Railleur
Ainsi tu n’as été, sans paraître gouailleur,
Poète, ni soldat, ni artisan tailleur,
Encore moins écrivain, ou paysan d’ailleurs.
Tu ne fus, je le sais, qu’un mauvais gribouilleur,
Va-nu-pieds du stylo, piètre poétailleur,
Et, soyons bon seigneur, très mauvais rimailleur,
Pas même, je le confesse, passable écrivailleur.
Eusses-tu pu, seulement, être bon ferrailleur,
Pour nous pondre à grand peine quelque limaille de vers,
Quelque œuvre de vers forgés, quelques rimes à l’envers,
Tel un vieil orpailleur quelques rimailles de fer ?
N’as-tu été sur terre qu’un vrai faux-monnayeur ?
Je t’eusse mieux vu, en fait, en simple travailleur
Du verre, du bois, des pierres, peut-être rempailleur.
Tordre les mots n’est pas ton fort, pauvre essayeur.
Des feuilles mortes de tes rimes, petit railleur,
Fais un ballot, et sois au moins bon balayeur.
Et pour clore le chapitre de tes alexandrins,
Je te baille, heureux pitre - car ton labeur est vain -
Le titre de raseur, celui d’empoisonneur,
Et te prie maintenant de te faire pendre ailleurs.
Francis BELLIARD