x 29.7 relié anneaux métalliques, paroles et musique en vis-à-vis ;
- idem mais broché ;
- uniquement les paroles.
Les ouvrages destinés aux musiciens seront reliés avec des anneaux métalliques, afin de permettre une manipulation plus aisée du recueil sur un lutrin.
Si vous êtes intéressé-e-s, merci de passer commande avant le 30 mai 2021, via mon adresse mail ci-dessous :
Lundi 11 mai 2021
Cette interrogation n'est pas morbide, elle est naturelle. Il me revient en même temps le souvenir de cette fable de La Fontaine, apprise à l'école primaire jadis, et qui m'avait marqué : La mort et le bûcheron. Je vous la livre ci-après.
Au dernier instant
On n’est jamais prêt pour mourir.
On est étonné et l’on se dit :
« Déjà ? Attends ! C’est trop tôt !
J’avais encore tant à faire… »
Hélas ! On n’y peut rien.
L’heure arrive. La dernière.
J’aimerais partir le sourire
aux lèvres,
au cœur l’amour
et le pardon.
Mais ça, c’est ce que je souhaite…
Que se passera-t-il vraiment,
Au dernier instant ?...
Francis BELLIARD
29 /07/2014
La mort et le bûcheron
Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire
C'est, dit-il, afin de m'aider
À recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d'où nous sommes.
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes.
Jean de la Fontaine
Samedi 8 mai 2021
Je me croyais poète
Je me croyais poète...
mais je ne le suis pas.
J'ai compris un beau soir
en parcourant vos œuvres
amis poètes véritables
mes contemporains
que je n'étais qu'un traîne-savates
un saltimbanque un maraudeur
usurpateur profanateur...
alors,
laissez-moi errer encore
par mes chemins de contrebande
de faux-saunier de loup-garou
par mes routins des bois
qui sentent les garrets[1]
l'humus et le moisi
des époques anciennes...
Je ne le savais pas
que désormais la
poésie ne doit
être qu'intellectuelle
absconse abstruse arcanes
secrète et verrouillée
et qu'il faut n'y jamais
épancher ses tourments
et ses peines et ses joies
ses interrogations...
Moi
je m'offre à vos balles
comme un oiseau blessé en plein ciel
et qui tournoie et qui palpite
perdant ses plumes
et son sang...
comme un galet roulé meurtri
sous les doigts multiples des rouleaux
des colères océanes et des pluies d'orage
Je m'offre blessé ce soir avec mes désespoirs
avec mes plaies vives
mon cœur qui palpite
avec mes joies
avec mon amour
comme vous
je suis
comme vous
un homme
avec mon immense faiblesse,
si vulnérable,
simplement,
un homme...
La Bourrache, 5 décembre 2011
[1] Labours
Vendredi 30 avril 2021
Maman me parle de notaires
Maman me parle de notaires
d’héritages
de partages
d’usufruit
elle me parle de mon père
de cousins
lointains
de maladies
elle me parle de mes frères
de ses brus
des bévues
de la vie
elle me parle de sa mère
d’un vieux temps
différent
d’aujourd’hui
et moi je ne sais que me taire
une pensée insensée
me poursuit
mais qui donc pourrait me distraire
du désespoir
des idées noires
comme la suie
maman me parle de notaires
et de ventes
et il vente
dans ma nuit
et moi je repense à mon père
ce disparu
cet inconnu
maman me parle de notaires
et moi je ne puis que me taire.
Francis BELLIARD
19 octobre 2003
Vendredi 30 avril 2021
Voici que s’annonce un temps de froidure
Voici que s’annonce un temps de froidure
aux gris des ciels gris les cris des corbeaux
me l’ont dit tantôt :
voici que s’annonce un temps de froidure
le souffle glacé des brouillards atones
fait que je frissonne
voici que s’annonce un temps de froidure
les feuilles sont mortes des feuilles mouillées
me collent aux souliers
le souffle est glacé des brouillards d’automne
au fond de son trou le grillon se terre
j’ai peur de l’hiver
le souffle est glacé des brouillards d’automne
mes enfants perdus aux chemins de pluie
mes enfants enfuis
sur les champs d’éteules on voit des vanneaux
mes amours déçues je vous ai flétries
j’étouffe mes cris
sur les champs d’éteules on voit des vanneaux
mes amis perdus je ne vous vois plus
au coin de ma rue
les feuilles sont mortes le vent les emporte
les croque-mitaines cognent à mon huis
que noire est la nuit
les feuilles sont mortes le vent les emporte
tu vois c’est l’automne la morte saison
et ses gris poisons
je sais que s’annonce un temps de froidure
au fond de son trou le grillon se terre
j’ai peur de l’hiver
je sens que s’approche un temps de froidure
Francis BELLIARD
19 octobre 03
Vendredi 30 avril 2021
À ton pied
Songeant à tes Noëls passés,
Voilà qu’il me vint à l’idée
- Quel casse-tête pour le cordonnier ! -
De t’écrire en vers à huit pieds.
Bien peu de chose en vérité
Que ce bien trop petit paquet
À mettre dans ton p’tit soulier
En gage de mon "ami-pied".
Rien de touchant, je dois l'avouer,
De troublant même - j'en fus gêné -,
Rien de sensuel - pourquoi le nier ? -,
Rien d'émouvant plus que ton pied…
Francis BELLIARD
Mercredi 29 avril 2021
Si l’hiver vient tant redouté
Si l’hiver vient tant redouté
aux pointes des rameaux édentés,
j’en mourrai
En sommes-nous déjà à l’automne
Puisque tes visites s’échelonnent ?...
