Phare du Cordouan
Phare de Chassiron
Phare des Baleines

A travers Champs N°14

Jeudi 21 mars 2013

 

Les phares

 

Du grec ancien Pharos, nom du phare d’Alexandrie. On ne connaît pas le sens du mot Pharos. Mais on sait qu’il a donné son nom aux autres constructions semblables.

Le phare est une construction élevée, une tour, au sommet de laquelle on entretient une lumière (feu, à l’origine, lampe, par la suite) dans le but de signaler aux navigateurs un danger proche de la côte, ou de donner un repère par rapport à celle-ci.

Il est donc précieux, depuis la plus haute antiquité, aux marins. D’ailleurs l’administration de la marine se décidait à ériger un phare lorsqu’un nombre élevé de naufrages avait eu lieu en un point précis de la frange côtière de l’océan ou mer.

La construction d’un phare n’était pas une mince affaire. On choisissait le site en fonction du rocher susceptible de l’accueillir, en mer, ou sur la partie la plus proche et élevée, sur la côte (promontoire, falaise…), sur un îlot…

Si le phare était en mer, des barges transportaient les matériaux et les hommes : il fallait néanmoins tenir compte des marées, des conditions atmosphériques (brouillard, tempêtes) : il fallait approcher du récif de jour, à marée basse, autant que possible, certains écueils ne découvrant que fort peu.

Les hommes qui ont travaillé aux fondations de ces constructions, connaissaient des conditions très dures. Beaucoup furent emportés par les lames. Ce furent, à mon sens, des héros. De nombreux ouvrages (rapports, etc…) décrivent ces chantiers terribles. Il a fallu toute la ténacité, tout le dévouement de ces ouvriers pour parvenir à bâtir ces tours en pleine mer, au milieu des récifs. Souvent, forcés d’interrompre le chantier en raison du mauvais temps, ils avaient la mauvaise surprise de voir la construction emportée. Ils devaient recommencer tout à zéro. Certains phares ont particulièrement donné du fil à retordre aux ingénieurs et aux ouvriers. Mais la ténacité, la détermination de ces hommes ont eu raison des difficultés.

Car l’enjeu était de taille. La navigation commerciale nécessitait de telles entreprises. Les marchands voyant régulièrement se perdre leurs navires chargés de marchandises dans l’estuaire de la Gironde, par exemple, évitaient soigneusement tout voyage qui les amenait à croiser dans les parages.

Il apparut donc depuis longtemps qu’il fallait faire œuvre utile en bâtissant ces tours.

Une fois élevées, il fallait y installer quelqu’un en permanence pour entretenir le feu. Corollaires : il fallait y porter non seulement le bois nécessaire au feu, mais aussi un homme et des provisions. Le gardien du phare vivait donc en reclus, seul sur son île de pierre. Le plus souvent, il ne pouvait marcher à pied sec autour de son phare que fort peu, le roc ne découvrant pas beaucoup, quand il découvrait !

On imagine mal ces longues périodes de solitude, avec pour toute compagnie le bruit de la mer et le cri des oiseaux de mer, celui du vent sifflant autour de la structure, les nuits de tempête où toute la construction tremblait de haut en bas sous les coups de boutoir des vagues démontées…

Souvent, le temps ne permettait pas au bateau ravitailleur d’approcher suffisamment. Il repartait vers la côte sans le gardien, n’ayant pu assurer ni la relève ni l’avitaillement. Quelle déception ce devait être alors pour cet homme désireux, sans doute, de retrouver les siens !

J’ai dévoré avec grand plaisir les nouvelles de Paul Reboux[1] sur la vie de ces gardiens, ces ermites, finalement. Ce livre est impressionnant ; je vous le recommande. Je ne puis résister, d’ailleurs, à vous proposer ces deux pages de la dernière nouvelle. Je vous les joins ci-après.

 

J’ai eu le bonheur d’approcher du phare du Cordouan, vigie plantée au milieu de l’estuaire de la Gironde. Après une matinée de navigation à la voile, nous avions jeté l’ancre en bordure du banc de sable qui s’étend alentour. Déjà, de nombreux voiliers étaient au mouillage. Le banc de sable était envahi de plaisanciers en maillots de bain, débarqués, comme nous, sur cette île. Je suis allé assez près du phare. J’aurais pu le visiter : je n’ai pas voulu. Son aspect extérieur me suffisait. Et puis, me retrouver dans le phare au milieu de la foule me paraissait une idée saugrenue.

La marée descendait. Le bateau reposait à plat sur le sable. Nous mîmes à profit les quelques heures d’encalminage pour nous baigner, puis casser la croûte. Avec le flux, le bateau reprit sa liberté de mouvement, et nous fîmes route vers la côte. J’ai longtemps regardé diminuer la forte silhouette du phare rendu à l’océan, comme un navire sur son corps mort.

Bel ouvrage que ce Cordouan !

 

Mon enfance fut bercée du nom de ces phares : les Baleines, Chassiron, Cordouan…Ces noms ont pour moi des consonances particulières.

 

Je ne m’étendrai pas sur le soi-disant symbole phallique de ces monuments.

J’ai appris qu’il n’y avait plus de gardiens de phare : tout est automatisé, maintenant. Tant mieux, sans doute. Mais je garde la nostalgie de ces épopées fascinantes : celle des bâtisseurs de ces Saint-Bernard, et celle des gardiens de phare.

 

 



[1] Le Phare, Paul Reboux, Flammarion : édition ancienne ; j’ignore s’il a été réédité.



Extrait du livre de Paul Reboux, Le Phare

A travers Champs N°15

Vendredi 22 mars 2013

 

Les nuages

 

Savez-vous combien pèse un nuage ?...

Jusqu’à 300 000 tonnes !

On comprend mieux pourquoi nos ancêtres craignaient que le ciel leur tombe sur la tête ! Ce n’était pas idiot. Heureusement, quand il tombe, ce nuage, c’est sous forme de précipitation. Connaissant la masse d’une goutte d’eau, vous multipliez par le nombre de gouttes, et vous avez une idée de la masse du nuage qui vous tombe ainsi sur la tête.

Voilà bien quelque chose d’étonnant !

300 000 tonnes se promènent au-dessus de nos têtes, sans que cela ne nous inquiète outre mesure.

Rassurons-nous ! Le nuage ne va pas tomber stricto sensu, bien évidemment.

Pourquoi ? C’est simple. Chaque gouttelette, liquide ou solide, en suspension dans l’air voit les forces qui la maintiennent en équilibre contrebalancer la pesanteur. En gros, ce sont des forces dues à la pression et à la température ambiantes qui maintiennent les nuages dans le ciel.

Ainsi, chaque élément du nuage flotte à côté de ses semblables. Si j’ajoute sa masse à celle de ses innombrables voisins, on arrive à des nombres impressionnants. Mais il ne s’agit pas d’un corps homogène ; on ne peut considérer le nuage comme une entité pesante : on est obligé de le considérer par ses parties, malgré son aspect. Sauf à considérer ses interactions avec d’autres entités physiques proches.

 

Cela me ramène à une conception insolite de certaines colonies d’insectes.

Il est des scientifiques qui considèrent la fourmilière comme un individu et les fourmis ses cellules, ses éléments. Cet ensemble serait donc considéré comme un « être », d’une certaine façon. Ce concept est intéressant. On peut l’élargir aux sociétés humaines, considérant leur ensemble comme une entité, et les individus – vous et moi – comme des cellules de ladite entité. On peut même, tant qu’on y est, pousser plus loin, et considérer l’ensemble du vivant comme une entité planétaire…Vous ne me suivez plus, je le sens bien. Libre à vous. Notez bien que je n’ai pas dit que j’adhérais à cette idée. Je trouve simplement indispensable de changer de temps en temps son point de vue, l’angle de la prise de vue…C’est ainsi, à mon sens, que l’on s’élève…

 

Ce qui m’intéresse, c’est moins de déterminer, de ces deux options, quelle est la bonne (aucune, probablement : tout dépend de l’observateur…), que d’avoir imaginé une autre alternative à une idée préconçue. Je demeure intimement persuadé que penser de cette manière élève l’esprit de façon très pertinente, avec, pour conséquence, une espèce de recul sur les choses de la vie, qui aide à se détacher du matériel qui nous plombe tellement. Libérons notre âme des carcans de la pensée officielle, en gros. J’ai toujours détesté que l’on me dise comment penser. Acquérir cette liberté de penser, de concevoir, d’imaginer, est source de découvertes jubilatoires. Pour moi, en tout cas. J’affirme ma liberté ainsi. Je pense (…donc je suis…cf Descartes…). J’ai conscience, une conscience aiguë de cette liberté, si éloignée des bassesses de la politique politicienne, de la veulerie, de la mesquinerie, des idées étroites, des dogmes…Quoi de plus stimulant que de pouvoir échanger avec un(e) ami(e) qui n’a pas tout à fait la même opinion que vous sur un sujet donné ? Mais je ne dis pas simplement pour la rhétorique. Cette dernière ne m’intéresse pas. Je dis parler avec la force de chercher à avancer dans la quête de la Vérité, tout en admettant toujours qu’on puisse être dans l’erreur.

