Comme à la cage l'animal



Le vent de mer ou de printemps

l'averse aux champs mouille la terre

mes pieds n'auraient plus aux souliers

glaise qui colle, herbe mouillée ?…

Cesser de humer le beau temps,

cesser de m'exprimer en vers?…

 

A refuser tout de la vie,

est-ce que l'on vit, dis ?…

 

Un arbre bouge doucement,

un geai s'enfuit dans les bosquets…

N'aurai-je plus le droit d'aimer ?…

N'aurai-je donc plus qu'à me taire,

à me morfondre, à me défaire ?…

 

A refuser tout de la vie,

est-ce que l'on vit, dis ?…

 

Sous la mousse jaillit la source;

ces yeux, ce regard, ô mon Dieu !

faut-il vraiment que je m'efface,

que j'abandonne ainsi ma course?…

que la promesse de ces yeux,

je la délie?…je la défasse ?…

 

A refuser tout de la vie,

est-ce que l'on vit, dis ?…

 

N'ai-je donc point ce droit de vivre,

de rire, de haïr ou d'aimer

qui je rencontre sur ma route ?…

Dois-je cesser de m'exprimer,

abattu comme un oiseau ivre ?…

abattu comme un oiseau ivre ?…

 

A refuser tout de la vie,

est-ce que l'on vit, dis ?…

 

Où est le mal, où est le mal ?…

Qui me connaît un peu le sait.

Comme il est dur parfois de vivre

quand on doit taire ce que l'on est…

comme aux vitres d'hiver le givre,

comme à la cage l'animal…

 

A refuser tout de la vie,

est-ce que l'on vit, dis ?…

 

Francis BELLIARD