N’est-ce pas le glas qui sonne ?...
Oh ! Ta silhouette souveraine
Qui dans la brume s’estompe à peine !...
Je la couvre d’une mante de laine,
Belle, ma reine !...
Voici que le vent tourbillonne
sous mon préau qui s’étonne
et les feuilles mortes frileuses
courent comme des malheureuses
aux quatre coins de mon jardin
à l’enterrement du baladin
Je n’ai pas prévu de mitoufles
en chaude laine de mouton
pas plus que de chaudes pantoufles
ni de châtaignes ni de marrons
et la mite a mangé mon écharpe
mes chaussettes et mon capuchon
Au verglas de la contrescarpe
de ton cœur attiédi pour moi
j’ai peur de riper tout au fond
mon cœur casser comme une noix
mes os briser comme cristal
contre la paroi de métal…
J’entends les corbeaux sinistres
tout au long des écorces bistres
rongées par la bise du nord
aux troncs gelés que le froid mord
Oh ! dis-moi qu’il n’est pas mort
cet amour si pur et si fort
qui nous emporte en corps à corps
au cours de nos étreintes folles
que tes baisers dont je raffole
sur mes lèvres encore vont pleuvoir
pour apaiser mon désespoir…
Oh ! Dis-moi que tu m’aimes encore
que l’heure n’est pas au vent du Nord
à la bise qui mord les pierres
car les roses ne résistent guère
aux lourds flocons de l’hiver
et mon cœur
est une fleur…
Francis BELLIARD
09 septembre 2012
Dimanche 25 avril 2021
Regarde-moi
Dis, regarde-moi
dans la lumière des trembles
sous les nuages
aux eaux dormantes des étangs
Ton écharpe
un peu s'échappe
aux doigts du vent passant
et ton regard tremblant
sous tes cils battant
Oh ! Dis-moi !...
ta main qui court...
l'appel d'un oiseau blanc
passant sur les prairies
Ton chemisier
qui cache mal tes trésors
sous l'or du soir
qui tombe,
qui tombe...
Et l'angélus
qui tinte sur les toits
et marque l'heure
de ton départ...
gouttes dans le silence du soir
...et tes larmes !...
Dis !...regarde-moi !...
Francis BELLIARD
29 avril 2012
Dimanche 25 avril 2021
Eh !...Eh !...Cette fois-ci, j'innove. Je vous offre non seulement les paroles de cette valse-java que j'ai composée en 2018, mais aussi sa musique. Juste histoire de voir s'il en est parmi vous que ça intéresse...Bien évidemment, vaut mieux connaître le solfège dans ces cas-là...Vous me direz si cette formule vous plaît et si vous en souhaitez d'autres...
Vous, Madame, m’apparûtes soudain, si belle,
Légère et gracieuse, Madame, telle éclat de lumière
Oui, madame, souriant météore, si frêle,
Si pâle et si fragile, Madame, nos regards se croisèrent.
Jamais flèche ne perça
En plein cœur un vieux soldat
Aussi douloureusement
Assurément
Jamais amour ne brûla
Mon âme de ce feu-là
– Qu’on me damne si je mens –
Si follement.
Madame, arrêtez-vous,
Dites, que vos yeux doux
Voient mon tourment.
Je vous ai parlé, Madame,
Je ne me souviens plus,
Ça n’a pas d’importance,
Les mots qui se sont dits ;
Il me fallait à tout prix
Suspendre votre partance.
Je voulais vous retenir,
Vous garder avec moi,
Vous prendre par la main.
Tout ce que votre sourire
Faisait naître d’émoi
Effaçant mes chagrins !
Vous, Madame, discrète visiteuse, rieuse,
Si douce et lumineuse, Madame, j’aime votre sourire
Oh ! Madame, que vos épaules nues, soyeuses,
Vos étreintes me grisent, Madame, je vous aime à mourir.
Même la pieuse Héloïse,
Qui d’Abélard fut éprise,
Ne fut tant aimée sans doute
Que vous somme toute.
Ô ma reine, ô ma princesse,
Frissonnez sous mes caresses,
Aux baisers qui vous affolent
Dont je raffole.
Madame, souvenez-vous
Dites, de nos jeux fous,
De nos serments.
Je fus votre amant, Madame,
Vous en souvenez-vous ?
Ça n’a pas d’importance,
Tout tombe dans l’oubli,
Tout au long de mes jours gris
Retrouve mon errance.
Je voudrais juste vous dire
Avant mon grand voyage :
Sois belle et radieuse
Laisse-moi ton doux sourire
En guise de bagage
Et sois toujours heureuse.
Francis BELLIARD
La Bourrache, 28 octobre 2018
Mercredi 21 avril 2021
Lumière de février
Je veux coudre un grand drap de lumière
avec des rayons de lune
pour réchauffer notre amour
réchauffer ton corps
de mon haleine
et ce serait comme la brume d'un matin d'été
bercer ta douleur
de la rumeur tranquille des ressacs
des grèves désertes
caresser ton corps
des brises les plus tièdes
pour t'enlever en des sphères lointaines et douces
où comme une grenade
explose le cristal
du bonheur
Francis BELLIARD
13/02/2012
Dimanche 11 avril 2021
Si la lecture d'un long poème ne vous rebute pas, alors, je vous invite au cœur des forêts...
NB : je vous ai ajouté – pour faire bon poids bonne mesure – un poème de Ronsard sur la même thématique.
Bon courage !