 

Ainsi, j’adore les problèmes (non, je ne suis pas masochiste), pas pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils révèlent en amont, du cheminement des pensées qui les ont engendrés et ce qu’ils permettent de mettre en œuvre en aval en terme de réflexion.

 

Prenons un questionnement lambda, le plus banal soit-il (comme le plus complexe). Il suppose un travail de réflexion en amont. Travail qui a débouché sur une impossibilité à trouver la réponse, à un certain moment de la réflexion. Ce qui justifie qu’on appelle à la rescousse. C’est la démarche de l’enfant qui observe, réfléchit, puis questionne : pourquoi il pleut ? Par exemple.

En ce sens, il n’est pas de question idiote. Toute question est révélatrice.

 

A partir de la formulation de la question, une nouvelle réflexion s’organise, qui va élaborer des hypothèses diverses, selon différentes manières de penser, différentes méthodes. C’est ce qui m’intéresse le plus. Car alors, comme pour le jeu d’échecs, il vous faut impérativement imaginer toutes les hypothèses, même les plus absurdes, les plus aberrantes, celles que l’on rejette systématiquement. Il arrive souvent, alors, à notre grande surprise, que ce soit là que prend corps la solution…

C’est le cas aux échecs, mais aussi dans le domaine du bricolage.

 

Vous ne trouvez pas la solution à un problème : tant que vous rejetterez, même et surtout inconsciemment, les différentes possibilités de résoudre votre problème, vous avez toutes les chances de vous énerver, en vain…Essayez d’envisager quand même un autre chemin, et, miraculeusement, cela aboutit. « Ah ! Tiens ! Je n’aurais jamais cru que… ».

Imaginez la méthode qui est susceptible de vous faire progresser sur le chemin de la résolution de l’énigme…Osez imaginer, même l’illogique…

 

J’ai essayé d’inculquer cette manière de voir les choses à mes petits élèves, du temps que j’enseignais.

Je leur demandais d’abord de bien formuler leur question : souvent, cela résolvait leur problème. Puis d’envisager toutes les méthodes possibles que l’on pouvait mettre en jeu pour tenter de trouver la solution, avant que de se jeter tête baissée dans la voie qui paraissait la plus évidente. Pour moi, cette faculté d’invention de méthodes face à un problème nouveau (ils sont le plus souvent uniques), est capital. Il est générateur d’ouverture d’esprit, de capacité à innover.

 

Au final, peu m’importe la solution à mon problème : ce qui m’intéresse, et me semble le plus essentiel, c’est l’imagination et la mise en œuvre des divers chemins qui peuvent mener à la résolution de l’énigme.

Je ne sais pas si ce que je viens d’écrire vous est accessible ?...

 

En tout cas, voilà comment je fonctionne. Ou plutôt, à quoi j’applique ma faculté de raisonner.

Celle-ci n’est jamais limitative, en ce qui me concerne. J’admets toujours toutes les hypothèses, même les plus folles, les plus irrationnelles. Surtout, peut-être même…

Ainsi, lorsque j’ai épuisé les raisonnements scientifiques, j’envisage les autres, ceux que la science rejette catégoriquement avec horreur, se limitant en cela terriblement. Mais c’est la science. Je n’aime pas me sentir limité. J’ai l’amour de la liberté viscéralement inscrit dans mes cellules. Or, la raison est limitative, et n’a pas toujours raison…

 

Pardon si j’ai été abstrus...



L'île de Ré

A travers Champs N°16

Dimanche 24 mars 2013

 

La côte rochelaise

 

 

Devant me rendre à La Rochelle ce matin, j’ai eu une soudaine envie d’océan. Voir la mer, entendre le bruit du ressac, sentir cette odeur forte d’iode. Je suis natif de cette région. Parfois, ce désir me prend de revoir cette ancienne compagne de toujours, cette bête vaste et capricieuse, à la surface de laquelle j’ai pu si souvent errer et laisser errer mes regards.

J’étais au péage de l’île de Ré. J’avais laissé ma voiture sur le parking du belvédère. J’ai emporté mon appareil photo, et j’ai marché un peu sur le pont puis sur la grève.

Le temps était printanier. Calme, doux, ensoleillé. Le bruit du ressac était souvent couvert par celui de la circulation sur le pont proche. J’étais malgré tout heureux de retrouver cette nappe mouvante et tranquille, de palper sa respiration de monstre endormi.

Evidemment, partout où se portaient mes regards, c’était grillagé. Car, pour accéder à l’île à pied, on ne peut qu’emprunter la piste de macadam réservée aux piétons, grillagée des deux côtés. J’ai eu de la peine à prendre quelques clichés vierges de béton, de fer ou de bagnoles, mais enfin, il n’y avait pas le choix. C’est pour la sécurité des usagers. L’île ne se laisse pas envahir si facilement.

Je vous livre un aperçu du paysage :



Puis j’ai descendu à travers les blocs de l’enrochement jusqu’à l’estran. Voici une photo de cet enrochement : c’est édifiant, et tellement affligeant !



J’étais venu avec mes souvenirs de jeunesse de nos rivages charentais, si chers à mon cœur.

Je suis reparti avec un grand dégoût, une profonde déception, une grande tristesse en moi...

Bonne semaine à vous !...



A travers Champs N°17

Mercredi 27 mars 2013

 

1 + 1 = 1

 

Etonnant constat : 1 + 1 = 1 !

Le jour où un scientifique m’a fait découvrir cette vérité, j’avoue, j’ai été perplexe, et j’ai réfléchi longtemps.

Nous sommes dans le domaine de la biologie.

Un homme et une femme s’accouplent. La femme porte en son sein l’enfant qui naîtra bientôt. Ils ont réussi l’opération surprenante du 1 + 1 = 1 !

Une cellule mâle et une cellule femelle vont fusionner. Ces entités individuelles, dès lors n’en font qu’une. Quel miracle !

L’ovule, dès l’introduction du spermatozoïde en lui, perd sa qualité d’ovule, et devient œuf, c'est-à-dire une entité nouvelle. Idem pour le gamète mâle.

Le développement de cet œuf aboutira à un individu.

A quel moment naît l’âme de ce sujet ?

Est-ce lors de la conception ?...Ou bien à un autre stade intermédiaire de la gestation ?...A la naissance ?...

J’ignore si quelqu’un peut répondre à cette question. Il me semble que si les scientifiques connaissent parfaitement les processus physiologiques que je viens d’évoquer, il n’en est pas de même pour mon questionnement.

Chacun peut donc penser que l’âme du nouveau-né habite son corps dès sa conception, au stade embryonnaire, fœtal, ou à la naissance, ou même à un autre moment du développement.

Mais d’où vient-elle, cette nouvelle âme ?

La mère a son âme. Le père a son âme. L’enfant a la sienne.

Là réside le plus grand mystère : comment est née cette nouvelle âme ? De la fusion de ces deux âmes ?...Rien de moins sûr…

D’aucuns diront : tant que le cerveau n’est pas formé, on considère que l’âme n’est pas encore là. Mais qu’est-ce qui prouve que notre âme a son siège dans le cerveau ? Pour ma part, je n’en suis pas persuadé.

Mais comment diantre une âme peut-elle naître du néant ?

Une chose est sûre : sans cet acte de fusion 1 + 1 = 1, elle ne viendra pas au monde.

Peut-il arriver, par hasard, à l’inverse, qu’un enfant naisse sans âme ? Apparemment non.

Vous me direz que tout ça relève du domaine de l’intuition plus que de la science. J’en conviens. C’est d’ailleurs cela qui m’intéresse.

Au fait, à la mort, que devient notre âme ? Cette âme qui ne nous a pas quittés de toute la vie, quel est son devenir au décès du corps qu’elle a habité ? Car tout individu est formé d’un corps et d’une âme. Jusqu’à preuve du contraire.

Quand 1 = 0, les cellules matérielles de ce corps se désorganisent et retournent à la poussière. S’il y a crémation, tout n’est plus que cendre. S’il y a ensevelissement, tout retourne à la terre…et se recycle…

Le remarquable équilibre des cellules d’un corps humain (ou animal) est maintenu toute sa vie par les activités concourant à le nourrir en eau, en air et en substances nutritives. Tout se désorganise avec la mort. Sans l’âme, cette miraculeuse harmonie qui permet de maintenir en exercice un ensemble si étonnamment complexe, notre organisme, pourrait-elle perdurer ?...

