Vendredi 24 janvier 2014

 

Voici deux extraits de ma dernière nouvelle "Les yeux noirs" (à paraître dans quelques mois) :

 

Ce soir, en sortant de l’église, Cyprian s’arrête à la porte de la cure. Il  tire sur la poignée qui  éveille l’écho lointain d’une clochette, quelque part au fond de la demeure.

N’obtenant aucune réponse, il pousse la porte, qui livre accès au jardin du prêtre.

C’est un jardin assez grand, planté d’arbres fruitiers, de lilas et de poiriers en espaliers contre les murs, de cassissiers et de groseilliers. Les allées sont envahies d’herbes folles et sinuent parmi les carrés de terre jardinée et les plates-bandes de fleurs montantes. Des rosiers aux grosses fleurs odorantes encadrent le perron.

Ses pas crissent sur le gravier de l’allée. Il gravit trois marches de pierre. Un des deux vantaux vitrés à petits bois est ouvert. Il frappe, appelle.

Le prêtre arrive, les bras tendus.

« Ah ! Mon ami Cyprian ! Quelle joie tu me fais par ta visite ! Entre donc ! »

Ils s’étreignent chaleureusement.

 

.../...

 

Il fait beau. La pluie de ces jours derniers a rafraîchi l’atmosphère et fait reverdir un peu les champs, les bas-côtés des chemins et les arbres des haies, aplati la poussière des chemins.

Cyprian pédale sur la route blanche entre deux pallis[1] en sifflotant. Il a attaché sur le cadre du vélo, entre ses jambes, une canne à pêche, sur le porte-bagage un vieux sac de jute et une boîte qui contient du fil, des hameçons, des plombs, des bouchons et des asticots.

Les fleurs bleues des chicorées sont à peu près les seules à orner les bermes. Avec les épervières d’or. La saison est bien avancée : le vert des feuillages commence à jaunir.

Voici la rivière. Large ruban vert immobile, la surface de la Sèvre est par endroits totalement envahie de lentilles d’eau qui lui font comme une vêture verte.

Des barques reposent, amarrées aux rives par une chaîne. En face, pas d’habitation. De grands peupliers ondulent et bruissent doucement. De beaux frênes ombragent les prairies qui bordent la rivière. Loin vers la gauche, dans un méandre, sur la levée, entourée de son bouquet d’arbres, une maison basse au toit de roseau, oasis plantée au haut de la levée de terre qui longe l’eau, sommeille.

Un héron rame lentement vers l’île, en face. Quelques gros nuages blancs et pommelés vagabondent dans le ciel bleu. Des hirondelles noires, par bandes agitées, plongent au ras de l’eau, effleurent en criant la surface, et rebondissent vers le tablier du ciel.

Des ronds crèvent l’onde de ci, de là, créant des cercles mouvants qui meurent en s’éloignant vers les rives.



[1] Pallis : haies


[1] Pallis : haies