Bel arbre de mes bois
Bon géant de mes bois
Solide tel un roi
Les pieds comme en ciment
Élançant fièrement
Tes branches dans le vent
Tu touches aux nuages
En troupeaux gris et blancs
Qui, eux, sont en voyage
Toi tu restes toujours
Et toujours bien sage
Là où tu vis le jour
Il y a bien longtemps
Peut-être bien mille ans…
J’ai connu ta ramure
Sous les ciels de printemps
Aussi le doux murmure
De tes feuilles au vent
La fraîcheur de l’ombrage
Que tu offres au passant
Aux chaleurs de l’été
Tu as toujours été
L’ami le confident
De mes joies et mes peines
Ta rude écorce grise
Que je sens sous mes veines
Me rend fort et j’y puise
Une énergie nouvelle
J’entends dans tes branchages
Le chant des tourterelles
Racines souterraines
Chevelure de reine
Tu demeures j’en suis sûr
Des elfes et des sylphes
Des êtres de la sylve
La demeure la plus sûre
L’air pur que je respire
Je le dois à tes feuilles
Qui tremblent et qui transpirent
L’eau précieuse recueilles
Et ta sève t’élève
Trente mètres en l’air
Sans repos ni sans trêve
Et ton feuillage est vert
Depuis le Moyen-Âge
Tu résistes aux tempêtes
Aussi bien qu’aux orages
Tu résistes aux disettes
Aux morsures des frimas
À bien des sécheresses…
Bel arbre qui donnas
Avec tant de largesse
Dans ta bogue épineuse
Châtaignes enchanteresses
Bellement farineuses
Sauvant de la famine
Cent et cent pauvres gens
Dans leurs sombres chaumines…
Alentour te serrant
Avec tes compagnons
Doux et silencieux
Vous poussez vos moignons
L’hiver vers les cieux
Les giboulées de mars
Giflent vos branches nues
Et vous livrent éparses
Cette pluie bienvenue
Quelle paix souveraine
M’apaise ! Et je ressens
Au sein de ce domaine
Le pouls de votre sang
Et vibrer votre force
Et je me sens serein
À toucher votre écorce
Y appuyer mes reins
Par-delà les épines
Explosant le silence
Le bruit d’une machine
Et l’odeur de l’essence
Oiseaux à tire d’ailes
Fuyez sans réfléchir
Oh ! Dieu ! Les criminels !
Voici qu’ils te déchirent
La chaîne te dévore
Et mord dans ta chair tendre
Telle ivre carnivore…
Eh ! Comment te défendre ?...
Impuissant tu gémis
Et commences à te fendre
Et puis un craquement
Comme un cri d’agonie…
Un grand basculement…
Tu t’abats lourdement
Agrippant au passage
De tes muets compagnons
Les ramures si sages
Parmi les champignons…
Revenu le silence
J’ai grand-mal à mon cœur
À sentir les fragrances
Et toutes les odeurs
D’humus et de l’essence
Et de sciure et de terre…
Dix siècles vertical !
Te voici c’est étrange
Allongé solitaire
Tout à l’horizontale !
Bel arbre de ma forêt
Ce grand corps
Allongé…
Tu es mort !...
Francis BELLIARD
le 09/03/16
NB : le chêne a une longévité possible de mille ans pour une hauteur de 30 m ; le châtaignier vit moins longtemps (cinq cents ans).
Contre les bucherons de la forest de Gastine (extrait)
Escoute, Bucheron (arreste un peu le bras)
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas,
Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force
Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ?
Sacrilege meurdrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de destresses
Merites-tu, meschant, pour tuer des Déesses ?
Forest, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le Cerf solitaire et les Chevreuls legers
Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere
Plus du Soleil d'Esté ne rompra la lumiere.
Plus l'amoureux Pasteur sur un tronq adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé,
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette :
Tout deviendra muet : Echo sera sans voix :
Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue :
Tu perdras ton silence, et haletans d'effroy
Ny Satyres ny Pans ne viendront plus chez toy.
Mercredi 31 mars 2021
Au pays de l‘ailleurs
Le fleuve coule, coule et coule le temps
Le sable s’écoule et coule, au fond de l’ampoule
La brume s’enroule aux saules, aux aulnes des rives
La barque glisse et glisse au courant de l’eau
Les roseaux ondulent
Les feuillages bruissent
Le vol d’un courlis
Et la barque nous emporte, portée par le vent
À travers les rizières, les monts du Levant
Paysages ennoyés de brouillard et de rêve
Au pays de l’ailleurs.
Francis BELLIARD
21/04/15
Mercredi 24 mars 2021
Les armoires
Ô, luisantes armoires
de nos grand-mères,
vous gardez la mémoire
de vos mystères.
En loupe de noyer,
d’aulne ou de chêne,
en hêtre, en merisier
ou bien en frêne,
vous êtes les gardiennes
de pieux secrets,
des dentelles anciennes
aux doux billets.
Adossées de guingois
à un mur blanc,
vous tenez tête au poids
de tous vos ans.
Et vos portes s’entrouvrent,
doucement grincent ;
la poussière qu’on y trouve
date des princes.
Au fond de vos tiroirs
de vieux atours
ou quelques vieux grimoires
dorment toujours.
Est cire votre patine,
si douce aux doigts,
quand le chiffon satine
tout votre bois.
Et quand viennent du soir
les derniers feux,
ô, luisantes armoires !…
quel éclat merveilleux !
Francis BELLIARD
29/01/04
Mercredi 17 mars 2021
Ô, eau !...