L’organisme est, nous le savons, un ensemble de cellules ; les cellules, nous le savons, sont des ensembles de molécules, elles-mêmes ensemble d’atomes.

Un atome est constitué de grains de matière infimes, les électrons, qui gravitent autour du noyau : entre tous ces éléments : le vide. Pas au sens du vide absolu, non, bien sûr, mais des espaces entre les corpuscules de matière. Même au sein des noyaux de ces atomes, de l’espace. Ainsi, nous sommes constitués de grains de matière mais aussi d’espaces vides. A travers tout cela circule de l’énergie, en permanence. Notre âme n’étant assurément pas constituée de matière, baignerait-elle notre corps à la manière de l’énergie ?...

Pour en revenir à mon équation ultra simple de tout à l’heure : avant la conception, alors, pas encore d’âme ? A la mort, plus d’âme ?...Qu’est-ce donc que l’âme ?...

Il sera sans doute plus difficile aux savants de répondre à cette question que de découvrir tous les secrets de la matière qui constitue notre corps, aussi complexe soit-il, dans ses dysfonctionnements ou dans le cours normal de ses mécanismes.

Pourtant, comme c’est simple : 1 + 1 = 1 !…

 

Bonne nuit !...



A travers Champs N°18

Vendredi 29 mars 2013

 

La quête de l’absolu

 

Beaucoup de gens, je pense, sont en quête d’absolu.

Je songe aux artistes peintres, qui demeurent souvent insatisfaits de leur œuvre, et qui la reprennent moult et moult fois. Je connais une potière acharnée à obtenir l’objet tel qu’elle le rêve, capable de construire et de détruire une quantité de pots avant de retenir l’épreuve suprême. Je connais aussi des bricoleurs ou des artisans de génie qui sont si exigeants avec eux-mêmes qu’ils ne mettront le point final à leur ouvrage que lorsqu’ils auront éliminé l’ultime défaut, invisible par ailleurs au commun des mortels.

On m’a souvent répété cette expression, digne d’être méditée : « Le mieux est l’ennemi du bien ». Oui. Sans doute. Mais où situer la limite entre l’inacceptable et l’acceptable (voyez que l’on revient à mon problème de limites).

C’est très personnel. Combien de créateurs ont détruit leurs œuvres qu’ils jugeaient médiocres, alors qu’aux dires de connaisseurs, c’étaient des chefs d’œuvre !

 

Lorsque j’étais au lycée, on m’avait dit : « La perfection n’est pas de ce monde. D’ailleurs, si on l’atteignait, elle ne nous toucherait pas. Je vais te donner un exemple. Un visage parfait serait parfaitement symétrique. Vois ce surveillant (il me montrait l’un de nos « pions ») : observe bien son visage. Il est d’un ovale quasiment parfait – c’était exact -, et cependant, il ne t’émeut pas. »

C’était vrai. Combien de fois depuis ai-je songé à cet axiome, considérant tel ou tel visage dyssymétrique, ou marqué par la vie, tellement bouleversant !

J’ai souvent songé au fameux profil grec, et suis arrivé à la même conclusion. J’ai souvent considéré la beauté des femmes, et j’arrivai toujours à ceci : ce qui peut être très beau ne me touche pas forcément.

Est-ce pour cette raison que lors de l’érection de ma première demeure, j’ai exigé de mon menuisier-charpentier qu’il casse à l’herminette les angles de mes poutres ? J’ai de la peine avec la rectitude, la perfection. Cela me semble inhumain. J’ai observé, par exemple, que ces arêtes irrégulières retenaient la lumière à tout moment de la journée, sous tous les éclairages, et que j’y étais sensible.

Un mur de vieilles pierres, si je ne l’aime pas trop rudimentaire, je ne le veux pas parfaitement rectiligne, avec des lignes de moellons millimétrées. Son irrégularité fait son charme.

 

L’humain est, par essence, imparfait.

Or, curieusement, il se réfère toujours au parfait, et exige d’autrui souvent la perfection qu’il n’atteindra jamais. C’est le cas dans notre société, qui tend vers l’absolu : tout le monde doit être beau, honnête, gentil,…et le quotidien nous montre chaque jour que nous ne sommes que des êtres faillibles, imparfaits. Et, bien entendu, nous adoptons des attitudes conformes à la norme attendue. Ne portons-nous pas trop d’exigences à nos dirigeants, sous prétexte qu’ils doivent montrer l’exemple ? Certes, ils aimeraient être parfaits, le prétendent parfois, croient y être parvenus, pour certains, nous le croyons volontiers…mais, hélas ! ce ne sont que des hommes !

Je ne crois pas à l’angélisme. Tout humain est imparfait, de par sa nature même. Je l’accepte avec humilité, pour ce qui me concerne, comme pour ce qui concerne mes semblables. Ce qui m’amène à ne pas les juger, surtout pas les condamner. Je leur accorde volontiers mon pardon. Mais, par contre, accepter avec fatalisme mon imperfection ne m’empêche pas de tendre vers une condition meilleure.

Tout se passe comme si je devais escalader une montagne dont je sais le sommet inaccessible. Ce qui importe, à mes yeux, ce n’est pas d’atteindre l’inatteignable, mais de me surpasser toujours, en tendant vers la lumière de ce sommet.

Nombreuses sont les chutes, forcément. Qu’importe ! Je me relève, et reprends mon bâton de pèlerin…Seule compte pour moi cette quête d’absolu, sur ce chemin incertain semé d’embûches et de désillusions, dont le bout est dans les nuages…



A travers Champs N°19

Lundi 1er avril 2013

 

De l’évolution des conditions de vie

Manger

 

Lorsque j’étais enfant – ce qui nous ramène, disons, grosso modo un peu moins d’une soixantaine d’années en arrière -, je me souviens qu’en sortant de l’école, nous goûtions. C’était, selon les saisons, toujours sur des tartines de pain, de la fraise du jardin écrasée avec du sucre en poudre, de la banane écrasée avec du sucre en poudre, de la poudre de cacao, avec du sucre en poudre, de la crème du lait des vaches de la ferme voisine sur du pain, avec du sucre en poudre…voire, un bout de pain sec, avec ou sans sucre en morceau…

 

Le matin, au petit déjeuner, c’était le traditionnel café au lait (toujours ce lait de la ferme), avec du pain et du beurre.

Au repas de midi, je ne saurais dire le menu de tous les jours de la semaine, mais il n’y avait de la viande qu’une fois par semaine, idem pour le poisson de mer (toujours du merlu, quelquefois de la morue).

Le village comptait une boulangerie, deux épiceries, une boucherie. Des gens chinaient pour les sardines, les piballes[1], etc…

Mon père cultivant un vaste jardin, les patates étaient souvent resservies, mais pas seulement : on y consommait, selon la saison, fèves, artichauts, carottes, navets, choux, haricots (verts, secs ou demi-secs), salade, salsifis, épinards, céleri, petits pois, asperges…

 

En ce temps-là, mon père possédait trois ruches au fond du jardin, dont il tirait le miel qui diminuait d’autant la consommation familiale de sucre.

 

Le soir, traditionnellement, c’était la soupe, et, parfois, quelques restes resservis froids ou réchauffés, un peu de fromage de Hollande (le fameux « croûte rouge, ou edam) ou du roquefort, rarement du jambon blanc. Un fruit.

 

La viande était rarement du steack, le plus souvent, c’étaient des morceaux préparés en ragoût.

On mangeait aussi des escargots, des cuisses de grenouille, des piballes. Du poisson d’eau douce (mon père nous emmenait fréquemment dans ses parties de pêche). Il y avait aussi des moules. Parfois des coquillages que nous allions pêcher sur la côte.

Les desserts étaient pour la plupart lactés, préparés par ma mère (yaourts, caillebottes, crème anglaise, œufs ou riz au lait, pain perdu, crêpes ou gaufres, gâteaux…).

 

Le pain était essentiel. Interdit de manger son fricot sans pain, ou de faire des restes de pain ou autre.

 

Accessoirement, il était interdit de parler à table et l’on devait « se tenir bien ». Le lavage des mains précédait impérativement les repas.

 

Bien sûr, les dimanches, avec ou sans invités, fête ou pas, l’ordinaire s’améliorait de plats plus élaborés, et plus nombreux.

 

Je réfléchissais à cela en feuilletant mon magazine scientifique hors-série dédié à notre alimentation.

Quel fossé entre ces deux époques !

