Autrefois
Autrefois
Enfant, j'allais courir à travers les champs.
C'était pas loin : la cour, la rue, et puis
C'était l'herbe grasse et les pissenlits,
Comme des soleils d'or et les compagnons blancs…
Autrefois
Blanche aubépine à nos vertes pallis,
Des timides coucous dans la rosée,
Le ruisseau emmenant la paille posée,
Fleurs au jardin et parfum des grands lys….
Autrefois
Odeur âcre du brûlot du cantonnier,
L'automne, le soir ; le village est tranquille ;
Des voix de chiens et d'hommes ; rumeurs subtiles ;
La cloche tinte sur les toits embrumés…
Autrefois
L'école, le plancher vieux, les cartes, la craie,
Et, sur le vieux tableau noir, la dictée
Et les leçons qu'un vieil homme a marquées ;
La fenêtre ouverte, les abeilles entraient…
Autrefois
Un gamin à la cime d'un ormeau ;
Un arc, une fronde, un ballon, un palet ;
La cabane dans les bois est un palais.
Les envols, les cris, les champs des oiseaux…
Autrefois
Mais je n'en finirais pas de radoter.
J'aime parfois faire revivre ces images ;
Tant dorment au creux de mon tiroir, bien sages :
Confitures, tilleul, soleil, pluies d'été…
Maintenant
Je fais des kilomètres de bitume,
Je fais des kilogrammes de béton,
Avant de retrouver quelques moutons,
Ou d'un crépuscule sans maisons la brume…
Maintenant
Je ne vois plus d'enfants aux chemins creux
Ou dans les branches centenaires des ormeaux,
Ni ne surprends ou n'entends le loriot…
Nos bois ont l'odeur d'essence, et c'est affreux !
Alors
Refermons le vieux livre, cuir jauni ;
Oublions ces relents d'ancienne moisson.
Mais sachez bien, qu'à tort ou à raison,
J'ai peur, et c'est d'air pur dont j'ai envie…
Francis BELLIARD