De ce creux de mousse humide,
à l’ombre
des rochers de granit
où s’accrochent, orangés, jaunes et gris,
les lichens,
goutte à goutte,
tu perles,
lumineuse source de vie,
Eau vierge…
Et je lève les yeux sur les cimes
étincelantes comme les quartz,
sur les gazons piquetés
d’œillets nains, de lotiers corniculés,
et de serpolets odorants…
Un souffle glacé venu des névés
me fait frissonner…
Ton mince filet vivant
brille en coulant sur les herbes vertes
et la mousse,
et la tendre renoncule d’or,
et la pudique parnassie
aux pétales de neige
explosent de ta vie,
Eau de vie…
Et tu sourds soudain d’un fouillis
de verdure, d’herbes exubérantes,
dans la fraîcheur d’un sous-bois,
sous le regard sombre
des géraniums sylvestres,
Eau vive…
Et j’ai toujours aux lèvres
le souvenir glacé
de ton baiser insipide,
Eau, pure fille des glaciers…
Je marchais dans le nuage épais
en regagnant le chalet :
ma barbe est constellée
de tes gouttes précieuses,
Eau forte…
J’étais assis à l’ombre d’un néré,
sur ta terre primitive,
rouge sang,
tavelée de rares taches de verdure grise,
Sahel ;
à moitié nu,
ruisselant de mille gouttes
de sueur
sous la chaleur
comme d’un four :
d’un puits au ras du sol
encombré de troncs morts,
un groupe d’enfants noirs, nus ;
une fillette,
du bout d’une longue corde,
hâle péniblement, d’un seau,
un peu d’eau
qu’elle emporte sur sa tête…
Et, Afrique, quand tu m’accueilles
dans ce village,
c’est toi qu’on m’offre,
source de vie,
étonnamment fraîche,
puisée au canari de terre,
et je te bois à même la calebasse…
Et, le dos au néré, solitaire,
je reçois en offrande cette image lointaine :
le marigot aux tortues,
et le couple lent et mythique
d’un enfant noir
sur le dos de son âne,
longeant la mare
où continue de s’évaporer
l’eau de ce marigot…
Eau, sur notre planète,
sans toi, il n’y a rien,
pas âme vivante,
pas même une algue
ou un nostoc…
Eau des ruisseaux, eau des rivières,
des fleuves, des mers, des océans,
eau des lacs, des nuages, des pluies,
eau des neiges et des glaces, des forêts,
des prairies…
Eau, présente en chaque être qui vit,
dans le moindre brin d’herbe,
souveraine, invisible,
menacée…
Eau, goutte, lumineuse perle,
merveilleuse larme,
dans l’univers
du néant…
Francis BELLIARD
Sans date
Mardi 16 mars 2021
Paroles d'une de mes chansons :
Alouette
Alouette des champs
Au-dessus des roseaux
Vers le ciel en tournant
Monte, petit oiseau
Le vent frais du printemps
T'emporte vers l'azur
Les trilles de ton chant
Font comme un doux murmure
Au-dessus des blés verts
Qui bruissent doucement
Et de l'or des ficaires
Des doux vallonnements
L'enfant cherche aux nuages
Ce point noir dans l'étain
Mais en vain ton image
Et ton chant sont éteints
Comme goutte de pluie
Tombant du haut des airs
Ce trait noir et sans vie
C'est toi comme une pierre
Et l'enfant guette anxieux
Le retour de ton chant
Ton envol vers les cieux
Alouette des champs
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 26/12/09
Samedi 6 mars 2021
Miracle
Petit moineau
transi
par la vie
tu picotais
aux vitres
mendiant quelques miettes
d’amour
un peu de chaleur
Tu es resté derrière la vitre
transi
par la vie
ébouriffé
égratigné
blessé
cassé.
Et puis quelqu’un est venu
s’est agenouillé
dans l’herbe glacée
quelqu’un qui t’a pris
au creux de ses mains
tout doucement
délicatement
a posé ses lèvres
sur ton plumage sali
t’a caressé de ses doigts fins
si doux
t’a parlé tout doucement
tendrement
t’a nourri de mie et de miel
t’a réchauffé comme un soleil…
Il n’y a plus le long hiver
tu n’es pas mort de froid
tu as trouvé ta place
au chaud du nid de son cœur
et tu vis de sa chaleur,
petit moineau…
Francis BELLIARD
Dimanche 28 février 2021
Ce sont les paroles d'une de mes chansons que je vous livre ci-après, sur un thème classique...
Pâques
Robinson Crusoé,
Tu es abandonné
Sur le rivage,
Après le naufrage,
Seul, face à l'océan,
Face aux vents.
Robinson Crusoé,
Non, tu n'as pas pleuré.
Tu t'es assis
Près des oiseaux gris,
Seul, face à l'océan,
Face aux vents.
Robinson Crusoé,
Tu as exploré
En capitaine
Ton nouveau domaine,
Chaque recoin de l'île,
Tranquille.
Robinson Crusoé,
Tu n'as pour subsister
Que coquillages,
Et les fruits sauvages.
Tu es maître de l'île,
Loin des villes.
Robinson Crusoé,
Te voici isolé
Sur ton rocher,
Roi sans sujet,
Maître des goélands
Indolents.
Robinson Crusoé,
Tu restes prisonnier
Sur tes rivages
Aux vagues sauvages…
Personne à qui parler,
À caresser…
Robinson Crusoé,
Tu as presque oublié
Qui tu étais,
Toute humanité,
Aux parfums enivrants
De l'océan.