Le choix des aliments à notre disposition est tellement plus vaste ! L’accès aux denrées exotiques est banalisé. Quand nous mangions des cerises, des fraises ou des poires (du jardin, seulement) ce n’était qu’à la saison. Les supermarchés n’existant pas, nous n’allions à l’épicerie que pour ce que l’on ne produisait pas soi-même ou que l’on ne trouvait pas à la ferme d’à côté, qui nous fournissait, bien sûr le lait ou les volailles…

Devant la multiplicité des aliments offerts à nos choix, comment s’astreindre à cette vie d’antan, qui paraît presque, avec le recul, ascétique ? Pourquoi, d’ailleurs ?

 

Nous voici bel et bien tributaires du marché agro-alimentaire. Dépendants.

J’apprends aussi, dans les colonnes de cette revue scientifique – mais je le savais un peu, quand même – que l’on nous maintient systématiquement en état de dépendance. Car tout est calculé pour nous faire craquer, et consommer. De la couleur, de l’aspect, des odeurs, des emballages, à la publicité, tout est bon pour nous entraîner dans la spirale de l’addiction, de la surconsommation.

Le goût de nos aliments est artificiel, travaillé en laboratoire. Il se vend des sprays de saveurs, que l’on rajoute à votre assiette en cuisine avant de vous servir votre plat…

 

Où est la qualité nutritionnelle de mon enfance ? Je ne retrouve plus le goût des poires williams de mon père, ni celui de ses petits pois…

Il est vrai que j’y ai gagné : je puis choisir, parmi les glaces et les sorbets, entre une infinie variété de goûts, quand ma mère ne nous offrait que de la glace aux fraises ou aux framboises (faite maison) !

 

Je ne critique pas cela.

La société a évolué. Souvent, elle évolue à son insu. Je ne suis pas sûr que les industriels de l’agroalimentaire aient, à l’époque du démarrage de notre société de consommation, calculé ou planifié, ni même prévu tout cela.

Je me souviens – je devais avoir cinq ans, et ce devait être en 1953 donc – être allé jouer chez des petits voisins d’en face. C’étaient des américains. Il y a eu, après la guerre, un certain nombre de « bases » militaires américaines en France, et cette famille était sans doute une famille de soldats de cette nationalité. J’avais été frappé de constater que ces enfants sortaient d’un gros berlingot en carton le lait qu’ils consommaient. Les français n’ont fait que copier ce principe de briques pour le transport et la conservation des aliments.

Pour cette dernière, nous pratiquions la stérilisation couramment. Maman faisait ses confitures et ses pâtés.

Tout, peu à peu, a changé, insensiblement, pour aboutir à ce qui nous paraît tellement naturel maintenant.

Au final, si nous devions retourner en arrière, ce ne serait pas possible. Nous voici à merci de la grande distribution, qui, bien sûr, ne cesse de nous rappeler qu’elle n’œuvre que pour l’amélioration de notre confort. C’est vrai, en fait. Nous devons être séduits par les produits que l’on veut nous vendre à tout prix.

Mais nous voici embarqués dans une spirale infernale. Il n’est que de voir défiler, objectivement, d’une façon extérieure, comme le ferait un observateur étranger embusqué aux caisses des supermarchés, les cohortes de consommateurs que nous sommes devenus : obèses, bouffis, impotents, inhumains…Indifférents, malheureux…

Désolé.

J’en suis. Comme vous.

J’en ai honte.



[1] Piballe, ou civelle : petite anguille



Le satellite français Planck

A travers Champs N°20

Mardi 9 avril 2013

 

Génération spontanée de l’énergie

 

Je réfléchissais, considérant la fameuse et récente image de l’univers photographié par le satellite Planck 370 000 ans après sa naissance, c'est-à-dire après le Big Bang.

Je n’entrerai pas dans des considérations scientifiques, j’en suis bien incapable.

Quand même, me disais-je, photographier le passé, ce n’est déjà pas rien, photographier l’univers, c’est extraordinaire, mais le photographier presque aussitôt sa surgescence, c’est parfaitement du délire ! Notez que le cliché en lui-même n’a rien d’excitant en soi. Mais quand je réalise à quel point la science des humains est extravagante, je demeure perplexe. Dieu sait si cette discipline me passionne pourtant.

Quel sens cette information a-t-elle pour moi ? Au fond, assez peu. A lire la série d’articles spécialisés qui découlent de cet exploit, pourtant, les retombées de cet événement sont incalculables, de par l’exploitation que les savants vont en faire. Incalculables pour la connaissance de l’histoire du cosmos. La nôtre un peu, aussi, du coup. Mais je ne mesure pas la portée d’un tel événement. Simplement, je rêve. On nous dit qu’il y eut, à un certain moment, une explosion fantastique, le Big Bang, à partir de quoi notre univers s’est formé. On nous dit : l’énergie s’est créée à cet instant. Mais à partir de quoi ? Qu’y avait-il juste avant ? Apparemment rien. Le néant. L’absence. L’inexistence. Les ténèbres. Le silence. Rien, quoi. Infiniment rien partout et dans tous les sens, forcément, puisqu’il n’y avait pas même d’espace. Pas de lumière. Soudain, pôf ! Il y a de l’énergie (peut-être même deux énergies ?...). Que de l’énergie. Où ? Question absurde ! Quand ? Tout aussi inepte !

Alors, peu à peu, de cette énergie née subitement, la matière naît et s’organise. La suite, on la connaît. Formation des galaxies, des étoiles et des planètes…

En même temps que je réfléchissais à ce profond mystère, sur mon écran d’ordinateur défilaient lentement des images. De somptueuses photographies en couleurs d’animaux sauvages : une antilope dans le sable d’un désert, un toucan dans la forêt tropicale, un cerf à la lisière d’une de nos forêts tempérées, aux branchages si verts, une tortue marine dans le bleu des profondeurs…

La Vie…

A un bout de la chaîne, rien ; à l’autre, à ce jour : la Vie. La Vie, si belle !...Les Ténèbres, la Lumière !...

Quel contraste impossible à appréhender dans son étrangeté ! Rien, c'est-à-dire le moins complexe possible, et la Vie, le plus complexe aboutissement de l’évolution…

La beauté de la planète, de ses paysages, de sa végétation, de sa faune, et de la vie marine…

Vous remarquerez que je ne vous ai pas dit, après les animaux : l’Humain. A dessein. Parce que là, malgré qu’il me faille reconnaître que son cerveau semble bien l’aboutissement le plus spectaculaire de la complexité dans l’évolution du vivant, je suis vaguement dubitatif. Certes, certains aspects de l’intelligence humaine méritent assurément l’admiration : je pense à la médecine, en particulier. Mais si je songe au dictateur nord Coréen, par exemple, à ce dirigeant syrien qui extermine froidement son peuple jour après jour, à l’industrie des armes…et à nos gouvernants, à nous-mêmes, simples citoyens, au quotidien : sommes-nous si admirables que l’on semble le croire avec complaisance ?

J’en doute.

Je préfère retourner à ces photos de rêve de notre nature, avant que celle-ci ne retourne à la sècheresse martienne, ou au chaos original, ou au Bang Bing.

Au fait, là on peut dire : au début : fiat lux. Or, la Bible, qui énonce cela dès ses premiers versets, ne commence pas vraiment par la lumière, mais par ces mots : « Au début était le Verbe …». Le Verbe, la parole, la Pensée…de qui ?...Tout ce qui s’est passé, du Big Bang à nos jours, aurait-il été voulu, prévu, conçu, organisé par quelque étrange entité ? Une entité de quelle essence, au juste ?...Le champ du rêve est infini…Rêvons, mes ami(e)s, aussi bien à nos origines qu’à notre devenir…Se pourrait-il qu’il fût aussi une apothéose ?...



A travers Champs N°21

Jeudi 11 avril 2013

 

Collaboration

 

J’entendais cet après-midi cette info, sur une radio d’informations :

« Le gouvernement palestinien invite les collaborateurs d’Israël à venir se dénoncer. Des allègements de peine leur seront appliqués. Le hamas a placardé cette affiche dans la bande de Gaza. »

Je cite de mémoire. J’espère ne pas commettre d’erreur en répétant l’info. Si vous relevez quelque chose d’incorrect, merci de me le signaler.

Mais ce qui m’intéresse ici s’élève au-dessus du conflit israélo-palestinien : je ne me mêle pas de politique.

 

Il y a quelques temps, des Palestiniens collaborateurs d’Israël démasqués ont été froidement abattus ; leurs corps ont été traînés dans les rues de la ville derrière des motos. L’image a été diffusée sur les télés du monde entier.

 

Lors de la guerre de 39-45, je ne pense pas que les collabos aient été mieux traités. On pourrait en dire autant des Algériens qui ont collaboré avec la France quand ils étaient démasqués. Etc, etc…

 

Somme toute, c’est cette question de la collaboration avec l’ennemi qui m’interpelle. Cette notion ne peut vivre, dans cette acception, que lors d’un conflit entre deux états. Il s’agit de personnes qui aident l’ennemi en lui communiquant des renseignements d’ordre stratégique. Ce que, en temps de guerre, il est coutume d’appeler de la trahison. De tels individus sont donc traîtres à leur pays. Dit comme cela, c’est clair et net. Et la cause est entendue : confondus, ils sont jugés, et c’est la peine capitale. Ils le savaient avant de s’engager sur ce chemin.

