Un jardin… 

 

un jardin

un jardin de lumière

un jardin de senteurs

un jardin de parfums

un jardin avec une source

en son creux de mousse et de pierres

qui cascade et glougloute

et se perd sous les herbes vertes

un jardin

avec comme une brume bleue légère légère

autour des arbres qui dorment

car il fait tiède ici et frais aussi

autour des feuillages en repos

et des troncs très tranquilles

ce jardin tout empli du silence

des oiseaux qui s’appellent heureux

sans crainte qui volettent

sans crainte qui se posent

sans crainte sur mes épaules

ce jardin tout plein de cette chose

discrète et tendre et douce et absente

et présente à la fois,

que je respire, que je bois comme une sève

fraîche

je n’ai plus mal je n’ai pas mal

je n’ai jamais eu mal

ici

j’ai oublié les souffrances

infligées et reçues

les souffrances déchirantes

lancinantes

ce jardin où j’avance

seul

où pourtant je sens

oui je sens d’autres vies

qui pénètrent aussi

ici

la source est là si douce

la mousse si douce aussi

dans l’air des insectes

planent et coulent et passent

ce jardin après ce long tunnel

après cet étouffant tunnel

après cet obscur tunnel

où j’ai couru oppressé

des années…

des années immobiles

et soudain

ce merveilleux jardin

des biches paissent au loin

dans la paix de ce soir

qui n’en finit pas

je n’ai plus mes années

je n’ai plus de demain

plus d’hier

et j’avance tranquille

dans la rose rosée

vers

mon fils

qui me sourit de son sourire si doux

vers

mes filles

qui me sourient de leur sourire très doux

et la lumière vous nimbe

et nous allons

dans ce jardin aux senteurs de fougères et de champignons

de menthe et d’orange amère

et nous allons

heureux jusqu’à l’éternité


 Francis BELLIARD