Robinson Crusoé,
Tel un nouveau Noé,
Sans animaux,
Ton dernier vaisseau
Est à l'ancre à jamais,
À jamais…
Francis BELLIARD
23/04/2000
Mardi 16 février 2021
Ce sont les paroles d'ue de mes chansons, cette fois encore, que je vous propose...
Dimanche 7 février 2021
Pour essayer de faire pardonner les défections provisoires de mon blog, je vous offre, avec les paroles de cette chanson que j'ai composée il y a fort longtemps, celles d'une autre tout aussi ancienne de mes chansons (à deux ans près...c'est négligeable, au vu de mon grand âge...)
Resouvenance
Comme un très doux parfum d'œillets ou de roses
flotte en ce lieu désert, étrange et calme…
Un geai se pose
sur une palme,
en confiance…
Comme une très douce brise berce les branches…
Il y a des voix de femmes et des enfants rient…
Des herbes penchent….
Mais aucun cri
dans le silence…
Comme une douce tiédeur passe dans l'air pur…
Arabesques molles des insectes ivres…
Une source murmure…
Il fait bon vivre
sans défiance…
Comme une douce musique glisse et se brise…
entre les blanches colonnes volent des colombes…
Une femme assise…
ses cheveux tombent…
ô ! délivrance!….
Comme en un rêve calme où tout est serein,
des femmes nues se baignent à la fontaine…
Dieu!…qu'on est bien
loin de la haine,
ô ! la partance!…
Comme un blanc goéland plane au ciel sombre,
sous toute sa toile le bateau roule…
de vagues ombres
fuient sous la houle…
ô ! l'espérance!…
Comme au très doux printemps, les amandiers blancs
en ce pays lointain, étrange et calme…
Comme à l'enfant
le vin de palme
porte insouciance…
Comme très douce caresse au lion sauvage,
tout, ici, n'est que paix, amour et douceur…
Que tout est sage!…
Tout est en fleurs!…
Ô ! mon enfance!…
Marans, 03/01/01
Dimanche 7 février 2021
Quand tout est brisé
C'est un lit défait
C'est des draps glacés
C'est un âtre froid
Un chien qui aboie
Un amour brisé
C'est un arbre tendu
Aux branches tordues
C'est des feuilles mortes
C'est des amours mortes
Des amours brisées
C'est une croix noire
Croire ou ne pas croire
C'est de lourds nuages
C'est le vent d'orage
Des branches brisées
C'est une vieille courbée
C'est des blés couchés
C'est un cimetière
Et c'est une pierre
C'est la vie brisée
C'est le désespoir
C'est amer le soir
C'est la solitude
C'est la solitude
Au miroir brisé
C'est l'enfermement
C'est six murs ciment
C'est y'a rien à dire
Y'a plus rien à dire
Quand tout est brisé
Francis BELLIARD
11/09/03
Samedi 6 février 2021
Je vous prie d'excuser les incidents dont mon blog a été récemment l'objet : il n'a pas été possible d'y accéder à trois reprises. J'ignore pourquoi.
Par ailleurs, un dysfonctionnement momentané m'empêche de réaliser précisément ce que je souhaiterais, selon mon habitude (texte + image). Vous trouverez l'illustration au-dessus du poème que je vous propose aujourd'hui.
Grenade
Au pied du mur ocre
des tessons de verre rouge :
mon cœur éclaté
certains soirs de dérive
comme une grenade
comme une grenade...
Allons ! Debout, grenadier !
Repars sous la mitraille
un bout de chemin encore
sous les réverbères qui titubent
et les hoquets dérisoires
des néons de la mort
Le bruit proche d'un ressac
de galets mouillés roulés
le vent du large
brouille d'embruns mes yeux
qui coulent
pose ton sac
ce soir le désespoir a mis le cap au cœur nord
et les chaînes d'ancre rouillées qui grincent crient sur leurs corps morts
soir de tempête
ce n'est qu'un grain...
une vague lame du temps
mourant sur une grève grise
t'a déposé
si las
infiniment si triste
si las
arrêtez la mitraille
je veux le vert des feuillages bruissant doucement
des prairies sous le vent
et la chair orange des grenades
dans l'ombre bleue
certaines nuits trop longues
une dure main de fer broie
mon cœur tendre qui palpite
et qui pleure
qui palpite
et qui pleure
qui palpite
et qui pleure...
Francis BELLIARD
La Bourrache, 16/05/2011
Dimanche 31 janvier 2021
Ce soir, je vous propose les paroles d'une de mes chansons...
Pauvre clown
Je ne suis qu'un vieux clown
Hors service hors d'usage
KO au dernier round
Plein de rides au visage
J'ai raccroché les gants
Et ma veste au vestiaire
J'joue plus les élégants
J'fais partie du bestiaire
J'n'amuse plus les p'tits mioches
Quand j'passe dans les villages
J'suis gros, j'suis vieux, j'suis moche
Dessous mon maquillage
Je n'suis qu'un vagabond
Bon à tout bon à rien
Et je couche sous les ponts
Avec mon ami l'chien
J'suis qu'un très vieil artiste
Qu'a paumé sa roulotte
Qui a paumé la piste
Qui a paumé ses potes
Je n'suis qu'un vieux bonhomme
Qu'est tout seul sur la route
Un vieux voleur de pommes
Et qu'a l'cœur en déroute
Je ne suis qu'un vieil homme
Qu'on a mis à l'asile
J'suis qu'un paumé en somme
Même plus d'état-civil
J'suis qu'un vieux moribond
Sans compagnie aucune
Mais v'là qu'à c'jour j'suis bon
Pour la fosse commune
Dites à mes enfants
Qu'j'ai quitté cette terre
Qu'j'suis heureux maintenant
Que j'suis plus solitaire
Francis BELLIARD
La Bourrache, 07/06/09
Jeudi 28 janvier 2021
Voici les paroles d'une de mes chansons écrite il y a 20 ans, qui fait écho au poème que je vous propose à suivre...