Or, à l’occasion d’une interview, l’un de ces traîtres palestiniens emprisonné depuis dix ans pour collaboration avec Israël s’en expliquait. Il disait qu’avant cette trahison, il avait un métier, puis qu’un jour il avait été contacté par les Israëliens pour qu’il accepte de leur fournir des renseignements. Il a refusé tant qu’il a pu. « Alors, Israël m’a fait du chantage , poursuit-il. J’ai été obligé de céder. Ainsi, j’ai dû communiquer des renseignements militaires : position des lance-roquettes, etc… » Chaque mois, il recevait une somme d’argent pour ses services. Peu à peu, il en était venu à s’habituer à ce salaire. 

On voit là plusieurs éléments intéressants.

Un : cet homme n’a jamais souhaité trahir son pays : il semble qu’on l’ait forcé par le chantage. Chantage à quoi ? Qu’avait-il donc de si grave à cacher qui vaille cette terrible résolution de la collaboration ?

Deux : l’argent se profile en arrière-plan. Quand on imagine les conditions de vie à Gaza, qui sont, si j’ai bien compris, assez misérables, l’argent est un moteur puissant. Pour peu que cet homme ait une famille, des enfants, un parent malade dont l’état nécessite des soins forcément onéreux….on peut le comprendre. Sans être particulièrement vénal, vouloir sauver les siens ou améliorer leurs conditions de vie est une motivation compréhensible.

Revenons à ce chantage. A mon sens, plus une société vit dans la misère plus il s’y passe des choses éloignées de la morale ou du civisme : observez que, déjà, dans un pays « riche », comme le nôtre, il ne manque pas de personnes pour commettre des actes répréhensibles, à tous les niveaux : les exemples pleuvent en ce moment : notre ex-ministre du Budget, le grand Rabin de France…La liste est si longue qu’il serait sans doute plus rapide d’établir celle des gens parfaitement honnêtes.

Ainsi, il paraît facile d’opérer un chantage quelconque sur un quidam un peu moins miséreux que la plupart de ses voisins : s’il a quelque richesse, c’est qu’il a trafiqué plus ou moins, donc, quelque part au fond de lui traîne de vagues remords, peut-être. Il grossira aisément sa faute quad on mettra le doigt dessus : il est d’autant plus vulnérable que s’il résiste au chantage, on risque de divulguer ses petits secrets, et il risque de perdre ses avantages matériels, ainsi que la considération de ses proches, amis ou voisins. Il est mûr : il va se compromettre dans une aventure encore plus scabreuse.

Vu de l’autre côté, c’est proprement odieux de pratiquer un chantage quel qu’il soit. Mais la guerre change la donne. Ce qui est interdit dans une société en temps de paix peut devenir licite, voire recommandé, en temps de guerre (le crime en est l’exemple le plus frappant : le meurtre est interdit en temps de paix, mais encouragé en temps de guerre : mieux : on décore les héros, qui en ont abattu beaucoup !).

Ainsi va la logique des hommes…

Où l’on voit à quel point la guerre crée des situations terribles et absurdes, sans parler de la violence brutale qu’elle génère. Est-il besoin de rafraîchir votre mémoire ?

 

Je voulais juste ici attirer votre attention sur le jugement. Sur une information sèche, on s’emporte parfois dans un jugement hâtif, sans rien connaître des tenants et des aboutissants de la chose. On fait naître la colère et l’aveuglement fait le reste. Ah ! la manipulation des âmes !... Sur cela on bâtit les conflits. En tous temps et en tous lieux, combien de soldats sont partis à la guerre, la fleur au fusil, sur des causes douteuses ?...Partis pour tuer leurs semblables, et se faire estropier à vie ou se faire massacrer sauvagement ?...

Quand on veut faire la guerre, on ne manque jamais de bonnes raisons. Il est étrange que la paix ait tant de mal à se faire entendre.

Bien sûr, je connais très peu de choses à propos de ce conflit Israëlien, mais il semble que depuis l’année de ma naissance – et j’ai soixante-cinq ans –la guerre n’ait jamais cessé.

A bien écouter les arguments des uns et des autres, on comprend que dans chaque camp, les revendications soient légitimes. Comme je viens de dire : la guerre n’a pas de mal à trouver ses arguments.

Pourtant, je me dis que si, sur la même terre on pouvait vivre en paix, cela serait tellement mieux. J’imagine des hommes et des femmes, des enfants, mêlés sur le territoire, le partageant en tant qu’habitants, travaillant côte à côte sur un même poste ou dans la même entreprise, allant dans la même école, mangeant ensemble à la même cantine, en devisant gaiement, unissant leurs efforts pour améliorer les conditions de tous, comme des frères, sans haine, sans colère…

Quoi ! La religion ! Mais enfin, que chacun aille servir son Dieu sans faire de tort à son ami, chacun dans son lieu. Je ne vois pas en quoi cela est impossible : à Cordoue, sous l’occupation musulmane, les trois grandes religions monothéistes cohabitaient harmonieusement. Ne sont-ce pas des savants juifs qui ont traduit les œuvres d’Averroès, grand penseur musulman vivant à Cordoue à cette époque ? N’est-ce pas Averroès lui-même qui a traduit et fait connaître dans tout l’occident la pensée d’Aristote ?...

 

Vivre en paix est possible. Quand on le veut. L’ennui, c’est que bon nombre de personnes ont des intérêts personnels dans la guerre. Au Liban, les marchands d’armes avaient tout intérêt à entretenir le conflit, en vendant à un camp comme à l’autre. En outre, ce sont ces mêmes personnes qui avaient intérêt à ce que les villes soient détruites : ce sont eux qui prévoyaient déjà de retirer des richesses dans la reconstruction du pays : les miliciens des deux bords ont été manipulés ! Et il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’il en va de même dans la plupart des conflits.

Je n’oublie pas d’ailleurs, à ce propos, que souvent ces hommes d’affaires peu scrupuleux n’ont pas d’états d’âme, particulièrement sur le patriotisme : ils vendent leurs armes aussi bien aux militaires de leur camp qu’à ceux du camp d’en face : historiens, me contredirez-vous ? Mais ils ne sont pas traîtres, ni collaborateurs, eux.

Une fois encore, c’est le menu peuple que l’on manipule. Au lieu de courir après les collabos, collaborez donc à la paix, ce serait plus intelligent.

Mais ceci n’est que l’opinion d’un homme insignifiant, qui n’a sans doute rien compris à la situation, un rêveur, probablement…

Oui, je rêve…C’est bien tout ce qui reste quand on constate qu’on est impuissant…



A travers Champs N°22

Mardi 16 avril 2013

 

De la valeur de la vie

 

Je me pose de façon récurrente et inquiète cette question, depuis toujours, mais particulièrement depuis la montée en puissance du terrorisme, ces derniers temps : que vaut une vie humaine ?

 

J’observe d’abord que l’on assiste à des phénomènes nouveaux et alarmants. Un homme, agissant seul, ou avec quelques complices, tue le maximum de personnes :

 

Aux Etats-Unis :

 

16 Apr 2007

Seung-Hui Cho, 23 ans, tue 32 personnes avant de se donner la mort sur le campus de l'universite de Virginia Tech. Il s'agit de la pire tuerie sur un campus perpétrée par une seule personne.

 

24 Dec 2008

Un homme déguisé en Père Noël ouvre le feu sur les convives d'un réveillon, tuant 9 personnes, dont son ex-femme. Il se donne la mort par la suite.

 

10 Mar 2009

Un forcené tue 10 personnes, dont sa mère, dans trois villes de l'Alabama avant de retourner l'arme contre lui.

 

29 Mar 2009

Un homme tue 7 pensionnaires d'une maison de retraite et une infirmière à Carthage en Caroline du Nord, après la séparation d'avec sa femme qui travaillait dans l'établissement.

 

3 Apr 2009

Un homme prend une quarantaine personnes en otage et ouvre le feu au siège d'une association d'aide aux immigrés à Binghamton, dans l'Etat de New York. Il y aurait 15 victimes.

 

30 Mar 2009

6 personnes, dont 4 enfants, sont tuées par balles en Californie dans ce qui semble être des meurtres suivis d'un suicide au sein d'une famille.

 

 

11 septembre 2011

Le dixième anniversaire des attentats du 11-Septembre a été marqué par de nombreuses cérémonies de commémorations, où le peuple américain, emmené par Barack Obama,  a honoré la mémoire des quelque 3 000 personnes qui ont péri à New York, Washington et Shanksville, en Pennsylvanie, le 11 septembre 2001.

