Arrière-saison
J'ai mis à sécher les girolles
et les bogues des châtaigniers
j'ai fait un grand feu d'herbes folles
et j'ai chassé mes araignées
la colombe aux nuages s'envole
par les trous du vieux pigeonnier
mon chat rêve de campagnols
je clos la porte du grenier
l'automne a posé sa langueur
sur les forêts et les étangs
aux champs d'éteules sa tiédeur
jusqu'aux lointains sa paix s'étend
oh ! douceur de l'arrière-saison
par les chemins et par les champs
j'entends d'amères oraisons
et les pleurs de cent gens marchant
toutes noires sur le tapis blanc
et voici la lune en croissant
tombant des branches dans l'étang
et voilà qu'on plume le ciel
la dame blanche soudain s'élance
aux haies nues durcies par le gel
qu'est cette plainte dans le silence ?
nulle lumière à mes carreaux
aucun feu à mon âtre vide
que le froid derrière mes rideaux
et mon corps roide et si livide
adieu beaux automnes si doux
les lents troupeaux rentrant le soir
et la poésie de Cadou
et les grappes dans le pressoir
adieu à tout ce que j'aimais
enfants qui fûtes mon vin doux
à celles et ceux que j'aimai
voici que je repose en vous
Francis BELLIARD