Planète, ô ma planète !
Ma Terre
Planète, ô ma planète !
Mon cœur s'emballe dans son p'tit coin
d'un univers sans queue ni tête…
Odeur des pluies, odeur des foins,
des églantines, des violettes…
Mon cœur a pris comme un coup d'poing,
ma tête éclate, ô ma planète!
Planète, ô ma planète !
Ton cœur s'exhale et c'est la fête…
C'est p't-être la fin mais c'est la fête :
ton pouls qui cogne et tu t'entêtes
à tourner, tourner sur toi-même,
à foncer, foncer…comme je t'aime!…
Planète, planète, ô ma planète!
Planète, ô ma planète !
Ma toute belle, ma sauvage,
mon indomptée, ma courageuse,
mon infidèle, ma toute sage,
planète bleue, planète ombreuse,
ma toute nue, mon enchanteuse,
Planète, planète, ô ma planète!
Planète, ô ma planète !
C'est toi l'unique, toi ma maîtresse,
c'est toi que j'aime à en mourir,
toi dont je veux à en jouir
porter à ta peau mes caresses…
Planète, planète, ô ma planète!
Planète, ô ma planète !
Ils te labourent, ils te déchirent,
ils t'égratignent, ils te molestent,
ils t'empoisonnent et tu délires,
tu es malade et tu empestes
l'alcool, l'argent et le désir…
Planète, planète, ô ma planète !
Planète, ô ma planète !
Ma mie, ma belle, ma tendresse
aux doux avrils, aux doux septembres,
aux alizés, enchanteresse…
tes larmes, mes larmes, on te démembre,
mon île, mon île, ma maîtresse,
Planète, planète, ô ma planète !
Planète, ô ma planète !
Adieu, ma boule de lumière,
tes coups de cœur et tes colères,
adieu, toi, mon unique sphère,
je t'aime et je me désespère,
adieu, ma boule de lumière,
je t'aime et je me désespère…
Assez de boue, de violence!
Je veux encore tes matins clairs
et tes soirs d'or sur mes silences,
et ta douceur sur mes paupières,
et tes forêts et tes essences,
je te veux, ma désespérance…
Planète, planète, ô ma planète !
Ma tendre et fière, ma détresse,
ma tendre et fière, ma promesse,
ma coléreuse, ma tendresse…
Planète, ô ma planète !
Ma Terre!…
Francis BELLIARD
30 mai 2001
Jeudi 28 janvier 2021
Retour en arrière : il y a 45 ans, j'ai écrit ce long poème, hommage à notre planète, et réflexion sur notre humanité...
À la gloire de la Terre
Je suis Râhon, de la tribu des Ouhm.
Le soleil est une grosse pierre rouge
et va plonger derrière l'océan de la forêt
dans le grand fleuve lent où les petits
vont harponner les poissons.
Dans la caverne, derrière moi,
Azou surveille le feu, et les femmes
tournent la viande sur la flamme claire.
Le soleil est une grosse pierre rouge
Après moi, après mes petits, et après leurs petits,
dans l'océan de la forêt…
Je suis Andréas Arxénos, de l'île Délos, en Egée.
Mon père, mon grand-père et nos pères,
depuis que la grande roue de feu du soleil
plonge entre les îles nos voisines
pour se fondre au liquide,
de leur barque sortent en leurs filets,
pour nourrir l'épouse et les fils,
tous les poissons mouillés de l'écume des vagues.
L'enfant court de la grève à la vague
sur le sable blanc, infini et pur,
entre ciel et mer, dans le silence du soir.
La grande roue de feu du soleil
disparaît à la vague
après moi, Andréas Arxénos, et après mon fils,
Parexis Arxénos…
Thalassa…
Je suis Yang, empereur de la Grande Chine,
et des balcons de mon palais, d'où j'entends ramager les rossignols,
comme le bouclier de feu de mes guerriers,
Soleil, mon ami, tu tombes pour
mon quarante-trois mille huit cent vingtième soir de vie terrestre,
derrière les monts de la Lune où ne sont pas
encore les limites de mon pouvoir.
Les femmes s'affairent pour l'amour
que nous allons faire tout à l'heure…
Quel vide étrange, ce soir !
Soleil ! Seras-tu là demain sur les monts de la Lune,
quand je ne serai plus, Yang, Empereur de la Terre ? …
J'ai nom Sir John Exetel de Cornouailles.
Sous mon cheval allant à l'amble,
la bruyère chante, rouge corail.
Ce soir encore, troubadour éternel,
John Exetel s'assiéra dans la bruyère
et chantera face à la mer et au vent froid
le chant de gloire de Messire Soleil, rouge corail.
Quand je serai mort, enterrez-moi,
Sir John Exetel de Cornouailles,
sous la bruyère, au soir tombant,
sur le rivage de corail,
moi, troubadour éternel…
Ich bin Olga. De mon village je suis partie
Pour travailler à la fabrique.
Il est cinq heures ce soir d'hiver.
Les mouettes criaillent sur le chemin de la falaise.
Je m'en fous. Comme je me fous
de ce con de soleil qui court
tout pâle et rond comme un œil de moribond
derrière les nuages gris et le vent froid.