 

En Norvège :

Anders Behring Breivik, jugé pour le massacre de 77 personnes en juillet 2011 en Norvège, a révélé jeudi 19 avril que son objectif était de tuer tous les jeunes travaillistes réunis sur l'île d'Utoya

 

En France :

 

Quatre personnes, dont trois enfants, ont été tuées lundi matin à Toulouse devant le collège juif Ozar Hatorah, dans un quartier résidentiel.

 

Voici donc quelques exemples pris au hasard dans l’actualité récente.

Je ne parle pas de la Syrie où Bachar el-Assad commet régulièrement une hécatombe quotidienne, ni du massacre des Tutsis par les Hutus au Rwanda, en 94, ni…de tout le reste. Si j’étais maniaque du classement, je considèrerais les chiffres, les classant du plus grand au plus petit, ou l’inverse, ce qui ne changerait rien à l’affaire, attribuerais des étiquettes (génocide, tuerie, massacre, crime,…).

Inutile.

Il me revient souvent cette pensée, lancinante, incontournable, et, puisqu’elle ressurgit inéluctablement à mon esprit, sans réponse : que vaut une vie humaine ?

Voyez ce paradoxe : en temps de paix, il est considéré comme criminel de tuer son semblable. En temps de guerre, c’est obligatoire, et plus vous tuez, plus vous vous approchez du statut de héros !

 

Qui me dira enfin la valeur d’une vie humaine ?

Non pas que, notre époque capitaliste étant régie par la notion d’argent, que tout étant monnayable – en principe, les choses matérielles, seulement – je sois amené spontanément à vouloir chiffrer en euros ou en dollars l’âme humaine (c’est pourtant ce qui se produit dans les prises d’otages) ; je parle de sa valeur au sens le plus noble du terme.

Il me semble bien qu’au fond, de plus en plus, l’homme perde cette dernière. Il accorderait, globalement, moins de valeur à la vie humaine qu’en des temps antérieurs. Je me trompe peut-être. De tous temps et en tous lieux, les destructions massives ont eu lieu, c’est certain. Notre antiquité humaine regorge d’exemples, dont je vous épargnerai l’énumération.

Néanmoins, le fait que des hommes n’hésitent pas à sacrifier leur vie en cherchant à faire le maximum de victimes m’interpelle. Ces kamikazes ont perdu le sens de leur vie, et celui de la vie de leurs semblables. Ou bien, au contraire, ils lui donnent une valeur démesurée : celle du sacrifice.

Les Mayas pratiquaient le sacrifice rituel et l’autosacrifice. Je note que les djihadistes qui se font exploser le font pour des raisons religieuses ; les Mayas aussi, quoique, évidemment, on ne puisse pas pousser plus loin la comparaison.

Toutefois, même si la motivation n’est pas toujours religieuse, les auteurs de tueries semblent alléguer des raisons idéologiques ou spirituelles (souvent fumeuses). Cela me donne l’impression que ces gens ont un voile devant leur esprit, qui les empêche de conscientiser normalement la réalité.

Comme si, par exemple, le fait de vivre intensément dans les univers fictifs des jeux vidéo, où l’on tue en série sans aucun état d’âme, ou dans celui de certains films d’horreur ou de guerre, tissait peu à peu ce voile, changeant le regard sur l’autre, amenant à le considérer comme un simple objet, pour lequel on n’aurait plus aucun sentiment d’empathie. L’assassin serait alors comme anesthésié, psychiquement, déniant à la vie ce caractère de respect que tout être normalement constitué doit éprouver pour celle-ci.

Curieusement, ce souvenir, qui m’avait interpellé à l’époque, m’apparaît : c’est une triste concordance : le Général de Gaulle est décédé le 9 novembre 1970. Les 12 et 13 du même mois, un cyclone dévaste le Bangladesh, faisant plus de 500 000 victimes. A l’époque, le premier événement, en France, éclipsa le second. Je n’émets pas d’opinion là-dessus, je me pose cette question : la vie d’un homme est-elle si différente, du point de vue de sa valeur, de celle d’un autre ?

Pour ma part, j’aurais tendance à penser que toutes les vies humaines se valent : une vie = une vie. Il semble que ce ne soit pas le cas.

Lors de la Seconde Guerre Mondiale, côté allemand, bon nombre de gens ont dû penser que la vie de leur Führer valait des milliers de fois plus que celle de n’importe quel juif ou tzigane.

Bon nombre d’entre vous pensent que certains de nos congénères méritent la mort, et seraient prêts, dans certains cas, à la voter sans état d’âme : ils estiment que ceux-ci n’ont pas droit à la vie.

Mais qui peut en juger ? en décider ?

 

A ce compte-là, on peut décider d’éliminer tous les chauves, ou tous les barbus, tous les laids, les difformes, les grands, les petits, les blonds…bref, n’importe qui, sur des critères aléatoires, et votre propre sécurité n’est plus assurée. Et c’est un peu ce qui est en train de se produire.

Qui peut se targuer d’avoir le droit de décider de la mort d’un de ses semblables ? Sauf s’il se prétend meilleur, supérieur ?

Or, penser ainsi est dangereux pour la société : cela mène tout droit à une société chaotique, à l’entropie, à l’autodestruction de la société humaine, en théorie, du moins.

Ainsi, la perte des repères, des valeurs, de stabilité politique et sociale, la surconsommation matérielle qui a détourné des préoccupations spirituelles, les inégalités éhontées dans la richesse ou l’accès à l’eau et à la nourriture, ont amené et amènent de plus en plus d’humains à un plus grand égoïsme, à la perte de conscience de cette valeur de la vie humaine. La leur et celle d’autrui.

J’y vois, pour ma part, plusieurs explications possibles.

Je viens d’en évoquer une : la dégradation des valeurs morales au profit des satisfactions personnelles. Je songe aussi à l’urbanisation. Dans des sociétés de type agraire, le constat s’établirait-il de la même manière ? Les sociétés dans lesquelles nous vivons se sont tellement éloignées des sociétés primitives qu’on en a perdu la relation à la nature. Est-ce que ceci peut avoir mené à cela ?...

Je ne sais trop.

Je laisse à d’autres, plus malins que moi, le soin d’y répondre.

Je tenais juste, en ce qui me concerne, à partager avec vous cette interrogation. Je n’ai aucune certitude, que des doutes et des hypothèses.

Et des inquiétudes sur l’évolution de notre société humaine sur la planète Terre.

On a tendance à penser, généralement, que notre société a évolué vers le haut : c’est vrai, pour ce qui est de la technologie et du confort. Mais, pour ma part, nonobstant les progrès d’idées concernant les Droits des humains, j’ai le sentiment amer que, globalement, nous demeurons des primitifs…Et encore, que savons-nous de nos ancêtres à deux pattes ?...

Le temps où les gens s’aimeront, chanté par tant de poètes, ne serait-il qu’un vœu pieux ?...

 

 



A travers Champs N°23

Mercredi 17 avril 2013

 

De la valeur de la vie (suite impromptue)

 

Je veux revenir un instant sur le sujet traité dans le précédent A travers champs, hier. Après avoir édité celui-ci sur mon site, j’apprenais avec tristesse ces ignobles attentats à la bombe, à Boston.

La question n’est pas qu’ils aient eu lieu à Boston. Ils auraient tout aussi bien pu avoir lieu à Madrid, Paris, Moscou, à Chypre, en Israël ou en Palestine, sur la terre d’Afrique ou d’Indonésie : c’eût été tout aussi odieux. Car enfin, qui peut, de sang-froid, décider de tuer des innocents ? Qu’est-ce qui peut justifier de tels actes ?... A mes yeux : rien. Simplement, je ne comprends pas la violence gratuite, la violence tout court, et je suis révolté, anéanti, aussi.

Jusqu’à quand allons-nous nous comporter comme des monstres ?...

Ce qu’il y a de terrible, là-dedans, c’est qu’on serait vite tenté de crier : « A mort les criminels !... ». Ne tombons pas dans ce piège, malgré la terrible tentation de la loi du Talion. Réfléchissons plutôt aux raisons de tels actes. Si nous parvenons à comprendre les mobiles profonds, il y a un espoir. C’est pour cela que je vous proposais hier une amorce de réflexion sur ce sujet.

 

Dans le fond, je peux bien continuer sur ma lancée.

J’avais l’intention de vous développer ici ce soir la liste de tout ce que j’ingère comme saloperies délicieuses en une journée normale de bouffe. Juste pour vous amener à réaliser combien on nous manque de respect, sous prétexte de nous offrir tout ce qu’il y a de meilleur. Mais vous pouvez aussi bien le faire vous-mêmes. Notez sur un papier la liste des ingrédients de chaque produit que vous mangez dans une journée ordinaire, du pain de votre petit déjeuner à la pomme de votre dessert. Demandez-vous alors pourquoi, avec tous ces trucs, vous n’êtes pas malades plus souvent.