Les vagues sont blanches ce soir : il y aura de la tempête,
et j'aurai froid…
con de pays, con de soleil froid !
Ich bin Olga…
Gupy, c'est moi, le hippie.
J'ai les cheveux longs et dégueulasses
et les yeux blonds.
J'me pique, je vole, je chante,
et je m'ennuie
sur les routes du monde,
le long des autoroutes d'asphalte,
dans les cabines des camions…
je vais sans savoir où je suis,
loin des alvéoles à air conditionné,
des supermarchés, du bruit des cités,
des clapiers à lapins, des télés…
Je bouffe l'essence à pleins poumons,
traînant de cellule en prison.
Ce soir, avec Ennie, ma copine d'un soir,
On s'est couchés tout seuls sur les plastiques d'une plage noire…
tout seuls au milieu des millions de gens bronzés,
pour regarder le soleil se coucher
encore une fois
sur les pauvres vagues salies…
Homme ! Regarde le soleil depuis toujours se coucher sur la mer…
Francis BELLIARD
Marans, le 05/12/76
Samedi 23 janvier 2021
Nous sommes comme l'eau au musoir
Cet amour est donc une impasse :
pouvait-il en être autrement ?
nous sommes tombés dans la nasse
nous ne serons jamais amants
c'est une scène coutumière
je reprends le rapide de nuit
vers ma destinée solitaire
et toi le tramway de ta vie
où mène ce chemin de fer :
en enfer ou en paradis ?
toujours je roule sur cette terre
et seule mon ombre me suit
de bourlinguer sur ce rafiot
en as-tu pas marre, camarade ?
quand débarques-tu, matelot ?
quand mets-tu le cap sur la rade ?
la compagne du chemineau
c'est la poussière du chemin
et le bruit de ses godillots
la promesse du lendemain
aurai-je passé des écluses !
en aurais-je pris des départs !
chaque voyage un peu plus m'use
et je laisse derrière mes phares
je suis ce marin dans la brume
sans boussole ni cartes marines
sans amer et sans amertume
et que les naufrages burinent
j'ai perdu tout mon équipage
et trace ma route à l'estime
loin des ports et loin des rivages
à la surface de l'abîme
tu n'auras été que ma muse
ma fée, mon elfe, ma brise du soir
chaque voyage un peu plus m'use
nous sommes comme l'eau au musoir…
nous sommes comme l'eau au musoir…
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 16/05/09
Jeudi 21 janvier 2021
Hommage à Morice BÉNIN, parti, lui aussi...
Chanson d'Hélène, sur un poème de René-Guy CADOU :
Jeudi 21 janvier 2021
Trois petites pensées
Tu étais venue,
tu es repartie…
Sur le lit défait
y’a ton souvenir,
et, sur l’oreiller,
ton parfum m’enivre :
lui seul est resté,
mémoire des Plaisirs
à tes cuisses nues…
Tu étais venue,
tu es repartie,
dans la nuit…
Tes seins délicieux
gardent le mordant souvenir
de mes morsures douces…
Étions-nous heureux !
Pour l’odeur du bois qui brûle dans ma cheminée,
pour la flamme jaune du feu allumé pour toi ;
Pour l’eau des sources pour toi jaillie de sous les mousses,
de mes doigts ;
Pour ces nuages qui passent comme de lents chalands
où s’y dessine ton visage,
sage ;
Pour la mousse verdie aux pierres de mon seuil,
que tu franchis, mon écureuil ;
Pour les feuilles d’automne
qui frissonnent
comme sous d’invisibles doigts,
c’est le vent léger des sous-bois :
c’est ta voix aimée qui chantonne ;
Pour ces troublants regards d’eau vive échangés,
et nos baisers d’amants,
enivrants ;
Pour ton corps merveilleux d’hirondelle échappée,
hors du temps ;
Pour toi :
j’aime la vie !
Tu me l’as réapprise,
et je m’y grise…
infiniment…
je t’aime…
Francis BELLIARD
La Bourrache le 15 janvier 2013
Mardi 19 janvier 2021
Absence
J'étais là quelque part
tout entouré des gens qui passaient...
absent et présent à la fois
indifférent...
Et tes yeux m'obsédaient...
Pour passer le temps
le sablier d'un livre...
Mais tous les poèmes de Cadou
ne sont pas parvenus à
t'occulter,
mon amour
si doux
si chaud !...
tu ne m'as pas quitté...
Francis BELLIARD
Gémozac le 6 mars 2012
Encore une nouvelle ânerie de mon Tic Tac !
Le sauvetage de Tic Tac
Mes ami-e-s
Comment passer sous silence l’histoire extraordinaire mais vraie qui est arrivée sur le pré à Tic Tac[1], à mon insu, lors du premier confinement, en mars 2020 ?...
Une ânerie de plus, peu banale, comme vous allez le voir.
Ce matin, la dame du haut de la rue, qui marche chaque jour autour du village dès potron-minet et qui connaît bien mes ânes, s'est arrêtée dans sa promenade pour me parler : je me préparais pour partir au bois avec les voisins. Je la connais un peu : je l'avais aidée à rentrer son bois de chauffage, un jour, justement. Comme elle est du matin et moi du soir, nous nous croisons rarement.
Elle m'explique qu'elle voulait me raconter une scène extraordinaire à laquelle elle avait assisté, un beau matin de mars, au cours d'une de ses promenades, en arrivant au pré de mes ânes.
Elle n'emmène jamais son smartphone avec elle, l’appareil la gêne, mais ce jour-là, elle regretta vraiment de ne pas l'avoir emporté avec elle, afin de photographier ou filmer la scène tout à fait inouïe à laquelle elle assista.
Au milieu du pré, Tic Tac était immobile, bien campé sur ses pattes et son comparse Cacao[2] lui donnait des coups de son mufle sur une joue : scène étrange s'il en est !
« Ils jouent », pensa-t-elle...
En effet, abandonnés à eux-mêmes nos deux amis consacrent de longs moments à jouer ensemble.
Mais c'était si étrange, ce geste obstinément répété, qu'elle finit par trouver cela anormal.
Elle s'était déplacée, pour mieux assister à la scène, mi amusée, mi inquiète.
C’est alors qu'elle vit que quelque chose commençait de sortir de la bouche de Tic Tac !
« Cela ressemblait à une plaque », me précisa-t-elle.
Elle était trop éloignée pour percevoir nettement de quoi il retournait.
De plus en plus étrange !
Notre Cacao s'évertuait de plus belle à frapper la joue opposée de Tic Tac de son museau.
Vint un moment – Tic Tac demeurait toujours immobile – où Cacao cessa son manège, contourna son partenaire, et vint pincer entre ses dents ce morceau de plaque qui sortait de la bouche de mon gros dadais de baudet.
Il parvint enfin à en extraire…un long morceau de bois !
Ce grand benêt avait voulu le ronger et s'était fait hameçonner de la plus belle façon !
Et, sans l'aide intelligente de son comparse, il aurait sans doute encore aujourd’hui en travers de la goule[3] l’objet de sa gourmandise !
Voilà, mes ami-e-s, cette merveilleuse histoire, qui vaut bien n’importe laquelle de toutes celles que je vous ai contées dans mes fables : Âneries (T1 & 2)[4], d’autant plus qu’elle est vraie (ce qui n’est pas le cas de toutes celles que je vous ai contées dans lesdits bouquins).
Pour ce qui est de la morale, s’il en fallait, je n’en édicterais aucune, mais cette étrange aventure de mes amis solipèdes m’amène à me poser quelques questions.
La première, peut-être, serait de me demander si mes ânes, par hasard, ne possèderaient pas une âme ?...
La deuxième, s’ils ne seraient pas doués d’empathie ?...
La troisième, ces animaux seraient-ils intelligents, à leur façon (sans vouloir ouvrir un débat sur l’intelligence) ?...
Enfin, pour finir, ne seraient-ils pas en capacité de penser ?...pire : de communiquer ?...
Je croyais pourtant jusque-là que de telles qualités restaient l’apanage de l’homme. Devrais-je revoir mes conceptions sur l’animal ?...
Sur ce, mes ami-e-s, je vous laisse méditer cet incroyable épisode asin[5].
Bonne nuit…
Francis BELLIARD
La Bourrache, le 07/01/21
[1] Tic Tac, faut-il le rappeler, est la célébrité de notre petit village : il est un splendide spécimen de baudet du Poitou, parmi les plus beaux, évidemment : il est mon âne…
[2] Cacao est arrivé sur le champ après la parution de mes deux tomes d’Âneries ; Cacao est un âne plus jeune que mon grand baudet, aussi petit que l’autre est charpenté : Laurel et Hardy…
[3] Dans notre patois : la bouche (on parle, pour les équidés, de la bouche et non de la gueule) [NDLR]
[4] Ces ouvrages sont en vente chez l’auteur.
[5] De asinus, âne, en latin ; exemple : une asinerie, des courses asines.
D'un Poète à son Elfe :
Francis BELLIARD
La Bourrache, 15/12/2020
Vendredi 1er janvier 2021
Pour ouvrir cette année 2021, je vous offre les paroles d'une de mes chansons :
La statue
Vous, qui passez dans le soir,
Vous passez sans me voir
Et pourtant je suis là.
Vous, dont la robe légère
Vole dans les airs
Vous, lisant sur le banc vert,
Sans en avoir l’air,
Rougissez, battez des paupières,
Si jolie mais aussi si fière.
Vous, qui passez sans me voir,
Qui rêvez de départs,
Vous, qui brisez mon cœur
Qui pleure
Vous, dans votre jupe à fleurs,
Vous passiez tout à l’heure,
Et pourtant j’étais là.
Vous, votre livre à la main,
Au bout du jardin,
Vous, en passant ce matin,
Aviez l’air chagrin,
Près des roses et des romarins,
Vous rêviez de voyages lointains.
Vous, qui passez sans me voir,
Qui rêvez de départs,
Vous, qui brisez mon cœur
Qui pleure.
Vous, si belle et si altière,
Aux allées, solitaire,
Moi, je suis toujours là.
Vous, sous le châle de laine,
Semblez souveraine.
Vous, la belle châtelaine,
Semblez une reine,
Toute pâle, aux cheveux d’ébène,
Dans le parc, près de la fontaine.
Vous, qui passez sans me voir,
Qui rêvez de départs,
Vous, qui brisez mon cœur
Qui pleure.
Vous, rêveuse créature,
Ignorant ma torture,
Moi je suis toujours là.
Vous, je ne vous dis pas tu
Vous frôlant dévêtu,
Qu’à cette froide vertu
L’on me substitue
Un cœur chaud qui palpite et meurt,
Une bouche et des yeux qui pleurent.
Vous, vous n’avez entendu
Que la plainte du vent
Moi, je suis la statue
De Pan…
Francis BELLIARD
La Bourrache, 3 janvier 2014
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