Remarquez que je pourrais faire la même remarque avec l’air qu’on respire, sauf que là, les coupables c’est nous : encore que, à bien y réfléchir…

Moi, j’ai repensé aux repas de mon enfance.

Voilà qui a bien changé.

Donc, se repose la question, invariablement : que vaut ma vie ?

Aux yeux des industriels de l’agroalimentaire ?... Aux yeux des industriels de l’industrie pharmaceutique ?...Aux yeux de nos dirigeants politiques ?...Aux yeux des industriels de l’industrie automobile (pensez justement à la pollution atmosphérique générée par les autos et les camions…) ?...

Nous sommes des moutons, et, comme tels, tout justes bons à être tondus, tant que cela se peut, après, on peut nous jeter (voyez par exemple le recul de l’âge de la retraite : pour un travailleur du bâtiment, quel espoir de vie après 40 ou 50 ans de dur labeur ? Le calcul est simple à comprendre, non ?...

Depuis des millénaires, cela n’a guère changé. Triste constat. Sauf que nous ne sommes pas des esclaves. Quoique…

Rassurons-nous : on a besoin de nous. De moi, de vous. Oui. Pour consommer. Pour enrichir un peu plus les dirigeants de ce monde : les semenciers, les magnats de l’acier ou du pétrole…bref, il faut bien qu’on nous vende des autos, des machines à laver, à sécher, à repasser, à penser…D’autres l’ont dit avant moi, mieux que moi : Ferrat, par exemple…

Mais n’oubliez pas une chose : on nous fait croire que nous avons besoin de tous ces gens-là : c’est faux. Ce sont eux qui ont besoin de nous. Pour produire la richesse dont ils ont besoin pour vivre.

Entre nous, est-il besoin de richesse pour vivre ?...

Pour ma part, je prendrais toutes les richesses superflues chez la minorité des grandes fortunes, et je la redistribuerais aux plus pauvres. Quelqu’un a fait le calcul : Jean Ziegler (je vous en ai déjà parlé). Il y aurait largement de quoi nourrir la planète en répartissant équitablement les richesses. Il se trouverait peut-être moins d’opprimés, donc moins de raisons de se révolter, et moins de violence ?...

Encore un vœu pieux…

Bonsoir…



A travers Champs N°24

Samedi 17 avril 2013

 

De la valeur de la vie (seconde suite impromptue)

Peu après avoir bouclé le précédent A travers champs, je découvre, dans un livre que je lis : « La valeur de ta vie est fonction du bien que tu fais ».

Alors là, ça m’a interpellé.

Je croyais, en gros, que toutes les vies se valent.

On pourrait considérer alors qu’un individu qui fait beaucoup de bien à autrui est plus précieux que les autres. Corollaire : un individu qui fait beaucoup de mal ne vaut rien. C’est un vaurien (vaut rien).

Prenons des exemples :

L’abbé Pierre, Sœur Térésa ou sœur Emmanuelle, que je cite car ce sont des figures connues pour leur dévouement à de grandes causes, dont nul ne peut contester les immenses bienfaits qu’ils n’ont cessé de prodiguer autour d’eux de leur vivant, et Hitler.

Des extrêmes. L’hypothèse est que la vie du dernier n’aurait aucune valeur par rapport à celle des trois autres.

A bien réfléchir, cette hypothèse rend caduque ma question. Finalement, quel sens cela a-t-il de poser cette question ?

Certains sont de grands bienfaiteurs de l’humanité, d’autres d’horribles monstres. Tous produits de notre humanité. L’humain est capable du meilleur comme du pire.

Il semble qu’au départ, chacun ait les mêmes chances d’évoluer dans un sens ou dans l’autre. Qu’est-ce qui fait que l’un évoluera vers le bien, l’autre vers le mal ?

La génétique ? Grave question. On observe que certaines maladies mentales se transmettent génétiquement, par exemple. Ce n’est pas le cas de tout le bagage transmis par les parents. La génétique n’explique pas tout.

Le milieu dans lequel l’enfant grandit ? On sait l’influence de celui-ci sur une trajectoire de vie, en effet. Mais cela explique-t-il tout ?

Enfin, de nombreux paramètres, tout au cours de notre vie, nous poussent dans une direction plutôt qu’une autre, au fil des événements.

Sans doute, pour la plupart d’entre nous, notre vie ne marquera pas son siècle. Mais tous, à notre façon, influons peu ou prou sur notre environnement et l’évolution de notre société humaine.

S’il n’est pas de dessein à l’humanité, rien ne permet de dire que tel homme vaut plus qu’un autre. Cependant, la question du bien et du mal est venue se poser dans ma quête.

Encore faudrait-il définir le bien et le mal. Ce n’est pas une mince affaire. Comme de nombreux concepts, ces notions sont plus perçues que définies. Je ne saurais dire ce qu’est le bien ou le mal, mais je suis en mesure de dire : ceci est bien, ceci est mal. Cela fait partie de notre bagage culturel. Justement, il diffère selon les contrées, en fonction des cultures, et du temps.

Un seul exemple : il n’y a pas si longtemps, être homosexuel était considéré comme quelque chose de mal ; on voit que sur le sujet, les mentalités ont évolué. Notez qu’il y a des états qui sanctionnent encore l’homosexualité.

Mais le plus souvent, l’humain est capable du meilleur comme du pire, et fait des actions considérées comme bonnes, d’autres comme mauvaises, dans des proportions variables. En fonction des circonstances, le plus souvent.

Il arrive même que certains commettent des actions répréhensibles, sans pour cela être foncièrement mauvais.

On peut même imaginer que certains commettent des actes absurdes, sans raison définie. Un exemple nous en est donné dans l’Etranger, de Camus.

D’autre part, faut-il peser nos bonnes et mauvaises actions afin de conclure sur la valeur d’une vie ?

A ce sujet, ce que dit la Bible, est en substance ceci : si vous aimez sincèrement Dieu, toutes vos fautes seront pardonnées, et vous serez blanchis. Ici, la notion de pardon redonne à tous la même valeur. Sous-entendant que si on a fauté, notre vie n’est pas considérée de la même manière que si on fait le bien, puisqu’il y a possibilité de rachat. De ce principe, l’illustration le plus spectaculaire est la conversion de Saül, Paul (Saint Paul, pour l’Eglise). Cet homme aura été le plus acharné persécuteur des premiers adeptes de la religion prônée par le Christ, et, non seulement il lui est pardonné toutes ses fautes, mais encore, il est promu à la tâche la plus essentielle qui puisse être confiée à un homme : la propagation dans le monde de cette foi qu’il a tant combattue !

Quelle rédemption !

Dieu dit que nous sommes comptables de toute vie sur terre, du plus insignifiant des insectes à notre semblable. Car, à ses yeux, tout ce qu’il a créé est important et digne de respect.

Peut-être peut-on considérer que la vie d’un homme n’a pas plus d’importance que celle d’une fourmi ? Au fond, si le monde est absurde, il n’y a pas de raison de penser que nous sommes plus importants que les autres espèces animales. Nuisibles, oui, certainement. Au vu de l’éradication des autres espèces que nous menons. En ce sens, tout animal a autant droit à la vie que l’homme. Cette espèce – la nôtre – a simplement fini par prendre le dessus sur les autres à un point tel que c’est devenu irréversible. Alors, lorsqu’une espèce est menacée d’extinction, on peut dire que la vie de ses derniers spécimens prend une importance capitale…pour la survie de cette espèce.

Peut-être que si l’homme était une espèce menacée de disparition, la vie des humains serait plus respectée. A contrario, est-ce parce que nous sommes si nombreux que l’on y attache moins d’importance ?...



Dimanche 21 avril 2013

J'ai trouvé cet article très encourageant, dans Sciences & Avenir d'avril 2013 N°794 : je le soumets à votre réflexion...

 

A travers Champs N°25

Mercredi 24 avril 2013

 

De la valeur de la vie

 

Je commence à avoir des éléments de réponse à ma question récurrente.

Je songe, par exemple, au bien-être inexplicable que je ressentais à tenir mes enfants, encore nouveau-nés, dans mes bras, à les bercer, à les endormir, à leur parler…De tous, sans exception, se dégageait cette magie qui m’euphorisait mieux que toute drogue. De tout bébé émane ce pouvoir. Cela m’a toujours interpellé. Pourquoi en est-il ainsi ? Je ne sais. Peu importe, au fond. L’essentiel, c’est de réaliser que de tels moments de pur bonheur, qui balaient tout le reste, donnent sa valeur à la vie.

Un autre moment fort, dans un registre différent, est à rapprocher immédiatement de celui-ci : l’accouchement. Rien de plus fort, à mes yeux, que cet instant où apparaît la vie. Rien ne s’y peut comparer. Une émotion indicible, devant le miracle de la naissance. Bouleversant ! On réalise, tout à la fois, ce qu’il y a de miraculeux, de complexe et d’incompréhensible, et de si simple, d’amour, en cette éclosion unique et répétée à l’infini depuis la nuit des temps pour perpétuer l’espèce…

S’inscrire à la fois dans l’instant et dans l’infini. N’être qu’une poussière anonyme mais maillon indispensable au sein de la chaîne de notre humanité…

Et dire qu’ensuite, de certains de ces petits êtres, si fragiles au départ, si baignés d’amour (en principe ; hélas ! tous n’en bénéficient pas…), vont sourdre des monstres, des criminels, des soldats, des tueurs de vie humaine !

Dites-moi comment cela se peut, comment est-ce tolérable ?...

Penser en ces termes m’amène inexorablement à Dieu. Navré de vous imposer ma foi. Mais c’est ainsi.

La relation particulière que je développe également à la nature, aux bêtes, en particulier, mais aux plantes aussi, donne sens à la vie, la force de vie, qui circule entre les êtres, et que je nomme amour : elle est universelle. Je sens que si toutes et tous n’écoutaient que cet appel à donner à l’autre, en toute clarté intérieure, le monde serait beau, et doux…

Oui, la vie, la mienne, la vôtre, la Vie, quoi, est belle…et insignifiante, aussi, au regard de l’histoire de l’univers. Tout ceci est absurde. Insane. Insensé.

Pourtant, une chose, une seule, ne l’est pas, se nourrissant d’elle-même, comme hors de tout et au-delà de ces considérations : l’Amour, inexplicable, inextinguible…

Chacun d’entre nous le reçoit à la naissance, braise vivante en son cœur.

Il lui appartiendra ensuite d’attiser cette braise pour en faire un grand feu de joie qui rayonnera constamment, réchauffant alentour, ou de l’éteindre.

Là, la parabole des pains et des poissons prend tout son sens. Je vous la rappelle :

 

" Ils lui dirent : « Nous n’avons ici que cinq pains et deux poissons. »

Il (Jésus) dit : « Apportez-les moi ici. »

Puis il ordonna aux foules de s’étendre sur l’herbe, prit les cinq pains et les deux poissons et, regardant vers le ciel, il dit une bénédiction : et, après avoir rompu les pains, il les distribua aux disciples, et les disciples les distribuèrent aux foules.

Et tous mangèrent et furent rassasiés, et l’on ramassa le reste des morceaux : douze paniers pleins.

Or, ceux qui avaient mangé étaient au nombre d’environ cinq mille hommes, sans compter les femmes et les petits enfants. "

[Matthieu 14 :17-21]

 

NB : observez, ce n’est pas un hasard, qu’il reste douze paniers, autant que les disciples du Christ, ce qui doit logiquement vous amener à comprendre que le pain que multiplie Jésus, c’est l’amour : l’amour que je donne à mon prochain ne l’épuise pas ; ce que je donne à l’un n’enlève rien aux autres. Comme une source perpétuelle, cet amour en moi se renouvelle à l’infini, véritable nourriture de l’âme…

C’est, selon moi, le message que délivre cet acte magnifique du Christ.

Nous avons tous en nous cette capacité à donner de la lumière. J’y vois, pour ma part, la marque de Dieu.

 

Je précise que je n’appartiens à aucune église, ou aucun mouvement religieux. Ma foi m’est personnelle. Me confier sur ce point à vous, ami(e) lecteur(rice) n’engage que moi, et je ne veux ici ni influencer, ni provoquer qui que ce soit, car je ne cherche pas la guerre, mais la paix.

À travers Champs N°26

Jeudi 25 avril 2013

 

Des pollutions sonores et lumineuses

 

Il est des jours, des soirs surtout, des dimanches, où j’effectue la montée vers l’enclos de mon âne dans le silence. Je veux dire, un silence composé uniquement des bruits de la nature : chants discrets des oiseaux, qui renforcent la qualité de ce silence quand ils se taisent. Alors, il me surprend, m’apaise, m’étonne, m’inquiète vaguement. C’est tellement inhabituel.

Ce soir, ce n’était certes pas le cas. L’air était empli de bruits de moteurs : ceux des véhicules circulant sur la RN 10 proche, celui d’un tracteur pulvérisant des produits chimiques, ceux des tondeuses à gazon, celui d’un motoculteur, un autre d’un taille-haie, le vrombissement assourdissant d’une moto…

J’ai essayé de dresser la liste de toutes les machines que nous utilisons dans la journée, qui s’accompagne toujours de bruit. A tout ce que je viens d’énumérer, il convient d’ajouter celui d’un tractopelle qui est passé, d’une scie ou d’un rabot électriques ; parfois, s’y ajoutent ceux d’une bétonnière, d’une tronçonneuse, d’une débroussailleuse, d’un compresseur…J’en oublie sans doute.

Je songeais qu’il y a un certain nombre d’années en arrière, la plupart de ces machines n’existaient pas.

Les hommes utilisaient des instruments à main ou la force des chevaux. Les bruits d’une faux ou d’une scie égoïne, d’un vélo, des chevaux, ne sont certes pas aussi riches en décibels que celui des machines citées plus haut.

Si, du jour au lendemain, toutes ces machines à moteur cessaient d’exister, ce serait sans doute un silence riche… et déconcertant.

Un jour, nous avions loué un gîte en Lozère, en un lieu écarté de tout village, au cœur de la forêt. Notre loueuse nous expliquait que les locataires précédents étaient des parisiens. Ils devaient passer là la semaine. Ils sont arrivés le samedi, ont passé la nuit, …et ont décampé le lendemain aux aurores : ils n’avaient pas pu supporter le silence !

Quel monde sonore était celui d’avant les moteurs ? J’imagine : celui des bêtes : hennissements des chevaux, braiements des ânes, meuglements des vaches, bêlements des chèvres, aboiements des chiens, chants d’oiseaux, bruits de marteaux, de charrois sur les pierres, appels des gens…

Je ne sais pas si notre environnement sonore, si riche en bruits de moteurs, a une influence sur nos comportements ou notre santé…

 

Longtemps je me suis plu à observer le ciel. Pour cela, il faut l’obscurité la plus parfaite, et, bien sûr, un ciel dégagé. Par une nuit sans lune, alors, il est un plaisir infini, celui de la contemplation du ciel nocturne, qui a lieu, le plus souvent, dans un grand silence, que ne viennent troubler qu’un véhicule passant ou quelque aboiement d’un chien dans un village lointain.

Or, il devient de plus en plus difficile de procéder dans de bonnes conditions à une observation du ciel étoilé : la lumière de nos villes et villages mangent l’obscurité. Même si vous parvenez à découvrir un site assez isolé, il est rare, généralement, qu’il n’y ait pas à l’horizon le dôme rosâtre d’une coupole lumineuse coiffant une agglomération.

Pourquoi laisse-t-on briller des lampadaires dans la nuit ? Aurions-nous peur, quand nous sortons ? Ils brillent pour rien. Dans nos campagnes, personne ne sort à pied la nuit. Je me souviens, dans le village de mon enfance, des soirs d’été où des familles entières se promenaient nuitamment dans l’obscurité, dans la rue principale du village. Certains prenaient le frais devant leur porte, sur des chaises ou des bancs. Les enfants jouaient calmement. On échangeait des salutations aimables en se croisant, dans l’obscurité, qui était souvent si épaisse qu’on ne reconnaissait pas même les villageois que l’on croisait. Parfois, on s’arrêtait échanger trois mots…Les voix du soir étaient celles des hommes et des bêtes : un chat-huant, une hulotte, les notes flûtées des crapauds, le coassement des grenouilles, un bruit de chaînes montant s’une étable, un meuglement…

Avec les odeurs qui s’exhalent dans la nuit de façon si particulière. L’odeur chaude d’une étable, de fleurs odorantes, de la paille, du froment ou du foin coupés…Pas ceux des pots d’échappement.

Merveilleux souvenirs de l’enfance…

On apprenait à goûter la vie, et ses mystères, à l’apprécier.

Oh ! Que c’étaient des plaisirs frustres, direz-vous ! Mais oui. C’est ainsi que j’ai appris à aimer les choses simples de la vie. Les cris des bêtes et leurs odeurs. Les voix des gens dans la nuit…

C’était un temps d’avant les pollutions. Comme chantait Aznavour : « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… »

« Est-ce ainsi que les hommes vivent ?...» (chantait Ferré…).

Oui : Est-ce ainsi que les hommes vivent ?...